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3. LE CADRE CONTEXTUEL

3.3. Agroforesterie cubaine

3.3.3. Diversité des systèmes agroforestiers

On retrouve aujourd’hui une diversité de systèmes agroforestiers à Cuba. Caballero Grande

et al. (2005) présentent ceux que l’on rencontre le plus fréquemment sur l’île selon une

catégorisation qui leur est propre. Puisque les paysans cubains peuvent utiliser ces termes particuliers, il convient de le présenter à leur manière, et non seulement selon d’autres catégorisations des systèmes agroforestiers reconnus internationalement. D’ailleurs, Altieri (1995) précise que la classification des systèmes agroforestiers peut se faire selon divers critères, soit la structure du système, la fonction, le niveau socio-économique, le niveau de

gestion et l’étendue écologique, et qu’aucun schème de classification n’est universellement applicable.

Caballero Grande et al. (2005) mentionnent donc, en premier lieu, les plantations en allées qui permettent notamment d’incorporer le feuillage des arbres comme engrais verts ou comme couverture de sol dans les rangs où l’on retrouve une culture à cycle court associée. Les plantations au pourtour des parcelles sont aussi fréquentes, soit dans les zones de sols pauvres, en pente ou très érodés. Ces dernières peuvent notamment réduire les problèmes de ruissellement et d’érosion des sols agricoles ainsi qu’améliorer le contenu en matière organique des sols des parcelles à proximité (Altieri 1995). Puis, on retrouve les banques de fourrages où les émondes des arbres taillés servent à l’alimentation des animaux. On précise que ce type de systèmes est surtout utilisé dans les zones de forte densité de population ou d’usage intensif de la terre et nécessite beaucoup de main-d’œuvre. Il serait plus approprié dans les petites et moyennes fermes. On observe aussi souvent les banques de fourrages directement dans les pâturages. Les ligneux servant à l’alimentation animale améliorent, en plus, la disponibilité et la qualité des herbes de pâturage. Parmi les espèces ligneuses les plus utilisées pour l’alimentation du bétail à Cuba, on retrouve le faux-acacia (Leucaena sp.), le bois noir (Albizia lebbeck), le pourghère (Jatropha curcas) et le pistachier (almacigo) (Caballero Grande et al. 2005).

Caballero Grande et al. (2005) mentionnent finalement la fruticultura, la culture de fruits, très présente dans les fincas integradas7 parmi les systèmes agroforestiers les plus fréquents à Cuba. Leur organisation spatiale varie, prenant la forme, par exemple, d’arbres fruitiers autour de la maison ou en pourtour des parcelles en haies vives. Pour que les arbres fruitiers implantés autour de la maison soient considérés comme de réels systèmes agroforestiers, ils doivent être associés à des cultures à cycle court, notamment en intercalaire ou sous leur ombrage. Ces arbres fruitiers près des maisons peuvent améliorer la nutrition des membres

7 Traduction : fermes intégrées

des familles paysannes, offrir une source de revenus par la vente de fruits et procurer de l’ombre ainsi que du bois de feu (Altieri 1995).

Certains arbres fruitiers sont très présents dans les conucos (jardins familiaux cubains), soit le bananier, le manguier et le sapotillier (Fuente-Fiallo et al. année inconnue). Notons que les paysans cubains ne considèrent pas tous l’avocat comme un fruit (Fuente-Fiallo et al. année inconnue). Selon l’étude de Fuente-Fiallo et al. (année inconnue), la multiplication des arbres fruitiers se fait généralement par les semences. Parfois, pour quelques espèces, les paysans font de la multiplication végétative. Pour certains arbres fruitiers tels que l’avocatier, l’oranger et le manguier, Fuente-Fiallo et al. (année inconnue) soulignent qu’il serait nécessaire de fournir de l’information et du matériel de propagation pour des variétés hâtives et tardives, afin d’allonger la période de récolte (Fuente-Fiallo et al. année inconnue).

De surcroît, certains arbres fruitiers ne sont pas cultivés dans toutes les municipalités, même s’ils ont le potentiel d’être cultivés partout au pays. Ce sont donc d’autres considérations qui limitent leur implantation. C’est le cas de l’anacardier et du tamarinier, qui furent mentionnés dans l’étude de Fuente-Fiallo et al., en tant qu’arbres fruitiers, seulement dans une localité. Bref, « les arbres fruitiers jouent un rôle important dans les jardins familiaux, mais ils ne sont pas exploités à leurs pleines potentialités » (Fuente-Fiallo

et al. année inconnue).

Caballero Grande et al. (2005) soulignent d’autres dispositions et usages possibles pour les arbres en systèmes agroforestiers comme les haies vives. Les arbres de ces dernières peuvent être utilisés pour diverses fonctions : comme source d’alimentation pour les animaux, pour la démarcation des terrains, comme brise-vent et comme source de mulch. On classifie les haies vives en deux catégories, soit les postes vivos et les barreras vivas, aussi appelées setos (Sordo et Sordo 2007). Dans le premier cas, des arbres vivants remplacent les poteaux de métal ou de bois qui supportent les fils de fer des clôtures et servent, avant tout, à délimiter les propriétés et leurs subdivisions. Dans le second cas, la

clôture est entièrement végétale. Les haies vives sont plus économiques et durables que d’autres types de clôtures (ACPA 2010). L’Asociación Cubana de Producción Animal (ACPA) (2010) recommande d’utiliser dans ces haies des arbres et arbustes appartenant au groupe des légumineuses, dont le piñon florido (Gliricidia sepium), le piñon de Pito (Erythrina berteroana), le piñon botijo (Erythrina variegata), le leucaena et le palo de

