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1.1 Le phytoplancton : définition, rôles et diversité

1.1.3 Diversité du phytoplancton et classifications fonctionnelles

Le phytoplancton présente une grande diversité de classes taxonomiques et de taxa (Figure 1.2), dont les distributions dans le temps et dans l’espace, et les interactions biogéochimiques avec le milieu, sont très variables. Chaque taxon possède en effet sa propre efficacité dans l’incorporation des éléments de son milieu (Le Quéré et al., 2005).

La diversité phytoplanctonique est liée à la variabilité des distributions des nutriments (quantité, qualité et accessibilité), de la température, de la lumière (quantité, qualité et photopériode), mais aussi d’autres facteurs physiques (e.g., la stratification, Sverdrup (1953)). La variabilité environnementale et climatique influence donc, via le phytoplancton (mais pas uniquement), la structure et le fonctionnement des écosystèmes pélagiques dans leur intégralité. Par exemple, les diatomées (microphytoplancton) sont capables de grands changements dans leur cycle de vie en fonction des conditions climatiques, à l’échelle locale (Schloss et al., 2012), et à plus grande échelle (Alvain et al., 2013). Elles sont connues pour

a) b) c) d)

e) f) g) h)

Figure 1.2 – Images de cellules phytoplanctoniques en microscopie illustrant la diversité en formes et en taille des cellules : a) Asterionella spp., b) Coscinodiscus spp., c) Ditylum

spp., d) Karenia spp., e) Podosira spp., f) Prorocentrum spp., g) Synechococcus spp., h) Thalassiosira spp.. Source : Ifremer (LERPC), archive disponible en ligne

être plutôt présentes dans des milieux riches en nutriments (Sarthou et al., 2005; Armbrust, 2009).

En fonction de l’affinité d’un type de phytoplancton pour son milieu, il est possible de définir des classes fonctionnelles (PFTs, pour Phytoplankton Functional Types) regrou-pant les taxa ou classes taxonomiques phytoplanctoniques en fonction de leur rôle dans le système biogéochimique. Principalement, il existe deux grands types de classifications fonctionnelles : en fonction de la taille des organismes et en fonction de leurs processus biologiques.

1.1.3.1 Classification par taille cellulaire

La classification du phytoplancton par taille est une première approche pour définir les classes fonctionnelles. En effet, la taille cellulaire est considérée comme un trait majeur qui structure les communautés (Marañón, 2015). Les trois classes communément utilisées sont (Sieburth et al., 1978) :

le picophytoplankton (< 2µm)

le nanophytoplancton (2 − 20µm) • le microphytoplancton (> 20µm)

Les processus biogéochimiques, tels que l’incorporation des nutriments et l’utilisation de l’énergie lumineuse, dépendent du rapport entre la surface de l’organisme et son volume (Margalef, 1978) ; rapport qui définit la capacité d’absorption des nutriments.

Par exemple, le picophytoplancton possède un ratio surface/volume élevé, le rendant capable d’incorporer ses nutriments sous des conditions limitantes, i.e., avec de faibles concentrations en nutriments. Ainsi, cette classe de taille est très compétitive pour se

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velopper dans les eaux oligotrophes, qu’elle domine (e.g., Kostadinov et al. (2010)). Les petites cellules induisent un export plus faible de carbone vers l’océan profond, car la reminéralisation dans la colonne d’eau est prépondérante (Waterbury et al., 1986).

Le microphytoplancton a un ratio surface/volume faible, ce qui le rend peu compétitif pour les faibles concentrations en sels nutritifs, mais très compétitif pour les fortes concentra-tions. Ainsi, le microphytoplancton se développe et domine les eaux eutrophes, i.e., riches en nutriments. Les grandes cellules induisent un export de carbone vers l’océan profond plus important que les petites cellules (Buesseler, 1998).

