• Aucun résultat trouvé

Distanciation et discrétion

Dans le document LYON, LA FABRIQUE D'UNE VILLE GAY-FRIENDLY (Page 81-83)

Partie III : Entre Empowerment et Néo-corporatisme, des politiques LGBT discrètes au

III. 1.1 « Voir un peu plus haut »

III.1.3 Distanciation et discrétion

Ce réseau de connaissance n’a de raison d’exister que s’il s’opère dans la discrétion. S’opérant en marge des processus classiques de construction d’une politique publique et fonctionnant sur des relations particulières liées à une orientation sexuelle, ce réseau de relation n’a de chance de perdurer que s’il n’est pas trop étalé au grand public. Ne constituant pas pour autant un réseau illicite, il se doit quand même d’être protégé par ses protagonistes. C’est au fur et à mesure de l’enquête que nous avons mis en évidence ce réseau de connaissance. Aujourd’hui il semble être bien rodé, les actions menées ces dernières années semblent perdurer. Nous avons facilement identifié une forte méfiance des personnes interrogées. Cette méfiance pouvant être perçue comme une façon de se protéger, elle nous a d’abord fait face lorsqu’en début d’entretien, il nous a en préalable été demandé quelle était notre orientation sexuelle. Une façon détournée de nous inclure, ou pas, dans ce réseau de connaissance. Une autre façon a été de vouloir ne pas

81

préciser le nom des « bienveillants de l’hôtel de ville », lorsque nous avons voulu avoir plus de précisions.

« -J’ai le droit de connaître ces connexions ? » « -Non. C’est des connexions personnelles. »

Président de l’association GotoLyon et gérant d’un sex-shop, le 8/04/15

« -Mais du coup qui est derrière la ville ? »

« -C’est un ensemble de je vais dire, ça me gêne d’en citer, mais c’est un ensemble de personne. Ils sont attachés à ce que la communauté homosexuelle se retrouve dans un lieu convivial. »

Entretien avec le directeur actuel du centre LGBTI et co-président d’ARIS, le 16/04/15

« -Vous ne souhaitez pas donner des noms ? »

« -Non. Non parce qu’on n’est pas là pour parler de leurs vies privées, on est là pour parler de leurs vies publiques. Et ce que je peux savoir de leurs vies privées ne regarde que leurs vies privées. […]Après si tu veux

rencontrer des personnes, on peut essayer de faire quelque chose mais je ne te donnerai pas de nom, tu les découvriras, soit en cherchant tout seul. »

Entretien avec le président de CARGO, le 7/04/15

Cette discrétion que l’on ressent dans les entretiens se retrouve également dans une forme de distanciation des enquêtés. Ces derniers prennent une certaine distance quant à la façon de nommer la prise en compte qui leur est faite par l’équipe de Gérard Collomb. Loin de se percevoir comme avantagés, favorisés, les enquêtés tentent de rendre normale l’action qui est menée par le chef de cabinet ou par M. Chomarat. Au même titre qu’un autre domaine de politique publique, bien qu’elle soit traitée d’une façon particulière, elle a toute sa place dans la politique de la ville de Lyon.

« Maintenant moi à titre personnel je considère que l’on n’a pas à faire d’entrisme. On n’a pas parce qu’on est gay à avoir une place qui n’est pas la nôtre. Comme le clientélisme ou ces choses-là.[…] Oui c’est ça qui fait tourner le monde, il y en a qui diront que c’est du pistonnage, moi je ne considère pas, je demande que des entretiens pour nous écouter, c’est sûr que si tu demandes 100 000 € ça va être difficile.[…] Mais on n’a pas la réponse à tout, mais

il y a des fois des moyens de débrouiller des situations. Mais attention les gens ne vont jamais se mettre en porte à faux pour toi. Si tu demandes quelque chose qui n’est pas légal, ça ne passe pas. Aujourd’hui on n’a pas de passe-

droit, il faut ne pas croire qu’un acteur institutionnel va se mettre en danger personnellement, ça n’existe pas je pense. »

82

« Mais il faut savoir une chose, quand on va taper plus haut, on peut se faire taper sur les doigts ça ne veut pas dire que la personne va vous dire oui, ce n’est pas parce qu’on appelle le chef de cabinet qu’il va dire ah oui pas de problème. Non au moins il est au courant de notre attente, il décide par son jugement en tant que directeur de cabinet, il y a pas de problème, on ne va pas remettre en question ses décisions, et il ne peut pas non plus dire oui à tout. Si vous allez plus haut on peut vous dire « ça va hé ho ». On va prendre des pincettes. Là vous avez une réponse

directe […] Que ça soit Collomb, que ce soit Delanoë. Ils ont simplement dit ce qui est faisable on le fait, ce qui ne l’est pas on le fait pas. Il y avait plus ce côté « ah non c’est encore les pédés qui viennent nous demander quelque chose. » Je pense qu’ils ont dit oui à des associations comme pour des associations avec d’autres problématiques liées à la discrimination, au rejet, oui, ils répondent avec les LGBT comme avec d’autres minorités qui auraient des

difficultés dans la ville. »

Entretien avec un chargé de prévention Rhône-Alpes auprès d’ENIPSE, le 30/04/15

Dans le document LYON, LA FABRIQUE D'UNE VILLE GAY-FRIENDLY (Page 81-83)