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Données pharmacologiques, toxicologiques et de bio-distribution de l’uranium

Chapitre 1 : Généralités sur la décorporation de l’ion uranyle

II- Données pharmacologiques, toxicologiques et de bio-distribution de l’uranium

Avant d’envisager tout traitement décorporant, il paraît essentiel de connaître la nature de la toxicité de l’uranium, ainsi que la bio-distribution de celui-ci selon ses différentes formes chimiques.

Ce paragraphe traite donc des interactions uranium-organisme et a pour but de tenter de répondre à ces questions sans prétendre à l’exhaustivité.

1) Facteurs influençant la toxicité de l’uranium

Comme tout toxique, la bio-distribution et la toxicité de l’uranium sont déterminées par deux facteurs principaux : la nature du contaminant et le mode de contamination.

a) Nature du contaminant

Il est important de différencier les deux principaux types de toxicité de l’uranium : - La toxicité chimique qui agit sur tous les organes cibles.

- La toxicité radio-induite, liée aux propriétés d’émetteur α et γ des isotopes 233 et 235 de l’uranium qui concerne les organes de stockage.

Ainsi la composition isotopique et la forme chimique du contaminant sont les facteurs principaux influençant la toxicité de l’uranium. Lors de contamination par de l’uranium appauvri par exemple seule la toxicité chimique du métal sera prise en compte.

La forme chimique de l’uranium détermine son absorption corporelle et donc influe fortement sur sa toxicité. Sur ce point, la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) a défini trois classes de composés en fonction de leurs cinétiques d’absorption (Tableau 1)44

Tableau 1. Formes chimiques de l’uranium classées selon le type de cinétique d’absorption. Type de composé

(selon CIPR) Type F Type M Type S

Solubilité Rapide Modérée Lente

Cinétique d’absorption

< 0.5 jour 50 jours 500 jours

Les composés fortement transférables (type F) vont rapidement être absorbés et se déposer sur les différents organes cibles alors que les formes faiblement transférables (type S) vont séjourner longtemps sur le lieu de la contamination. A titre d’exemple, lors de contamination par ingestion la dose à laquelle se manifeste une toxicité rénale est 50 fois plus faible pour une forme de type F que pour un composé de type S.

b) Les modes de contamination

On peut différencier quatre voies d’entrées principales de l’uranium dans l’organisme : − les voies aériennes, lors d’inhalation de poussières, aérosols ou gaz contenant des composés ou particules d’uranium.

− les voies digestives, lors d’ingestion d’aliments contaminés. − la voie sanguine, lors d’une blessure accidentelle.

− la voie cutanée, lors de contact avec la peau.

En fonction de ces modes de contamination, le chemin biologique de l’uranium sera différent.

Contamination par inhalation 45,46,47

Les voies aériennes sont la principale porte d’entrée dans l’organisme des radionucléides, que ce soit sous forme de poussières (oxydes de l’uranium), aérosol ou gaz (hexafluorure d’uranium). Le devenir du contaminant inhalé dans les poumons est fortement conditionné par ses paramètres physiques tels que : l’état physique (gaz, liquide, solide), la forme physico-chimique (degré d’oxydation et solubilité), la granulométrie et l’aspect de surface pour les solides.

Suite à une inhalation de particules, l’uranium se dépose en partie sur le larynx, la trachée et les bronches par l’intermédiaire du mucus. Un mécanisme naturel pousse ce mucus jusqu’à la gorge où il est avalé. La participation d’un tel mécanisme est proportionnelle à la granulométrie et à la forme cristalline des particules. Plus ces particules sont petites et plus elles pénètreront en profondeur dans le poumon limitant leur rejet par les voies digestives. Une particule dont le diamètre est inférieur à 10 µm peut pénétrer dans les alvéoles pulmonaires.

Les composés de type F ou M (voir Tableau 1) sont en général rapidement transférés dans le sang sous forme d’ion uranyle (cinétique de transfert de quelques minutes à quelques jours) et développent leur toxicité chimique au niveau rénal essentiellement. En revanche, les composés peu solubles comme U3O8 ou UO2 ont une rétention pulmonaire très importante. Dans ce cas, la toxicité

Contamination par ingestion 48,49,50

L’absorption d’uranium par le système digestif se réalise essentiellement au niveau intestinal. Les études menées chez l’homme ont montré que cette absorption est très faible (de 1 à 2,4%) pour les formes solubles de l’uranium. Cette absorption est 10 à 100 fois plus faible pour les formes peu solubles telles que U3O8 et UO2. L’uranium qui n’a pas été absorbé est éliminé dans les

fèces en 24 h. La toxicité de l’uranium lors d’une contamination par ingestion est donc très faible, la DL50 (chez le rongeur) est de l’ordre de 114-136µg/kg51.

Contamination suite à une blessure47

Lors d’une blessure, les produits solubles vont très rapidement entrer dans la circulation sanguine. L’absorption est en général complète au bout de 24 h. Pour les produits moyennement ou peu soluble, comme les particules métalliques de munitions à base d’uranium appauvri, l’entrée de l’uranium dans la circulation sanguine est graduelle. Pour ce genre de contamination le lavage des plaies par une solution contenant un agent chélatant de l’uranium peut s’avérer intéressant.

Contamination par voie cutanée52

Le contact avec la peau de formes solubles constitue une voie d’entrée de l’uranium dans le corps humain. Des expériences menées chez l’animal ont montré que l’application des formes solubles d’uranyle peut provoquer une toxicité rénale pouvant mener à la mort de l’animal.53 En revanche, les formes insolubles n’induisent pas d’effets toxiques lorsque celles-ci sont appliquées sur la peau. Dans ce dernier cas, un simple lavage est susceptible d’éliminer tout risque d’intoxication.

