• Aucun résultat trouvé

Le Canada possède un registre de cancer dans chacune de ses dix provinces et chacun de ses trois territoires fédéraux. Les données de ces différents registres sont centralisées auprès de Statistique Canada (Statistics Canada), également désignée StatCan. Créée en 1971, il s’agit de l’agence du gouvernement fédéral canadien qui a pour mandat de faire la collecte et la compilation de statistiques sur le Canada et ses habitants. Au Canada, les statistiques sont de juridiction fédérale ; ainsi, même les statistiques concernant les provinces sont prises en charge par cette agence. Par ailleurs, le Canada possède un système national d’assurance maladie qui garantit l’accès aux soins à tous les citoyens canadiens et les résidents permanents du Canada (nouveaux immigrants), limitant ainsi les biais intervenant dans le recueil de données sur les cas incidents de LAP. De surcroît, les pathologies rares comme la LAP sont prises en charge dans des centres de soins tertiaires spécialisés, hospitaliers et hospitalo-universitaires, dans chaque province et territoire.

Les auteurs ont recueilli des données sur les cas de LAP en utilisant deux sources. La première est le Registre Canadien du Cancer (Canadian Cancer Registry CCR) : les cas de LAP ont été identifiés entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 2007 à partir du code d’identification de l’International Classification of Diseases (ICD) (ICD-0 M9866/3). Des données complémentaires, notamment sur le détail des traitements reçus par les patients, provenaient d’un réseau de surveillance sentinelle établi dans cinq centres hospitalo-universitaires (CHU) canadiens prenant en charge régulièrement des cas de LAP entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2010 : (1) CancerCare Manitoba, Winnipeg, Manitoba ; (2) The Ottawa Hospital, Ottawa, Ontario ; (3) Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Montréal, Québec ; (4) McGill University Hospital, Montréal, Québec ; et (5) QEII Health Sciences Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse. La confirmation des cas par l’étude cytogénétique et/ou moléculaire a été vérifiée auprès des services de biologie. Les deux objectifs principaux de l’étude étaient l’étude de l’incidence des LAP

et son évolution dans le temps, et la détermination des taux de mortalité précoce et de mortalité globale dans la population canadienne.

Sur une période de 15 ans, 399 cas de LAP ont été identifiés dans le CCR dont 214 (53,6%) âgés < 50 ans. L’incidence standardisée à l’âge était de 0,083 cas pour 100 000 habitants (IC95% 0,075 – 0,091) : cette incidence était plus élevée dans la population de sujets âgés ≥ 50 ans (2,19 ; IC95% 1,80 – 2,67 ; p < 0,001). En utilisant des intervalles de temps de trois ans, les auteurs n’ont pas mis en évidence de variation de l’incidence de la LAP au cours du temps sur toute la période de l’étude. Le taux de mortalité précoce était de 21,8% sans tendance à la diminution avec le temps (p = 0,81). Par ailleurs, il était significativement plus élevé dans la population âgée ≥ 50 ans (35,5% v/s 10,6% ; p < 0,001). Le taux de mortalité global à 1 an était de 69,9% : 84% dans la population âgée < 50 ans et 52,3% dans la population âgée ≥ 50 ans (p < 0,001). A 5 ans, le taux de mortalité globale était de 54,6% : il existait également une différence significative entre les deux populations précitées (73,3% v/s 29% ; p = 0,005) (tableau 27). Finalement, l’analyse multivariée n’a pas mis en évidence de tendance à l’amélioration des taux de mortalité précoce et globale avec le temps.

Population de l’étude Mortalité précoce (%) Survie globale à 1 an (%) Survie globale à 5 ans (%) Population totale 22 70 55 Age < 50 ans 11 84 73 Age ≥ 50 ans 36 52 29

Tableau 27 : Taux de mortalité précoce et globale à 1 an et 5 ans dans la cohorte de 399 cas de LAP identifiés entre 1993 et 2006 dans le CCR [136].

