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En regard du changement d’intervenants, les sujets de notre étude ont de prime abord partagé leurs premières impressions. Ces réactions viennent confirmer la présence d’une mobilité de personnel et vont dans le même sens que les éléments discutés au chapitre précédent à partir des 93 dossiers dépouillés.

5.2.1 Familles d’accueil

Les familles d’accueil observent que le changement d’intervenants est chose courante. Ces familles se réfèrent à des exemples concrets pour illustrer la mobilité de personnel, qu’elles qualifient de trop fréquente. Une famille d’accueil explique qu’un des jeunes qu’elle héberge a connu au moins 5 intervenants en 3 ans, alors qu’une autre mentionne qu’un enfant âgé de 9 ans a connu plus de 9 intervenants en 7 ans. Une autre relate qu’un jeune a connu au minimum 5 intervenants en 8 ans.

À ce sujet, une des familles d’accueil nous dit : « Tous les jeunes qui sont ici en régulier ont toujours eu un gros changement d’intervenants. Ils changeaient dans la même année en moyenne 1 à 2 fois d’intervenants (FA1) ». Elle enrichit ses propos en relatant ceux d’un jeune qui lui a déjà dit : « Bon, ça va être qui le prochain intervenant ? Ah, encore! Bon, c’est qui là ? (FA1) ». Sur la même note, une autre famille d’accueil indique : « Oui, ces enfants ont tous changé d’intervenants, même ceux que j’ai eu juste trois mois. Ils ont tous changé d’intervenants, parce que le système est ainsi fait (FA3) ». Cette même famille d’accueil poursuit son idée en mentionnant :

C’est dur pour un enfant de changer, changer et de changer. Peut-être quand tu es assis dans un bureau aux Centres jeunesse de l’Outaouais à Hull, c’est difficile à voir. Mais, demande à n’importe quelle famille d’accueil, elles vont te le dire comment c’est difficile pour les enfants de changer d’intervenants (FA3).

Une des familles d’accueil note toutefois qu’un des jeunes qu’elle héberge, âgé de 4 ans, n’a eu qu’un seul intervenant depuis son placement chez elle, ce qui constitue un cas rare à ses yeux. Les familles d’accueil évaluent que la durée moyenne d’implication

des intervenants sociaux est de trois à six mois. Une famille d’accueil indique que cette durée varie d’une fois à l’autre, que ce n’est jamais pareil. Une autre précise cependant que les intervenants sociaux qu’elle a connus ont tous travaillé avec elle moins d’un an.

Les familles d’accueil mentionnent aussi qu’elles ne connaissent pas les motifs prévalants aux changements d’intervenants. Elles sont portées à croire que les changements sont dus à des changements de poste, à des changements de territoire. L’une d’elles croit que les intervenants quittent leur poste pour s’insérer dans un territoire où les conditions de travail sont meilleures. En sus du changement de territoire, une autre famille d’accueil énumère des situations inévitables, dont les grossesses, les congés parentaux, les maladies.

Lorsque questionnées à ce sujet par les enfants en placement, les familles d’accueil mentionnent ne pas savoir quoi dire aux jeunes. Une famille d’accueil rapporte : « J’ai eu un jeune qui m’a déjà posé cette question. Je n’avais pas vraiment d’explications à lui donner (FA1) ». Une autre ajoute : « Je ne connais pas les raisons. C’est probablement un changement d’endroit encore (FA2) ».

5.2.2 Intervenants

Les intervenants sociaux sont conscients du phénomène de mobilité des professionnels de la protection de la jeunesse. Deux intervenants sociaux interviewés

évaluent à 4 ou 5 le nombre de changements d’intervenants pour chaque enfant. Le troisième croit plutôt que ces changements peuvent aller jusqu’à 7. Tous considèrent que les jeunes sont confrontés à de trop nombreux changements d’intervenants. L’un d’eux nous dit : « Depuis que je suis en protection, les jeunes connaissent plusieurs changements d’intervenants. Nous sommes encore pour eux de nouveaux intervenants. Alors, c’est beaucoup (TS3) ». Un intervenant résume son idée en regard du changement d’intervenants en partageant les réactions des jeunes : « On change encore… (soupir) (IS3.5) ».

5.2.3 Enfants en placement

Les enfants placés sont les premiers concernés par la mobilité de personnel de la protection de la jeunesse. Nous les avons questionnés à ce sujet. Les trois adolescentes interviewées indiquent qu’elles ont connu plusieurs changements d’intervenants. Elles ont toutefois de la difficulté en à faire le dénombrement. À cet égard, une des jeunes filles mentionne : « Je ne sais pas. Oui, j’ai eu des intervenants… d’autres avant aussi (E1) ». Une autre indique : « J’en ai eu quand même assez. Je ne me rappelle plus combien (E3) ». La dernière répond qu’elle en a eu « plusieurs (E2) ».

En stimulant leurs capacités mnémoniques, deux adolescentes parviennent à indiquer qu’elles ont connu au moins 4 intervenants, sans compter ceux qu’elles ont connus lors des implications antérieures de la protection de la jeunesse. L’autre

adolescente se souvient de 5 intervenants, tout en indiquant qu’il est possible qu’elle en ait connu d’autres. Elles sont toutefois unanimes pour dire qu’il y a trop de changements d’intervenants et qu’elles ne désirent plus en revivre. L’une d’elles craint que son intervenant quitte et qu’elle soit confrontée de nouveau à un changement d’intervenants. Une autre raconte qu’elle s’est opposée fermement à un changement d’intervenant, désirant conserver celui en qui elle avait confiance, celui qui l’a accompagnée lors des périodes difficiles de sa vie.

Par ailleurs, les adolescentes ne peuvent préciser la durée d’intervention pour chacun des intervenants qui ont été assignés à leur situation, ni expliquer les motifs reliés à ces changements d’intervenants. En fait, elles mentionnent ne pas comprendre ces différents changements, au point où la chercheure a dû cesser l’enregistrement de la bande sonore pour discuter brièvement avec chacune des adolescentes des raisons possibles les ayant menées à vivre ces changements d’intervenants.

5.3 Résultats quant aux effets du changement d’intervenants sur les enfants