2) Bio-distribution de l’uranium

Bien qu’il existe, comme nous l’avons vu plus haut, différentes formes chimiques de contaminant, en milieu biologique l’uranium dissous est présent uniquement sous forme d’ion uranyle UO22+ de valence VI.

Quelque soit le mode de contamination l’uranium soluble est principalement véhiculé par le sang. Des données obtenues en laboratoire chez l'animal54 montrent qu'une fraction substantielle de l'uranium dans le plasma (50 à 60%) est associé avec des molécules de faible poids moléculaire comme les carbonates (log β0 = 21,6) et les citrates (log β0 = 8,7), et environ 40% sont liés à des protéines plasmatiques dont principalement la transférine (log β0 = 16) et l'albumine.55

L'uranium entrant dans le sang est très rapidement transféré dans le fluide extracellulaire puis distribué dans les organes cibles ou excrété par l'urine. Ainsi seulement 25% de l'uranium injecté chez l'homme, sous forme de nitrate d'uranyle, est présent dans le sang après 5 min, 5% après 5 h, 1% après 20 h et moins de 0.5% après 100 h. Environ 65% de l’uranium est éliminé par l’urine au bout de 24h, 10% de plus dans les 5 jours suivant. L’élimination par les fèces est en revanche très faible (moins de 1%).

Seulement 1 à 2% d’uranium s’accumule dans le foie, les principaux organes cibles de l’uranium chez l’homme sont en fait les reins (12 à 25% après 1 jour) et l’os (10 à 36%), les paragraphes suivant décrivent plus spécifiquement la rétention, l’élimination et la toxicité de l’uranium sur ces deux organes.

a) Rétention, élimination et toxicité de l’uranium dans les reins.

La principale voie d’élimination de l’uranium se fait par les reins. En conséquence, ce sont les organes les plus touchés par sa toxicité. A faible dose, une intoxication par l’uranium est surtout marquée par une insuffisance rénale. A plus forte dose, on constate des atteintes marquées des fonctions rénales. Notamment, une concentration massive d’uranium dans les cellules tubulaires provoque des lésions membranaires conduisant rapidement à la mort des cellules concernées et à un désordre des phénomènes de réabsorption siégeant au niveau du rein.62

L’uranium, transporté par le sang, arrive dans le rein au niveau des unités de filtration que sont les néphrons. L’uranium y pénètre essentiellement sous forme d’uranyle tricarbonate. Les variations de pH observées notamment au niveau du tubule proximal sont responsables de la dissociation de ce complexe, instable en milieu acide. L’uranium ainsi libéré va s’associer avec de nouveaux ligands circulant tel que l’ion phosphate ou se déposer sur les tissus. Les évènements moléculaires consécutifs à cette libération d’uranyle dans les reins sont encore mal connus. Il semble toutefois relativement bien établi que l’uranium complexé sous forme de phosphate d’uranyle se fixe sur les membranes cellulaires, une partie pénètre alors en intracellulaire probablement par endocytose. Lorsque l’uranium est entré dans la cellule il est accumulé par les lysosomes sous forme de cristaux de phosphate de l’uranium. Cette accumulation provoque la destruction du lysosome, l’uranium migre alors vers d’autres compartiments cellulaires tels que le cytoplasme, les mitochondries et le noyau. L’ensemble de ces phénomènes est la cause de morts cellulaires observées au niveau du tubule proximal.

Tout ou partie de ces effets nocifs peuvent être diminués par l’utilisation d’un agent décorporant. Des données biologiques que nous venons d’énoncer, il apparaît clairement que pour

acide (jusqu’à pH 5) et éventuellement être capable de pénétrer dans la cellule pour espérer une dissolution des cristaux de phosphates d’uranyle.

b) Rétention, élimination et toxicité de l’uranium sur l’os. 20,21,56

L’os est le principal site de fixation et d’accumulation à long terme de l’uranium. Plusieurs mois après une contamination la quasi totalité de l’uranium se trouve sur cet organe. On estime que environ 15% de l’uranium entrant dans la circulation sanguine est stocké dans les os. Cette fixation est rapide, 30 minutes après contamination une partie importante est déjà fixée dans le squelette. Le comportement de l'uranium dans le squelette est relativement similaire à celui des alcalino-terreux. L'ion UO22+ s'échange avec l'ion Ca2+ à la surface de l'os plus précisément au niveau de

l’hydroxyapatite de formule générale Ca10(PO4)6(OH)2. L'uranium se dépose uniformément sur

toutes les surfaces osseuses mais est plus particulièrement concentré sur les aires de croissance. Dans la zone accumulatrice d’uranium les risques de cancer radio-induit sont importants.57 Certaines études in vitro menées sur des cellules d’ostéoblastes humains ont montré que la présence d’uranium induisait la formation de cellules cancéreuses.58

Un ligand susceptible d’éliminer l’uranium stocké sur l’os devra posséder de très fortes propriétés de complexation car il est admis que les structures uranyle-hydroxyapatite sont très solides. Enfin, le traitement décorporant devra être administré avant que l’uranium se trouve dans la zone osseuse non échangeable.

En conclusion de cette partie, les risques les plus importants pour la santé sont les suivants : - Insuffisance rénale due aux formes solubles suite à une contamination par blessure ou inhalation.

- Cancer de l’os dû à l’accumulation des formes solubles suite à une contamination par blessure ou inhalation.

- Cancer du poumon dû au dépôt prolongé de formes insolubles suite à une contamination par inhalation.

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