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7.3 Cartographie des écoulements microfluidiques par une méthode thermique . 149

7.3.4 Fluide newtonien

7.3.4.1 T dissymétrique

La technique présentée ici a été validée expérimentalement pour l’écoulement de l’eau en canal droit dans la référence [65]. Nous validons ici notre dispositif pour l’étude de répartition d’un fluide dans un réseau de canaux. Le cas simple de l’eau en écoulement dans une jonction T dissymétrique est présenté ici. Le motif de microcanal utilisé dans cette partie est présenté figure 7.10. Le gradient de température est imposé dans la direction X,

30 8 20 8 entrée sortie L1 L2 X Y Z

Fig. 7.10 – Représentation schématique du microcanal T dissymétrique, avec en millimètres les longueurs de canaux. L1 est la longueur totale du bras court, et L2 celle du bras long.

permettant la mesure de la composante de la vitesse dans cette direction. Au sein du canal l’écoulement est unidirectionnel, l’estimation de la vitesse n’a donc de sens que sur les portions du canal dans la direction X (Fig. 7.10). Le canal d’entrée est perpendiculaire au gradient de température, il suit une isotherme, il est suffisamment long pour permettre à la température du fluide de s’équilibrer avant d’arriver à la jonction. La puce microfluidique est fabriquée en PDMS, et les dimensions des canaux sont : 200 µm de large (dans la direction Y ) et 50 µm de haut (dans la direction Z). La résolution de la caméra infrarouge sans grossissement est de 200 µm par pixel ; une largeur de canal équivaut donc à un pixel. Le profil de vitesse n’étant pas constant dans la section du microcanal, l’estimation du nombre de Péclet conduit la vitesse moyenne dans le canal, et donc à un débit. Les valeurs de vitesse et de débit ne pouvant être connues de façon absolue du fait de la diffusivité thermique indéterminée (section 7.3.1, page 152), le raisonnement portera par la suite sur les rapports de vitesse ou de débit dans les différentes branches de la puce microfluidique.

Le bras L2 de cette jonction est deux fois plus long que le bras L1. D’après l’équa-tion (7.1), pour un fluide newtonien la résistance hydrodynamique est deux fois plus im-portante dans le bras long que dans le bras court, et d’après l’équation (7.2), le débit Q1 dans la branche L1 devrait donc être deux fois plus rapide que le débit Q2 dans la branche L2, ce que nous allons vérifier ici afin de valider la méthode de mesure de répartition d’un fluide dans un réseau de canaux. Notons que l’expression (7.2) a été calculée pour un canal cylindrique, mais Q1/Q2 ne dépendant pas de la section du microcanal, cette expression reste vraie pour un canal de section rectangulaire.

La figure 7.11 présente les champs de température mesurés sur cette puce pour différents débits d’entrée Qe avec une différence de température de ∆T ≈ 6C entre la zone la plus froide et la zone la plus chaude de la puce. À débit nul, le champ de température est

quasi-Q e = 3 mL h−1 Q e = 4 mL h−1 Q e = 5 mL h−1 Q = 0 mL h−1 X Y Z Q e = 1 mL h−1 Q e = 2 mL h−1

Fig.7.11 – Champs de température pour de l’eau en écoulement dans une géométrie T dissymé-trique (Fig. 7.10) à différents débits d’entrée. La différence de température entre la zone la plus froide et la zone la plus chaude de la puce est ∆T ≈ 6C.

linéaire, seule une légère perturbation de ce champ intervient au niveau des canaux, car la conductivité thermique des canaux remplis de fluide est différente de celle du PDMS. Plus le débit Qeaugmente, plus le champ de température est déformé. En effet, plus l’écoulement est rapide, plus le transport de chaleur par convection est observable.

La figure 7.12 présente les cartographies de nombre de Péclet déduites des champs de température de la figure 7.11. Il apparaît clairement sur ces figures que P e varie uniquement dans la zone du microcanal. Les valeurs de nombre de Péclet peuvent être positives ou

7.3. Cartographie des écoulements microfluidiques par une méthode thermique 161 Q e = 3 mL h−1 Q e = 4 mL h−1 Q e = 5 mL h−1 Q e = 1 mL h−1 Q e = 2 mL h−1 X Y Z

Fig. 7.12 – Cartographies des nombres de Péclet déduites des champs de température de la figure 7.11 (eau dans T dissymétrique).

négatives, ce qui indique ici simplement le sens de la vitesse. Ainsi sur un fond gris où le nombre de Péclet est nul, les zones de P e élevé apparaissent-elles noires ou blanches suivant la direction de l’écoulement dans la branche du canal considérée. Plus le débit augmente, plus le motif du canal apparaît clairement sur la cartographie de P e, ce qui s’explique par une vitesse plus élevée, et donc un nombre de Péclet plus élevé. Cette représentation ne permet qu’une analyse qualitative de l’écoulement. La représentation de la valeur du Péclet intégrée dans la direction Y sur la largeur du canal en fonction de la position X dans le canal permet une analyse plus fine. Nous avons vu section 7.3.3 qu’en travaillant sur la caméra infrarouge sans grossissement, la résolution est de 200 µm par pixel, ce qui correspond à la largeur des canaux observés ici. La figure 7.13 montre l’évolution du nombre de Péclet au niveau des lignes d’ordonnée Y1 et Y2 pour un débit d’entrée Qe = 2 mL h−1. Notons que le nombre de Péclet n’est pas constant dans chacune des branches : à l’entrée d’un bras, en sortie, avant ou après une jonction ou un virage, le nombre de Péclet n’est pas égal à sa valeur maximale (en valeur absolue). Ceci peut s’expliquer par des phénomènes de transfert thermique en 3D qui ne sont pas considérés dans notre description, puisqu’une approximation en 2D est faite (section 7.3.1, page 152). Une dissipation de l’énergie dans la troisième direction ne peut conduire qu’à une diminution du nombre de Péclet dans la direction considérée (et non à une augmentation), la valeur la plus proche du nombre de Péclet vrai dans une branche est donc sa valeur maximale dans cette branche. Ainsi en considérant la valeur maximale du nombre de Péclet dans une branche, il est

