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CHAPITRE 2 – La recherche de prise de masse musculaire chez les sportifs

2.3. Les comportements associés à la recherche de prise de masse musculaire

2.3.5. Dopage

L’utilisation de produits dopants est devenue un véritable problème de santé publique international, car les utilisateurs sont de plus en plus nombreux (e.g., Alves & Ohl, 2019 ; Sánchez-Oliver et al., 2019). Différents pays considéreraient la prise de produits dopants comme un élément caractéristique de la culture du bodybuilding (e.g., Coquet, Roussel, & Ohl, 2018 ; Perera, 2016). L’utilisation de ces substances se veut progressive car elle semble débuter par une alimentation hyperprotéinée, aboutissant à l’utilisation de compléments alimentaires qui est souvent la passerelle vers l’utilisation de produits dopants (e.g., Hildebrandt et al., 2012 ; Karazsia, Crowther, & Galioto, 2013). La motivation première pour l’utilisation de ces produits est l'insatisfaction corporelle, le manque d'estime de soi, ainsi que la DM (e.g., Greenway & Price, 2018 ; Hitti, Melki, & Mufarrij, 2014). Néanmoins, ces facteurs peuvent précéder

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l’utilisation de stéroïdes anabolisants-androgènes pour certains hommes, mais ils peuvent aussi en être les conséquences pour d’autres hommes (e.g., Greenway & Price, 2018).

Les produits les plus régulièrement injectés par les bodybuilders sont les stéroïdes anabolisants-androgènes (e.g., Déca-Durabolin, testostérone, winstrol), qui sont des formes synthétiques de testostérone utilisées pour augmenter les performances sportives (e.g., Fijan, Eftekhari, & Dashtabi, 2018 ; Mazzeo, 2018). Les hormones de peptides et de croissance sont aussi très populaires dans cette population (e.g., Althobiti, Alqurashi, Alotaibi, Alharthi, & Alswat, 2018 ; Khorramabady, 2017). Les injections intraveineuses sont la forme d’utilisation des produits dopants la plus communément utilisée, mais certains sportifs cumulent les injections intraveineuses à l'ingestion orale, et rares sont ceux qui utilisent seulement l’ingestion orale (e.g., Hussain, Khalily, Rehman, Masud, & Arouj, 2019). Jusqu’à présent, la littérature s’accordait sur le fait que les jeunes hommes ayant un faible niveau d’éducation étaient les plus gros consommateurs de stéroïdes anabolisants-androgènes (e.g., Angoorani & Halabchi, 2015 ; de Siqueira Nogueira, de Freitas Brito, de Oliveira, Vieira, & Beniz Gouveia, 2014), mais une récente étude a montré que la prévalence d’utilisation des produits dopants était plus élevée chez les 30-34 ans (45,3%) (95% CI, 36,9 – 54,0), et notamment chez les hommes ayant fait des études supérieures (37,4%) (95% CI, 31,8 – 43,4) (Bahri et al., 2017). Toutefois, les précédentes études s’accordent sur le fait que ce sont les bodybuilders compétiteurs qui utilisent le plus régulièrement des stéroïdes anabolisants-androgènes (e.g., Goldfield, 2009 ; Mazzeo, 2018). De plus, de nombreuses études ont montré que les hommes pratiquant la musculation et utilisant ces produits dopants étaient dépendants à ces produits (e.g., Greenway & Price, 2018 ; Pope et al., 2014).

Ces produits ont été associés à des troubles cardiovasculaires et psychiatriques (e.g., Kujawska et al., 2018 ; Ostovar, Haerinejad, Akbarzadeh, & Keshavarz, 2017 ; Roccella, 2018), à des troubles hormonaux (e.g., Horwitz, Andersen, & Dalhoff, 2019 ; Vilar Neto et al., 2018),

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à une perte de la libido et de la fertilité (e.g., Major, Pierides, Squire, & Roberts, 2015), à de l’hyperpression artérielle (e.g., Christou, Christou, Žiberna, & Christou, 2019 ; Kujawska et al., 2018), à des maladies rénales et hépatiques (e.g., El-Reshaid, El-Reshaid, Al-Bader, Ramadan, & Madda, 2018 ; Khan, Ghayas, Mehtab, Idrees, & Anjum, 2018 ; Mazzeo, 2018), à un taux élevé de tentatives de suicide (e.g., Nieschlag & Vorona, 2015), et à des morts précoces (e.g., Mazzeo, 2018). En effet, l’étude de Horwitz et al. (2019), réalisée auprès de 545 hommes, a montré que les utilisateurs de stéroïdes anabolisants-androgènes étaient trois fois plus à risque de décéder de manière précoce, comparé aux non-utilisateurs. Malgré la connaissance de ces risques pour la santé, et les différentes lois qui régissent leurs ventes, de nombreux individus continuent de consommer des stéroïdes anabolisants-androgènes sans supervision médicale (e.g., de Oliveira, Bocalini, & Filho, 2019 ; Goldman, Pope, & Bhasin, 2018 ; Hitti et al., 2014). Ce résultat a été confirmé par l’étude de Fijan et al. (2018), dans laquelle 54,1% des participants avaient commencé la prise de stéroïdes anabolisants-androgènes avec la seule recommandation de leur entraîneur. Les principales raisons pouvant pousser les utilisateurs à arrêter de consommer ces produits sont le haut coût financier, ou le fait d’être révélé à la police (e.g., Pysny, Pysna, Petru, Ctvrteckova, & Aismann, 2019). Néanmoins, il semble intéressant de préciser que tous les pays n’ont pas la même réglementation au niveau de l’utilisation des produits dopants (e.g., Coquet, Ohl, & Roussel, 2016). En effet, l’Amérique, et plus précisément les États-Unis et le brésil semblent très libéraux en matière de dopage comparé aux pays d’Europe, et notamment aux pays du nord de l’Europe (e.g., Alves & Ohl, 2019 ; Andreasson & Henning, 2019).

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2.4. Synthèse

Ce deuxième chapitre porte sur la recherche de prise de masse musculaire chez les sportifs masculins, étudiée depuis près de vingt ans sous le nom de « Drive for Muscularity » (McCreary & Sasse, 2000). Les questionnaires permettant de mesurer la recherche de prise de masse musculaire ont fait émerger plusieurs limites. Notamment la validité théorique de l’instrument le plus utilisé (DMS), dont il n’existe à ce jour aucune version française, a été interrogée. La littérature a montré que les comportements associés à la recherche de prise de masse musculaire étaient multiples et déviants (e.g., Cella et al., 2012). En effet, la dépendance à la musculation et aux miroirs, l’isolement social, l’alimentation hyperprotéinée, la prise de compléments alimentaires, ainsi que l’utilisation du dopage sont apparus reliés à la recherche de prise de masse musculaire et à la DM (e.g., Delai et al., 2018 ; Mitchell et al., 2017 ; Pope et al., 2014). De plus, le caractère possiblement délétère pour la santé des comportements associés à cette recherche de prise de masse musculaire chez les sportifs masculins nous pousse à nous interroger sur les facteurs sous-jacents.

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CHAPITRE 3 – Les facteurs explicatifs de la recherche de prise

de masse musculaire et des troubles du comportement alimentaire

chez les sportifs masculins

L’objectif de ce chapitre est de présenter les facteurs explicatifs de la recherche de prise de masse musculaire et des TCA chez les sportifs masculins, et notamment les facteurs psychosociaux. Nous nous intéresserons successivement aux (a) facteurs sociodémographiques, (b) facteurs sociaux, (c) facteurs psychologiques, et (d) facteurs liés aux disciplines sportives.

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