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Durée des entretiens

6. Un dispositif qu’il faut renforcer.

L’absence de directives anticipées est associée à une moins bonne de qualité de vie et de soins des patients et de leurs proches (61). De récentes études montrent que l’existence de directives anticipées améliore la qualité de la fin de vie notamment en diminuant l'anxiété des patients (76). Les directives anticipées entrainent une plus grande relation de confiance entre le patient et le soignant et donc une meilleure adhésion thérapeutique. Tous les éléments de la littérature nous encouragent donc à utiliser, à diffuser, à se saisir de ce dispositif. Ces éléments de littérature sont confirmés par les propos des médecins interrogés dans cette étude qui pensent que la rédaction de directives anticipées peut apporter un confort dans la prise en charge de la fin de vie, en particulier par le côté « anxiolytique » que peut apporter cette rédaction, et dans un climat plus apaisé.

Toutefois on constate que ce dispositif est méconnu aussi bien du grand public que des professionnels de santé. Dans une étude qualitative de 2016 auprès de médecins généralistes sur l’accès aux soins palliatifs en ville, aucun des médecins ne cite dans leurs discours sur ce thème l’existence de la loi Leonetti (77). Malgré son importance elle parait donc méconnue ou au moins mal connue par les professionnels de santé. Cette notion est constatée dans nos entretiens où les médecins disent ne pas être suffisamment formés et informés sur ce dispositif. Ils nous disent aussi qu’ils désireraient l’être. Cette observation est confirmée par l’ONFV (Observatoire National sur la Fin de Vie) en 2011. Il est montré que sur la période entre 2005 et 2010, seuls 2,6% des médecins généralistes de ville ont bénéficié d’une formation à la prise en charge de patients en fin de vie (78). En 2008, Jean Leonetti déclarait (79) : « La loi

67 est peu connue des citoyens et des médecins. Et ceux qui croient la connaître l’appliquent mal. Or, la meilleure loi du monde, mal connue et mal appliquée ne sert à rien [...] il y a sans doute une pédagogie d’humanité à faire ». Dans la loi du 2 février 2016 (1), il est demandé que la formation initiale et continue des médecins, pharmaciens, infirmiers, aides-soignants, aides à domicile et des psychologues cliniciens comporte un enseignement sur les soins palliatifs. La formation et l’information répétée du personnel soignant est corrélée à un meilleur recueil des directives anticipées (80) car il existe une meilleure maitrise du sujet. Le médecin se sent donc légitime pour en parler mais pour autant ne l’utilise pas, probablement en raison d’une non-maitrise de cet outil dont il ne connait pas exactement toutes les facettes (mauvaise formation et/ou manque d’information sur le sujet). Or en général on hésite à communiquer sur des choses que l’on ne maitrise pas complètement.

Une proposition des participants à l’étude consiste à confier la diffusion des directives anticipées à la filière juridique dans des contextes de successions, d’adhésion à des assurances vie, moment selon eux où l'on a l’occasion de réfléchir à sa fin de vie. Cependant, une étude réalisée montre que les patients ont tendance à ne pas être d’accord avec cette idée de confier cette mission à des notaires (81). Le patient a besoin de soutien, d’accompagnement, d’information, missions qu’il attribue plus à son médecin avec qui il a une proximité, une confiance construite sur de nombreuses années, plutôt qu’à un homme de loi, consulté ponctuellement pour des motifs uniquement « administratifs ».

Une autre proposition de la part des médecins interrogés pour renforcer ce dispositif serait de proposer les directives anticipées de manière systématique pour éviter de les associer à la notion de fin de vie imminente. Cela diminuerait le côté anxiogène de la rédaction des directives anticipées. L’information répétée et la systématisation peuvent être une solution ; en effet selon une étude américaine, les patients accepteraient que cette discussion soit faite comme un processus routinier d’admission, la question serait alors abordée lors de l’ouverture d’un dossier médical en ambulatoire ou à l’occasion d’une hospitalisation (82). En revanche ce qui est possible en milieu hospitalier à l’occasion d’une admission est difficilement transposable à la médecine ambulatoire.

Une autre manière de renforcer ce dispositif serait d’informer directement la population générale par le biais des médias classiques mais on remarque que l’information d’une population sur ce thème n’entraine pas forcément une augmentation du taux de rédaction

68 des directives anticipées. Les patients informés sur l’existence de ces directives anticipées, n’en rédigent, in fine, pas plus que les patients non informés (12).

Une revue de la littérature effectuée par une équipe espagnole conclue que le meilleur moyen pour améliorer le taux de rédaction de directives anticipées est la combinaison d’une brochure et d’une information orale par un professionnel de santé (83).

Mais ne faut-il pas tout simplement laisser le « temps au temps » ? Cette loi est une loi relativement jeune, on l’a vu difficile à assimiler et à s’approprier. Plusieurs signes nous font penser qu’il faudra du temps pour qu'une telle loi prenne toute sa place dans la population. C'est aux Etats Unis que le taux de rédaction est le plus élevé. Or il est intéressant de noter que dans ce pays, ce dispositif a été évoqué pour la première fois en 1977 soit presque 30 ans avant la France ! Il y a eu, là-bas, une succession de loi proposant différentes formes de directives anticipées et que ce sont finalement les POLST (Physicians Orders for Life-Sustaining Treatment) qui, rédigés avec et par un médecin, qui ont pu considérablement faire augmenter le taux de rédaction des directives anticipées (72% chez les plus de 60 ans en 2010 contre 47% 10 ans plus tôt).

Il existe également un renouvellement de génération de la population médicale, les médecins plus fraichement diplômés étant peut-être plus sensibilisés à la culture palliative que les anciens dont la formation était essentiellement curatrice et peut être plus paternaliste qu’aujourd’hui laissant peu de place à l’autodétermination du patient. Nous avons déjà constaté précédemment cette divergence : les jeunes médecins sont plus enclins à vouloir se saisir de cet outil de communication que les anciens qui nous disent très bien connaître leur patient. Les médecins, de plus en plus confrontés à des situations palliatives, sauront donc se saisir au bon moment des directives anticipées malgré les freins que cela comporte.

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PARTIE V : PERSPECTIVES ET

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