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La distinction entre affixes de Classe I et de Classe II a été proposée initialement par Siegel (1974) et est héritée de la distinction que SPE posait entre les affixes associés à une frontière +

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notons d’abord que les auteurs de SPE proposaient non pas deux mais trois frontières, la

troisième étant la frontière =, qu’ils utilisent pour les « verbes complexes », à savoir ceux qui

sont « morphologically analyzable into one of the prefixes trans-, per-, con-, etc. followed by

a stem such as -fer, -mit, -cede, -curn or -pel » (SPE : 94), c’est-à-dire précisément les

constructions dont nous avons traité dans la section précédente. La différence entre la frontière

= et la frontière + a souvent été interprétée comme une différence liée à l’origine étymologique

des affixes : les premiers seraient latins et les seconds seraient le « défaut » (McMahon, 2000 :

69 ; Scheer, 2011 : 72

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; Siegel, 1974 : 114, 1980). Ce lien entre type de frontière et étymologie

semble être une surinterprétation de SPE basée sur la liste des préfixes concernés (c’est-à-dire

trans-, per- et con-) qui sont bien d’origine latine. Cependant, à aucun moment (à notre

connaissance) SPE n’oppose les préfixes par origine et par type de frontière. Nous n’avons

trouvé dans SPE aucun exemple d’analyse de préfixé à préfixe germanique (e.g. be-, for-) qui

illustrerait une telle différence. Szigetvári (2013) inclut d’ailleurs forget, forsake et begin

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dans

les exemples qu’il donne pour illustrer le fonctionnement de cette frontière, ce qui est

contradictoire avec la distinction étymologique évoquée ci-dessus. Les résultats de Dabouis &

Fournier (en préparation) vont également dans ce sens : les constructions préfixées se

comportent de manière uniforme, que leur préfixe soit d’origine germanique ou latine. Dans

SPE (1968 : 69-71), le placement de l’accent primaire pour les verbes dépend de la présence ou

l’absence d’un noyau lourd en finale : si la finale contient un noyau lourd alors elle reçoit

l’accent primaire (e.g. cajóle, eráse, collápse, cavórt) et si elle n’en contient pas, l’accent

primaire est placé sur la pénultième (e.g. astónish, édit, imágine). Les verbes de trois syllabes

et plus sont cependant sujets à l’Alternating Stress Rule (SPE : 77 ff.) qui rétracte l’accent

primaire sur l’antépénultième lorsque celui-ci se trouve sur la finale (e.g. vìoláte, extrápolàte¸

expérimènt). La frontière = sert à rendre compte de deux comportements accentuels spécifiques

aux préfixés : l’accentuation finale de verbes dissyllabiques dont la finale ne contient pas un

noyau lourd (voir les exemples en (36a)) et l’absence de rétraction de l’accent primaire dans les

verbes de trois syllabes et plus (voir les exemples en (36b)).

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Scheer parle de distinction entre « learned (Latinate) vs. regular vocabulary ». Cette distinction peut-être

pertinente sur le plan diachronique mais, en synchronie, provide, offend, appear, expect, suggest, remain, require,

receive, report et decide font partie des 20 verbes dissyllabiques les plus fréquemment attestés dans le Corpus of

Contemporary American English. Par conséquent, une telle distinction basée sur le type de vocabulaire (éduqué

vs. courant) ne semble pas tenable pour ce cas.

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Pour forget et begin, on ne pourra objecter que c’est le poids de la syllabe finale qui détermine le placement

accentuel, la finale de ces mots étant légère.

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(36) a. permít, concúr, compél, detér, transfér

b. còmprehénd, ìnterséct, còntradíct

Dans le premier cas, la frontière = bloque la règle qui assigne l’accent sur la pénultième quand

la finale ne contient pas de noyau lourd et la règle plaçant l’accent sur la finale s’applique. Dans

le second cas, les auteurs proposent une modification de l’Alternating Stress Rule qui bloque la

rétraction lorsque la syllabe finale est directement précédée par =. Afin d’arriver à une

distinction binaire entre deux classes d’affixes, Siegel (1974, 1980) a dû rejeter la frontière =,

et ainsi proposer une explication alternative à ces comportements spécifiques aux préfixés. Elle

en propose effectivement une pour les verbes en (36b). SPE utilisait la frontière = pour

distinguer, par exemple, désignàte et ìnterséct, représentés comme de=signAt et iNter=sect : le

premier suit l’Alternating Stress Rule car la frontière = ne se trouve pas immédiatement avant

sa syllabe finale, contrairement au second. Siegel (1980) note que SPE ne traite pas des verbes

constitués d’un préfixe monosyllabique et d’une racine dissyllabique et liste les exemples que

nous reproduisons en (37).