Jeringa (Moringa oleifera), toutes des espèces appétentes pour le bétail, au contenu élevé

en protéines et qui se reproduisent facilement. D’autres arbres, non légumineux, peuvent être utilisés, même s’ils sont souvent moins intéressants pour l’alimentation animale, tels que le ciruela (Spondia purpuera), le guàsima (Guasuma ulmifolia), l’almácigo (Bursera

simaruba), la morera (Morus alba), le sasafras (Bursera graveolens) et l’argousier, ou nim

(Azadirachta indica). L’almácigo est très utilisé pour son haut taux de survie à la plantation et son tronc robuste tandis que la morera a une haute valeur nutritive et est particulièrement intéressante pour l’alimentation des lapins et cochons d’Inde (ACPA 2010). Quant au

sasafras et au nim, ils ont notamment un effet répulsif sur les insectes ravageurs. On peut

aussi inclure dans les haies vives des arbres fruitiers dont les fruits sont destinés à la consommation familiale ou à la vente. Traditionnellement, on retrouve rarement beaucoup d’arbres fruitiers de la même espèce dans une haie, mais plutôt une grande variété (ACPA 2010). Finalement, l’ACPA souligne qu’il est intéressant d’inclure des arbres à bois d’œuvre dans les haies, puisqu’ils peuvent notamment ajouter une sécurité financière aux paysans, le prix du bois étant généralement élevé et stable. Voici les espèces d’arbres à bois recommandées pour ce type de système agroforestier par M. Wilfredo R. Padrón Padrón, ingénieur agronome et spécialiste en agroforesterie à l’Université de Cienfuegos (Padrón Padrón 2010) : arabo colorado (Erythxylon confusum), ayúa amarilla (Zanthoxylum elephantiasis), bijaguara fuego (Colubrida ferruginosa), quiebra hacha (Copaifera hymenaefolia), casuarina (Casuarina equisetifolia), jocuma (Mastichodendron

foetidissimun), mangle colorado (Rhizophora mangle), patabán (Laguncularia racemosa), pino macho (Pinus Tropicalis), teca (Tectona grandis), yaba (Andrea jamaicensis) et yaití

Dans les faits, une étude réalisée par l’ACTAF recense 28 espèces de ligneux utilisées dans les haies vives via ses 233 enquêtes directes (Sordo et Sordo 2007). On n’y précise toutefois pas quelles sont les plus utilisées.

Un autre système agroforestier observé à Cuba est la polyculture mixte (terme utilisé par les Cubains pour désigner ce qu’on nomme au Québec les cultures intercalaires). Altieri (1995) considère que ce type de système est plus utile dans des zones aux sols pauvres et dégradés puisqu’il permet d’améliorer la qualité de ces derniers.

Parmi les systèmes agroforestiers se retrouvant à Cuba observés par Caballero Grande et

al. (2005), on retrouve finalement les jardins multi-étagés près des maisons, la plantation

d’arbres autour des sources d’eau et la plantation d’espèces ligneuses utilisées comme combustible.

Par ailleurs, l’exploitation de certains produits forestiers non ligneux (PFNL) est de plus en plus intéressante pour le développement forestier à Cuba (Núñez Barrizonte 2009). Les PFNL les plus demandés au pays sont les semences forestières, la résine de pin (produit exporté) et le guano forestier (Núñez Barrizonte 2009). Outre ces produits dont la demande est claire, les PFNL trouvent leur intérêt, selon l’État, auprès des familles dans les fermes forestières. Les statistiques nationales évaluent que seulement 50 % des PFNL sont exploités. Selon l’Institut de recherches forestières, parmi les principaux PFNL, outre ceux mentionnés précédemment, on retrouve notamment les huiles essentielles, les substances et concentrés bioactifs, les condiments et les fibres (Corrales et Morejón 2007).

« Une des principales raisons qui motivent l’exploitation des PFNL est les bénéfices sociaux qu’ils apportent, fondamentalement ceux qui contribuent aux nécessités de première urgence, comme les plantes médicinales et les condiments. […] Toutefois, pour diverses raisons, comme le manque d’expérience, de méthodes d’exploitations adéquates et des problèmes financiers pour assurer leur développement, les PFNL ne sont pas exploités à leur plein potentiel » (Quesada Font et al. 2009). D’ailleurs, les Cubains

utilisent traditionnellement les plantes médicinales, mais peu les plantes aromatiques condimentaires, et encore moins celles provenant d’espèces forestières.

Quesada Font et al. (2009) soulignent que l’exploitation de PFNL est tout indiquée dans le cadre de systèmes agroforestiers. De plus, il est possible d’implanter des espèces ligneuses dont on peut tirer de nombreux PFNL dans des terres non utilisées jusqu’à présent et ainsi générer « de nouvelles sources d’emploi et de revenus, améliorant la qualité de vie des populations et des communautés » (Quesada Font et al. 2009).

Finalement, lors de rencontres d’agroécologie de l’ANAP, divers projets de recherche agroforestiers sont présentés, dont la production intégrée de Jatropha curcas de façon intercalaire pour produire du biodiesel et la gazéification de biomasse ligneuse pour la production d’électricité à partir du marabú et de résidus de taille des arbres des systèmes agroforestiers.

Bref, on retrouve à Cuba de nombreux types de systèmes agroforestiers, certains encore méconnus, d’autres, largement implantés, et d’autres en pleine expansion. Les multiples bénéfices qu’ils peuvent engendrer pour les paysans justifient l’effort pour accroître leur adoption.