0 50 100 150 200 250 300 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 X (pixels) Pe X Y Z Y 2 Y 1 Q e = 2 mL h−1

Fig. 7.13 – Pour Qe = 2 mL h−1, à gauche : cartographie des nombre de Péclet, à droite : évolution du nombre de Péclet dans le canal en fonction de la position X pour les deux positions Y1 et Y2.

possible de minimiser l’erreur commise lors de cette approximation. Dans la pratique, afin de s’affranchir du bruit de mesure, le nombre de Péclet est calculé par une moyenne sur la zone de la branche du microcanal où il est constant à 5 % près. Il convient de noter qu’autour de la position X = 150 pixels, la valeur du nombre de Péclet est très élevée : cette augmentation locale n’est pas à interpréter en terme d’écoulement, il s’agit en réalité d’un défaut lié à des pixels saturés de la caméra infrarouge. Ce phénomène se retrouve sur toutes les séries de données à la même position.

Sur Y1, le nombre de Péclet est d’abord négatif, dans cette branche le fluide suit la direction −X, et atteint une valeur absolue maximum |P e1| ≈ 0.96. Après la jonction, le nombre de Péclet sur Y1 est positif, le fluide suit la direction +X, et atteint une valeur absolue maximum |P e2| ≈ 0.48. Le rapport des valeurs absolues de nombre de Péclet est donc bien égal au rapport des débits attendu pour un fluide newtonien dans une telle géométrie : |P e2|/|P e1| ≈ 2. Sur Y2, le comportement est antisymétrique.

La figure 7.14 montre l’évolution du nombre de Péclet dans les canaux du T dissy-métrique pour tous les débits présentés figure 7.12. Jusqu’à 3 mL h−1, le comportement est identique à celui décrit dans l’exemple précédent à 2 mL h−1. La figure 7.14 montre bien que jusqu’à 3 mL h−1, l’eau s’écoule deux fois plus vite dans le bras le plus court. Au-delà de ce débit, le comportement n’est plus le même : le rapport des vitesses de part et d’autre de la jonction n’est plus égal à 2, et les comportements en Y1 et Y2 ne sont plus tout à fait antisymétriques. Il peut y avoir deux raisons à cela. Ces débits sont si élevés que même avec de l’eau qui est un fluide peu visqueux, le canal en PDMS se déforme. Comme la déformation dépend du débit, elle n’est pas la même dans les deux bras du système, et les résistances hydrodynamiques de part et d’autre de la jonction T ne sont plus parfaitement contrôlées. Afin de palier ce problème nous avons développé des puces rigides, dont un exemple d’utilisation est présenté section 7.3.5 (page 165). Par ailleurs le

7.3. Cartographie des écoulements microfluidiques par une méthode thermique 163 0 50 100 150 200 250 300 −2 −1 0 1 2 X (pixels) Pe 0 2 4 0 0.5 1 1.5 2 2.5 Q e (mL h−1) |Pe|

Fig. 7.14 – Droite : nombre de Péclet en fonction de la position X dans le canal à un débit Qe de : (♦,♦) 1, (◦,◦) 2, (,) 3, (▽,▽) 4 et (⋆,⋆) 5 mL h−1; Gauche : Nombre de péclet dans les branche : (◦) courtes L1 et (♦) longues L2.

déplacement du fluide est si rapide que le champ de température est trop perturbé pour permettre une estimation correcte du nombre de Péclet sur les portions de canaux selon l’axe X. Une estimation correcte du nombre de Péclet, et donc de la distribution d’un fluide dans un réseau de canaux n’est correcte à haute vitesse qu’à condition que les canaux ne se déforment pas, et qu’il soient assez longs dans la direction de l’estimation.

Répétabilité et résolution en débit

La répétabilité de ces expériences ainsi que la résolution en débit à été vérifiée sur la puce T dissymétrique pour des débits Qe≤ 3 mL h−1 avec ∆T ≈ 6C. La variation du nombre de Péclet à une position donnée par rapport à la valeur moyenne à cette même position sur l’ensemble des expériences dans les mêmes conditions, est au maximum de 7 %. Cet écart nous paraît suffisamment faible pour conclure que ces expériences sont bien reproductibles. Dans notre configuration expérimentale, l’écart minimum nécessaire entre deux débits Qe afin de les distinguer correctement par la méthode thermique est ∆Qe ≈ 300 µL min−1, ce qui, étant donné la configuration du T dissymétrique (Q1/Q2 ≈ 2) revient à une différence de débit minimum détectable de ∆Q ≈ 200 µL h−1. Une différence de débits n’est observée entre deux expériences, ou entre les bras de longueur L1 et L2, que si la différence de débit est supérieure ou égale à 200 µL h−1. La résolution en débit dépend de plusieurs paramètres : gradient de température, gamme de vitesse explorée, géométrie des canaux (section et longueur).