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Dispositions générales de procédure

Le chapitre I consacré aux dispositions générales en matière de preuves (art. 150ss CPC) contient quelques règles supplémentaires qui valent la peine d’être mentionnées.

1. Ordonnances de preuves

Avant que ne débute la phase d’administration des preuves proprement dite, il est souhaitable que le juge et les parties connaissent précisément le champ sur lequel porteront ces investigations, ce qui est le corollaire indispensable à une saine administration de la justice.

Autant dire que les pratiques varient d’un canton à l’autre sur ce point. Les juges et avocats vaudois sont aujourd’hui rompus à ce type d’exercice, parfois envisagé de manière fort rigide ; on ne saurait en dire autant à Genève où pré-vaut un laxisme certain.

Le nouveau droit fédéral de procédure civile prévoit en l’occurrence que des ordonnances de preuves devront être rendues "avant l’administration des preuves", tout en en précisant le contenu : "elles désignent en particulier les moyens de preuves admis et déterminent pour chaque fait à quelle partie incombe la preuve ou la contre-preuve" (art. 154 CPC). En procédure ordinaire, l’ordonnance de preuve pourra être rendue lors des débats d’instruction (art. 226 CPC) ou lors des débats principaux (art. 228ss CPC)13.

L’ordonnance de preuve doit être mise en relation avec les obligations faites aux plaideurs relativement au contenu de leurs écritures. A teneur de l'article 221 al. 1 lit d et e CPC, il incombe au demandeur d’alléguer les faits et de procéder à l'indication "pour chaque allégation, des moyens de preuves proposés", ce qui prévaut avec d'autant plus d'acuité lorsque s'applique la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC)14. Cette disposition s’applique par analogie à la ré-ponse, dans laquelle le défendeur doit notamment exposer "quels faits allégués dans la demande sont reconnus ou contestés" (art. 222 al. 2 CPC).

Au terme de leurs écritures, les parties se réfèreront soit directement aux pièces qu’elles produisent (art. 221 al. 2 lit c et d CPC), soit à l’un ou l’autre type de preuve prévus par la loi (infra, p. 97 ss), sans qu’il ne soit nécessaire à ce stade d’indiquer le nom de tel ou tel témoin pressenti.

13 DAVID HOFMANN/CHRISTIAN LÜSCHER, Le Code de procédure civile, Berne, 2009, p. 81.

14 Etant rappelé que le juge doit procéder d'office à la recherche des faits et à l'administration des preuves lorsque s'applique la maxime inquisitoire (art. 55 al. 2 CPC).

L’ordonnance de preuves peut être modifiée ou complétée en tout temps (art. 154 CPC dernière phrase) si bien qu’elle ne lie pas le juge et s’assimile en réalité à une ordonnance préparatoire par laquelle le Tribunal détermine le cadre et le cours de l’administration des preuves. Une telle décision ne pourra faire l'objet d'un recours immédiat que dans les limites prévues à l'article 319 lit b ch. 2 CPC ; dans les autres cas, elle ne sera remise en cause qu'avec le ju-gement final15.

2. Modalité d’administration des preuves

Le CPC confère aux parties "le droit de participer à l’administration des preuves"

(art. 155 al. 3 CPC). Ceci n’a rien de véritablement surprenant et découle du principe du contradictoire ainsi que du droit d’être entendu rappelé à l'article 53 al. 1 CPC16.

Le principe de l’immédiateté des preuves est en outre précisé par le législa-teur qui autorise une juridiction collégiale à déléguer la phase probatoire "à un ou plusieurs membres du Tribunal" (art. 155 al. 1 CPC). Ce pouvoir de délégation peut toutefois être remis en cause par l’une ou l’autre des parties qui, "pour de justes motifs", peut requérir que les preuves soient administrées par le Tribunal dans sa composition complète (art. 155 al. 2 CPC). On peut penser, par exemple, à l’audition d’un témoin important, ou encore à une mesure d’inspection telle le transport sur place destiné à apprécier la portée concrète d’une servitude de vue droite. En revanche, toute délégation de l’administration des preuves à d’autres membres du pouvoir judiciaire (un greffier, un huissier) est exclue17.

3. La sauvegarde d’intérêts dignes de protection

Il se peut que l’administration des preuves soit susceptible de porter à la con-naissance des parties des faits dont la divulgation pourrait porter atteinte "à des intérêts dignes de protection des parties ou de tiers, notamment à des secrets d’affaires". Dans ce cas, le CPC fait obligation au Tribunal d’ordonner les me-sures propres à éviter la survenance de telles atteintes (art. 156 CPC). On peut penser, par exemple, à la production de pièces dont certaines données seraient caviardées, voire même à l’audition d’un témoin par le juge seul et à l’issue de laquelle le juge rédigerait un rapport d’interrogatoire circonstancié permettant

15 DOMINIK GASSER/BRIGITTE RICKLI (cf. note 12), art. 154 N 1 (par ex. lorsque l'ordonnance de preuves prévoit une répartition du fardeau de la preuve erronée) ; DAVID HOFMANN/CHRISTIAN LÜSCHER (cf.

note 13), p. 81. Le recours immédiat pourra se justifier lorsque l'ordonnance de preuves admet un moyen de preuve contraire à la loi.

16 DOMINIK GASSER/BRIGITTE RICKLI (cf. note 12), art. 155 N 3.

17 Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841ss, p. 6923.

aux parties de se prononcer néanmoins sur cette mesure d’administration des preuves18.

4. Preuve à futur

L’administration des preuves, pour ce qui concerne la procédure ordinaire, se déroule après les premières plaidoiries (art. 231 CPC). Des situations peuvent toutefois survenir, dans lesquelles on ne saurait attendre cette étape procédu-rale, voire même qu’une procédure ne soit déjà introduite pour administrer certaines preuves. On peut penser à la nécessité d'inspecter une chose dans son état à un moment donné (inspection d'une construction présentant un risque d'effondrement), de même qu'à l'audition d'un témoin essentiel se trouvant à l'article de la mort ou sur le point de partir durablement pour l'étranger. Dans de telles situations, les preuves doivent pouvoir être administrées afin d'être utilisées dans une future procédure ou encore dans la même procédure mais à un stade ultérieur19.

L’article 158 CPC réglemente cette question et rend la preuve à futur pos-sible "en tout temps" :

soit lorsque la loi confère le droit d’en faire la demande (lit a), ce que le droit matériel prévoit dans certains types de contrats (art. 204 et 367 CO par exemple) ;

soit lorsque la mise en danger des preuves ou un intérêt digne de protec-tion est rendu vraisemblable par le requérant (lit b).

Comme le prévoit l'article 158 al. 2 CPC, l’administration des preuves à fu-tur se déroulera selon les dispositions applicables aux mesures provisionnelles (art. 261ss CPC), lesquelles relèvent de la procédure sommaire (art. 248 CPC).

En soi, l'article 158 CPC s'applique à tout moyen de preuve prévu par la loi (art. 168 CPC)20.

III. Les moyens de preuves

C’est le rôle de tout code de procédure civile que d’indiquer aux parties les moyens mis à leur disposition en vue d’apporter la preuve des faits pertinents et contestés. Il s’agit en quelque sorte d’un "mode d’emploi" indiquant au plai-deur les moyens de preuves dont il dispose.

18 JACQUES HALDY, La nouvelle procédure civile suisse, Bâle, 2009, p. 50. Voir aussi Message, p. 6924.

19 Message, p. 6925.

20 DOMINIK GASSER/BRIGITTE RICKLI (cf. note 12), art. 158 N 8.