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(37) resurrect, bicuspid, inhibit, prohibit, inhabit, evanesce, immature, premature, determine

Elle soutient que l’analyse de SPE prédit que ces verbes recevraient l’accent primaire sur leur

préfixe et propose une analyse alternative qui ne fait pas mention de la frontière = et selon

laquelle l’accent primaire ne se rétracte pas lorsque le dernier constituant d’un verbe est une

racine. Cette analyse rend compte de la différence entre désignàte et ìnterséct puisque le dernier

constituant de designate est un suffixe et non une racine, ce qui expliquerait pourquoi l’accent

se rétracte bien sur l’antépénultième. Cependant, il y a quelques problèmes avec cette analyse.

Tout d’abord, la critique de SPE est inexacte puisque ses auteurs ne proposent la rétraction que

dans les cas où la finale reçoit l’accent primaire. Ainsi, SPE ne prédit pas un schéma accentuel

différent pour bibuspid, determine, evanesce, inhibit, prohibit, et inhabit, puisque leur finale ne

contient pas de noyau lourd et qu’ils reçoivent ainsi l’accent primaire sur la pénultième. Les

autres cas sont également non-pertinents car resurrect pourrait être analysé comme

re=sur=rect

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et que bicuspid, immature et premature ont des préfixes sémantiquement

transparents et ont donc deux domaines phonologiques, ce qui expliquerait l’absence de

rétraction (voir ci-dessous). Ainsi, la proposition de Siegel pourrait se révéler être exacte, mais

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Siegel décrit cette liste comme « the ones I have been able to find » ayant cette structure. À aucun moment elle

ne fait mention de la manière dont cette recherche a été menée, ce qui nous laisse supposer qu’il s’agit d’une

recherche non systématique.

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Bien que ce mot ne contienne pas historiquement le préfixe sur-, ce préfixe est attesté en anglais et peut être

reconstruit sur la base d’une commutation avec des mots partageant la même racine (e.g. correct, direct, erect).

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les données ne peuvent servir à l’illustrer. Pour ce qui est des exemples en (36a), ceux-ci sont

bien mentionnés par Siegel (1974 : 114) dans son résumé de la proposition de SPE mais sont

ensuite entièrement passés sous silence dans l’analyse qu’elle propose. Dans celle-ci, le

placement de l’accent primaire est effectué sur la base du poids syllabique et de la rétraction,

comme dans SPE, avec pour modification que la rétraction est bloquée pour les verbes à racine

finale comme interdict. Cependant, la rétraction n’est applicable que lorsque les verbes ont trois

syllabes ou plus, ce qui n’est pas le cas des exemples en (36a). Ceci est d’autant plus

problématique que Dabouis & Fournier (en préparation) relèvent 128 verbes dissyllabiques

préfixés ayant une finale légère (-VC), dont 101 (79%) sont accentués en finale. Le rejet de la

frontière = s’est ainsi fait sur la base d’arguments clairement discutables, des critiques de SPE

inexactes et des données non représentatives et également discutables. Les frontières de SPE

sont des objets théoriques ayant été abandonnés depuis, mais on peut se demander si ce n’est

pas cet abandon de la frontière = à une période où les frontières étaient toujours utilisées

couramment qui a conduit à négliger le rôle des préfixes dans l’accentuation de l’anglais dans

les analyses ultérieures.

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Toujours est-il qu’à la suite des travaux de Siegel, c’est l’opposition

entre préfixes de Classe I et préfixes de Classe II qui a perduré.

Ainsi les préfixes de l’anglais sont généralement divisés en deux classes, dont Spencer (1991 :

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