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CHAPITRE 4 : LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.3 LA DOMESTICITÉ INFANTILE ET LES POUVOIRS LÉGISLATIF ET JUDICIAIRE EN

4.3.1 La domesticité infantile et le pouvoir législatif en Haïti

Lors des entretiens en juillet 2014, la Loi sur la lutte contre la traite des personnes venait tout juste d’être adoptée. La plupart des participants ont mentionné avoir entendu parler de cette loi dans la presse, mais en ignoraient le contenu. Pour ces derniers, la principale référence légale à la pratique de la domesticité infantile en Haïti se trouve dans le chapitre 9 du Code du travail haïtien, abrogé par Aristide en 2003. Ces participants ont ainsi déploré le fait qu’il y a maintenant un vide juridique au sujet des enfants en domesticité en Haïti : « Parce que le décret d’Aristide c’est comme dire que ça n’existe pas, et ça existe. C’est un problème qui existe, et que, que nous devons trancher. Pousser les décideurs à trancher sur ce problème- là » (participante 10).

Deux participants se sont exprimés davantage sur le vide juridique concernant la domesticité infantile en Haïti. Pour le participant 2, le gouvernement haïtien considère la pratique de la domesticité comme une forme de solidarité familiale, donc ne s’y oppose pas : « un enfant qui laisse sa famille biologique pour se rendre dans une autre famille, le fait que l’enfant va à l’école, l’enfant mange, l’enfant trouve un logement décent, eh bien on considère ça comme

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une solidarité, une entraide ». Un autre participant ne partageait pas cet avis. Pour sa part, l’État haïtien ne peut tout simplement pas se permettre de se prononcer contre la domesticité infantile tant et aussi longtemps qu’il ne sera pas en mesure de soutenir les familles haïtiennes : « […] si j’ai pas les moyens d’élever ou bien d’éduquer mon enfant, l’État devrait être en mesure de me supporter [… et] si l’État n’est pas en mesure de le faire, l’État ne va pas s’aventurer dans le fait de m’interdire de placer mon enfant chez une personne » (participant 9).

Quelles que soient les raisons du vide juridique concernant la domesticité infantile en Haïti, l’ensemble des participants était d’avis que l’adoption d’une loi portant uniquement sur cette pratique aiderait grandement leur travail. Par exemple, la participante 5 a expliqué comment une telle loi faciliterait le processus de réinsertion familiale des enfants ayant vécu en domesticité :

Oui, ce [une loi contre la domesticité infantile] serait très important justement, parce que quand, si si un enfant fugue, nous ne pouvons pas, si nous allons, si je peux dire chez le bourreau pour réclamer des affaires, si par exemple l’acte de naissance, si l’acte de naissance reste, la personne, c’est comme si elle n’est pas consciente que… c’est comme si c’est nous qui sommes qui, nous devons faire attention, bon prendre les choses euh, bon comment je peux dire ça? Pour, parce que on n’a pas la loi avec nous… […] Donc ça pourrait aider, donc s’il y avait un bagage légal, donc ça pourrait aider, donc parce que souvent, ces personnes-là, si elles acceptaient de coopérer, le processus de réinsertion qui est très important irait plus vite…

Pour le moment, ce sont la Loi relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes formes d’abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants et la Loi sur la lutte contre la traite des personnes qui peuvent servir d’outils dans la lutte contre la domesticité infantile. Au sujet de la première loi, deux participants ont dénoncé le fait qu’il n’y a rien de prévu au niveau des amendes ou peines dans le cas de sa violation. La participante 8 a résumé leurs propos :

[…] nous avons eu toujours un texte de loi qui, la Loi de juin 2003 [Loi relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes formes d’abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants], mais c’est une loi vide, quand on dit vide c’est parce que ils se sont dit bon, tu ne dois pas maltraiter les enfants, tu ne dois pas les bastonner, tu ne dois pas les punir, mais, au fin, en fait, ils n’ont pas dit tout, une personne qui maltraite un enfant, voilà ce qui vous arrive si vous avez puni

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un enfant, si vous avez maltraité un enfant, piétiné un enfant, vous n’avez rien, il n’y a rien, la loi ne prévoit rien comme prévision, ni comme punition.

En ce qui concerne la Loi sur la lutte contre la traite des personnes, seulement deux participants se sont exprimés à son sujet. Bien qu’ils voyaient cette nouvelle loi d’un bon œil, les deux se sont dits insatisfaits de certains détails. Un d’eux s’est montré concerné par le fait qu’elle prévoit incriminer toute personne impliquée dans le processus de traite en vue de servitude domestique, y compris les parents biologiques de l’enfant : « Ben comment, comment punir un parent qui a décidé de bonne foi d’envoyer son enfant en domesticité pour pour pour un meilleur avenir? » (participant 2). Quant à l’autre, elle a déploré le fait que cette nouvelle loi omet d’inclure les situations où un enfant est en domesticité au sein de sa propre famille, chez un oncle ou une tante par exemple, sans avoir nécessairement été recruté par un tiers impliqué dans la traite :

Là y’a des vides aussi parce que quand y’a des personnes qui ont des liens de parenté, par exemple, parce que, il faut signaler que, la domesticité des enfants commence à ancrer surtout dans les milieux familiaux, par exemple des enfants qui sont dans la domesticité chez, leur propre famille, chez sa marraine, sa tante, son oncle, sa sœur, etc. Là cette loi ne prend pas en compte vraiment la situation de la domesticité… (participante 8).

Pour finir, la très grande majorité des participants a appris l’existence de cette loi lors de son adoption, sans avoir été consultée lors de son élaboration.

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