En parallèle, sur une période de 12 ans, 131 cas de LAP ont été identifiés dans la cohorte des cinq CHU canadiens. Le taux de mortalité précoce était de 14,6% (tableau 28). En contraste avec les données du CCR, les auteurs notaient une amélioration de la mortalité précoce pour la période 2005 – 2010 en comparaison avec 1999 – 2004 (10,8% v/s 18,5%). Dans un modèle d’analyse multivariée, seulement l’âge ≥ 60 ans et la période de diagnostic de la LAP (1999 – 2004 v/s 2005 – 2010) étaient significativement associés à la mortalité globale (tableau 29).

Temps après le diagnostic de la LAP 1999 – 2010 1999 – 2004 2005 – 2010 Survie (%) IC95% Survie (%) IC95% Survie (%) IC95% 30 jours 85 78 – 90 82 70 – 89 89 79 – 95 1 an 80 72 – 86 74 61 – 83 86 75 – 93 2 ans 77 68 – 83 69 56 – 79 84 73 – 91

Tableau 28 : Taux de mortalité précoce et globale à 1 an et 2 ans dans la cohorte de 131 cas de LAP identifiés entre 1999 et 2010 dans le réseau de surveillance sentinelle [136].

Hazard Ratio IC95% Valeur de p

Période diagnostique 2005 – 2010 1999 – 2004 0,496 1 0,25 – 0,97 0,0402 Age (années) ≥ 60 ans < 60 ans 4,051 1 1,17 – 7,57 < 0,0001

Tableau 29 : Analyse multivariée de la mortalité globale dans le réseau de surveillance sentinelle [136].

L’analyse du registre canadien montre une incidence de LAP inférieure à celle rapportée dans les registres suédois (0,145/100 000) [132] et SEER (0,23/100 000) [133]. Ces différences peuvent être liées aux méthodes de recueil des données sur les LAP et les autres types de LAM dans les différents registres. Elles peuvent également être expliquées par des différences ethniques (plus grande communauté Hispanique aux Etats- Unis) ou populationnelles (obésité plus répandue aux Etats-Unis).

En outre, cette étude met en évidence un taux de mortalité précoce élevé (21%), tout particulièrement chez les sujets les plus âgés ≥ 50 ans (35,5%). Ce taux est clairement supérieur à ceux rapportés dans les essais cliniques mais reste comparable à ceux des registres suédois (29%) et SEER (17%). Par ailleurs, la mortalité précoce est plus basse dans le réseau des cinq CHU canadiens (14,6%) suggérant l’existence d’une prise en charge plus rigoureuse et/ou plus vigoureuse dans le milieu médical académique, en accord avec les résultats du registre suédois. Nous pouvons cependant formuler l’hypothèse selon laquelle les patients les plus comorbides – donc les moins en forme pour recevoir un traitement intensif par ATRA et chimiothérapie – soient référés moins

souvent aux CHU. De plus, certains patients décèdent avant d’être transférés dans un CHU (« mortalité très précoce »). Ces deux constatations introduiraient un biais de sélection évident. Finalement, les périodes de recueil des données sont plus récentes dans le réseau sentinelle (1999 – 2010, v/s 1993 – 2007 pour le CCR) : il est probable que le pronostic se soit encore plus amélioré durant les années les plus récentes.

Nous sommes également frappés par les résultats de survie globale dans le CCR chez les sujets âgés ≥ 50 ans : la survie globale à 5 ans est de 29% pour une pathologie à très faible risque de rechute ! Malheureusement, les causes de décès n’étaient pas disponibles dans le CCR. Les raisons pouvant expliquer ce taux de survie extrêmement faible sont ainsi incertaines : toxicité tardive du traitement, décès par d’autres causes ou bien rechutes plus fréquentes dans cette tranche d’âge. Que l’association ATRA + ATO sans chimiothérapie puisse améliorer la survie globale à long terme des patients âgés en dehors du contexte des essais cliniques, cela reste à démontrer.