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Diversité de la radiation de Synechococcus et Prochlorococcus

Les Synechococcus marins sont rassemblés dans le cluster 5, divisés en trois groupes phylogénétiques distincts, les clusters, 5.1, 5.2 et 5.3 (Fig. 42 ; Herdman et al. 2001, Dufresne et al. 2008). Le cluster 5.2 rassemble principalement des souches halotolérantes, confinées dans les eaux côtières, en particulier dans les estuaires. Il existe assez peu de souches représentantes de ce cluster en culture. Les souches du cluster 5.3, réparties dans au moins 6 clades (Huang et al. 2011), sont encore très mal connues.

Figure 42 | Arbre phylogénétique de la radiation des Synechococcus marins. L’analyse phylogénétique, en maximum de vraisemblance de 230 séquences du gène petB de Synechococcus souligne la très grande diversité phylogénétique de ce groupe. Les losanges représentant les valeurs de bootstrap supérieures à 70%, les clades

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et sous-clades sont représentés par différentes couleurs et nuances. Les cercles en face de certaines souches représentent le type pigmentaire et la capacité à être mobile (voir le paragraphe « Adaptations à la niche écologique » ; Garczarek & Farrant, non publié).

La majorité des Synechococcus strictement marins, i.e qui ont besoin d’une salinité élevée pour se diviser, sont rassemblés dans le sous-cluster 5.1 (Fig. 42). Les organismes représentants de ce cluster sont les plus abondants dans l’environnement et des centaines de souches ont été isolées en culture. La radiation des Synechococcus strictement marin est divisée en deux sous-cluster, le 5.1A qui regroupe principallement les clades II, III, IV, en cet WPC-1, et le sous-cluster 5.1B representé par les clades I, V, VI, VII et CRD-1.

Les Synechococcus marins apparaissent beaucoup plus diversifiés que les Prochlorococcus. Les phylogénies du gène codant pour l’ARN ribosomal 16S ont mis en évidence une dizaine de clades au sein de cluster 5.1 (Fuller et al. 2003, Fig. 39). Plus récemment, d’autres clades ont été découverts et un grand nombre de sous-clades décrits grâce à des marqueurs génétiques plus résolutifs tels que l’ITS (Ahlgren & Rocap 2006, Huang et al. 2012), rpoC1 (Palenik 1994, Mühling et al. 2005), narB (Jenkins et

al. 2006, Paerl et al. 2011), et surtout le gène petB (codant pour le cytochrome b6f ; Fig. 42 ; Mazard

et al. 2012). En se basant sur le gène petB, une quinzaine de clades et plus d’une trentaine de sous-clades ont été définis (Fig. 42 ; Mazard et al. 2012). La radiation des Synechococcus marins apparaît comme un buisson évolutif dont il est difficile de discerner des branches basales. De plus, certains clades sont plus ou moins bien définis selon les marqueurs utilisés et il est quelque fois délicat de comparer les différentes phylogénies obtenues avec des marqueurs distincts. Toutefois, les phylogénies sur les protéines ribosomales concaténées permettent de différencier, au sein du cluster strictement marin 5.1 deux sous-clusters. Le 5.1A, qui rassemble principalement les clades II, III, IV, et le sous-cluster 5.1B représenté par les clades I, V, VI, VII, VIII et CRD-1. La complexité de la radiation des Synechococcus marins, qui reflète une grande diversité génétique, est probablement liée à la distribution cosmopolite de ces organismes (voir ci-après). Elle suggère que ces organismes ont à leur disposition un réservoir important de gènes qui leur permet de coloniser des niches écologiques variées. Ainsi, chez Synechococcus, le génome accessoire représenterait de 50 à 60% du génome (Farrant com. pers. ; Dufresne 2008). Les premières estimations du génome accessoire des

Synechococus marins (11 génomes ; Dufresne et al. 2008) ont estimé la taille de celui-ci à 750 gènes,

mais la non-saturation de la courbe de raréfaction indique qu’il reste encore beaucoup de gènes accessoires à découvrir. Des estimations préliminaires en cours, réalisées sur 54 génomes, portent le nombre de gènes accessoires à 1300 (Farrant com. pers.).

Les analyses phylogénétiques ont montré que la radiation de Prochlorococcus se ramifie en plusieurs clades et sous-clades (Fig. 43 ; Ferris & Palenik 1998 ; Moore et al. 1998, Scanlan & West 2002, Huang et al. 2011). La base de la radiation est constituée par un groupe polyphylétique diffus de

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plus de six clades regroupant des souches isolées principalement dans les eaux de profondeur. Certains de ces sous-groupes, constitués uniquement de séquences environnementales, sont très mal connus car il n’y existe pas de souches isolées en laboratoire.

Figure 43 | Arbre phylogénétique de la radiation de Prochlorococcus. Arbre phylogénétique en Neighbor-Joining basé sur l’espace intergénique 16S-23S montrant les relations entre les différents clades de Prochlorococcus. HL, High Light ou écotype de surface ; LL, Low Light ou écotype de profondeur ; HNLC, High Nutrient Low Chlorophyll (d’après Huang et al. 2011 et modifié par Humily 2013).

Parmi ces Prochlorococcus dits « Low Light » (LL ; car ils habitent en profondeur), le clade LLIV est remarquable de par le fait qu’il regroupe des souches de Prochlorococcus considérées primitives, proches du Prochlorococcus ancestral. Ces souches ont un génome de taille et de GC% significativement plus importants que les autres souches, tout à fait similaires aux caractéristiques des génomes de Synechococcus marins. Les analyses génomiques ont montré que ces souches primitives

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partagent en effet un certain nombre de gènes avec les Synechococcus marins, gènes perdus durant l’évolution chez les autres souches de Prochlorococcus (Rocap et al. 2003).

Les Prochlorococcus les plus récents forment un clade monophylétique bien défini (Fig. 39, 43). Ce clade dit « High Light » (HL), qui rassemble des souches isolées dans les eaux de surface, s’est apparemment différencié il y a 80 millions d’années à partir d’une population de cellules LL ayant un génome déjà assez réduit (Dufresne et al. 2005).

La lignée HL est divisée en au moins six sous-clades dont les mieux connus sont les clades HLI et HLII. Les Prochlorococcus de ces clades ont considérablement réduit leur génome durant l’évolution, avec une perte de plus d’un tiers des gènes, en comparaison avec les souches primitives du clade LLIV (Dufresne et al. 2005). D’après une étude basée sur 12 génomes, le génome cœur de

Prochlorococcus serait d’environ 1000 gènes, ce qui correspond, en fonction des souches, à 40 à 70%

du génome (Kettler et al. 2007, Kashtan et al. 2014, Biller et al. 2014). La taille extrêmement petite de ce génome suggère qu’au cours de l’évolution, Prochlorococcus n’a maintenu que les gènes essentiels au fonctionnement cellulaire dans sa niche, faisant de lui un organisme hautement spécialisé et proche de l’« organisme photosynthétique minimal » (Partensky & Garczarek 2010).