Le nanophytoplancton représente un cas intermédiaire. Cette classe de taille est la plupart du temps opportuniste et se développe souvent en cas de non-développement des deux autres classes de taille de cellules phytoplanctoniques (Margalef, 1978).

Bien que la classification du phytoplancton par sa taille aide fortement dans la compré-hension du milieu marin (Nair et al., 2008), il existe des cas où cette classification n’est pas assez rigoureuse, notamment pour des études biogéochimiques. En effet, deux types phytoplanctoniques différents dans leurs fonctions biogéochimiques peuvent se retrouver dans la même classe de taille (Nair et al., 2008). L’exemple le plus couramment cité est le cas des producteurs de diméthyle-sulphide (DMS) et des calcifieurs, qui font tous les deux partie du nanophytoplancton. Ces deux PFTs ont un impact très différent sur le système climatique : le DMS produit par le phytoplancton peut s’oxyder et former des précurseurs de condensation pour les nuages ; et induire indirectement un refroidissement de l’atmosphère (Malin et al., 1992). Les calcifieurs, quant à eux, peuvent diminuer l’alca-linité des eaux de surface lorsqu’ils synthétisent leur squelette à partir de carbonates, et peuvent donc entrainer une augmentation de la pression partielle en CO2, et un relarguage de CO2 dans l’atmosphère (c’est la "contre-pompe des carbonates")1. Cet exemple montre qu’il faut aller plus loin que les classes de taille phytoplanctonique pour comprendre les systèmes biogéochimiques, en définissant les PFTs grâce aux fonctions biogéochimiques ou aux traits physiologiques (Hood et al., 2006).

1.1.3.2 Classification par fonctions biogéochimiques

De manière classique, quatre classes fonctionnelles de phytoplancton sont définies : les diazotrophes, les silicifieurs, les calcifieurs et les producteurs de DMS (e.g., Nair et al. (2008), IOCCG report (2014)). Les processus principaux de ces groupes fonctionnels sont détaillés ensuite. Ces processus généraux sont à nuancer, car ils peuvent varier en fonc-1. En réalité, le rôle des calcifieurs, et en particulier des coccolithophoridés, est plus complexe. En effet, ils participent également à la "pompe biologique" de carbone en réalisant la photosynthèse (Hoppe et al., 2011) mais modifient également l’équilibre Calcaire/carbonates/dioxyde de carbone en fabriquant leur thèque ("contre pompe des carbonates") (Beaufort et al., 2011). La balance entre la "pompe biologique de carbone" et la "contre pompe des carbonates" penche cependant plutôt en faveur de la pompe biologique de carbone actuellement (e.g., Beaufort et al. (2011)). Dans un contexte de changement climatique (et d’acidification des océans), ils seraient également capables d’une grande résilience (Lohbeck et al., 2012).

tion des conditions environnementales (e.g., température, disponibilité et accessibilité des nutriments, pression en CO2).

— Diazotrophes

La forme de l’azote N2 dissous est la forme la plus abondante de l’azote dans l’océan. Cependant, la plupart des organismes photosynthétiques sont incapables de l’utiliser sous cette forme et préfèrent les formes nitrates (NO3 ), nitrites (NO2 ) et ammonium (NH4 +). Les diazotrophes ont la particularité de réduire les molécules de N2 dissous dans l’eau de surface pour les transformer en ammoniac (NH3), utilisable dans le processus de synthèse de matière organique. Ce sont souvent des petites cellules phytoplanctoniques (e.g., cyanobactéries), ou d’autres organismes parasités qui utilisent ce processus de diazo-trophie. Les diazotrophes ont donc une influence directe sur le cycle de l’azote, en injectant de l’azote nouveau dans le milieu lorsqu’ils sont reminéralisés (Capone et al., 2005). La dia-zotrophie entraîne un gain net d’azote ; et une quantité d’azote accrue dans l’océan permet de mobiliser, sous forme organique, une plus grande quantité de carbone. La diazotrophie, quoique mettant actuellement en jeu des quantités d’azote modestes, serait donc de nature à augmenter l’efficacité de la pompe biologique de carbone, et a donc une influence non négligeable sur l’équilibre climatique (Falkowski, 1997; Karl et al., 2012).

— Silicifieurs

Les silicifieurs sont les organismes utilisant la silice (SiO2) comme nutriment ou élément structurel. Il existe quatre groupes taxonomiques de silicifieurs : les Chrysophytes, les Silicoflagellés, les Xanthophytes et les Baccilariophytes (Brownlee et Taylor, 2002). Les diatomées, du groupe taxonomique des Baccilariophytes sont les silicifieurs dominants dans le système océanique. Elles ont une contribution d’environ 40% à la production primaire marine totale (Sarthou et al., 2005). Elles utilisent la silice de forme biogénique pour former un squelette externe. Ces grandes cellules ont tendance à sédimenter (à cause d’une grande densité), participant à la pompe biologique de carbone, de nitrate et de phosphates.

— Calcifieurs

Le phytoplancton calcifieur produit des coquilles (ou des coccolithes) en carbonates de cal-cium. Ils sont souvent nommés "coccolithophores". Comme expliqué plus haut, le processus de calcification consomme les carbonates dissous pour former du carbonate de calcium, accompagné d’eau et de CO2. Ainsi, la pression partielle en CO2 de l’eau de surface aug-mente par rapport à celle de l’atmosphère (induisant une diminution de l’alcalinité de l’eau) et il se produit un relarguage de CO2 de l’eau vers l’atmosphère (Brown et Yoder, 1994).

— Producteurs de DMS

Il existe un nombre important de types de phytoplancton qui produisent du dimethyle sulfoniopropionate (DMSP), qui est le précurseur du dimethyle sulphide (DMS, composé

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volatile). Ces composés (DMSP) ont un rôle d’anti-oxydant face à de nombreux stress en-vironnementaux (e.g., contre les radiations solaires ultra-violettes, la limitation en CO2, la limitation en fer et en nitrates et la présence de peroxyde d’hydrogène (Sunda et al., 2002, 2007)). Lorsque la cellule meurt ou est prise pour proie, il peut alors y avoir un relarguage de ces composés DMSP dans l’eau, puis dans l’atmosphère (où ils deviennent du DMS). Les groupes taxonomiques producteurs de DMS sont principalement les Dinoflagellés et les Haptophytes, mais certaines Chrysophycées, Pelagophycées et Prasinophycées sont aussi connues pour en produire (Sunda et al., 2002). Le DMSP produit par le phytoplancton peut s’oxyder en aérosols sulfatés, étant des précurseurs de condensation pour les nuages, et induire indirectement un refroidissement de l’atmosphère par augmentation de l’albédo atmosphérique (Malin et al., 1992).

La définition de ces quatre grands types phytoplanctoniques montre que des différences no-tables existent pour leurs impacts sur le système océanique, notamment en ce qui concerne la biogéochimie. De plus, ils ont aussi des influences sur le réseau alimentaire, chaque groupe étant plus ou moins accessible aux niveaux trophiques supérieurs, et induisent des réseaux trophiques différents (e.g., Sailley et al. (2013)).

Dans cette introduction, nous avons abordé l’importance du phytoplancton dans les écosystèmes marins (producteur primaire) et en tant que régula-teur de mécanismes (ou cycles) ayant un impact sur le système climatique (direct ou indirect). Les interactions du phytoplancton sur ces systèmes sont modulés par les spécificités de chaque type de phytoplancton (ou PFTs). Le suivi spatial et temporel du phytoplancton, que ce soit par l’intermé-diaire de son abondance, de sa biomasse, ou de sa diversité, fait l’objet d’un consensus scientifique (e.g., Boyce et al. (2010)) et politique (e.g., directives européennes DCSMM).

Résumé : Les enjeux de l’étude du phytoplancton