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La disponibilité de l’hôte va influencer les causes ultimes du choix de l’hôte c’est-à-dire la principale réponse à la question : Pourquoi choisir de pondre sur cette plante plutôt que sur une autre ? De nombreux modèles théoriques sont partis de l’observation suivante : les insectes généralistes montrent souvent une hiérarchie dans la préférence de leurs plantes hôtes et la plante préférée n’est pas

25 toujours la plante de meilleure qualité pour le développement des larves. De cette observation a découlé une question majeure : Si une femelle rencontre un hôte potentiel pour la larve, devrait-elle pondre dessus ou continuer à chercher une autre plante de meilleure qualité ? La sélection naturelle favorisera le choix qui maximisera le nombre de descendants face à l’incertitude de trouver une autre plante, tout en minimisant les coûts d’énergie (Levins et MacArthur 1969, Jaenike 1978). Quels sont donc les facteurs influençant la probabilité de choisir une plante ?

Le premier facteur majeur est la qualité de la plante hôte caractérisée par les nutriments, la teneur en eau et la quantité de composés toxiques qu’elle contient (Jaenike 1978). De plus, la distribution de la qualité au sein du paysage de plantes va aussi déterminer le choix de la plante (Fig. 8 A). En effet, si les plantes ont une qualité distribuée de façon homogène dans le paysage, la probabilité de choisir une bonne plante sera plus importante qu’avec une grande hétérogénéité. Si le nombre de plantes de bonne qualité est faible, le choix d’hôtes de qualité inférieure sera plus courant (Mayhew 1997).

Dans le cas d’une hétérogénéité de la qualité des plantes dans le paysage, l’adaptation pourra se faire au travers de la fécondité (appelée egg limitation par West et Cunningham (2002) ou risk spreading par Jaenike (1990)). Avec une forte fécondité, l’insecte pourra maximiser sa valeur sélective en pondant beaucoup sur toutes les plantes et la survie de l’insecte sera proportionnelle à la qualité de la plante. Cela se rapporte à la notion de bet hedging qui explique qu’en présence d’une forte variabilité des plantes, le fait de répandre ses œufs sur toutes les plantes permet d’assurer un minimum de descendants (Hopper 1999). Dans ce cas, les insectes utiliseront les ressources proportionnellement à leur distribution dans le paysage suivant donc le modèle de Distribution Idéale Libre (Ideal Free Distribution en anglais) (Křivan

et al. 2008, Boulinier et al. 2010). Les modèles de distribution idéale libre font l’hypothèse que les

individus sont des compétiteurs égaux et ont une connaissance parfaite de la qualité de tous les hôtes, qui ne change pas dans le temps (idéale), et qu’ils peuvent se déplacer sans coûts (libre) d’une plante à une autre afin d’optimiser les qualités de chaque plante. Ces modèles prédisent que les individus vont se distribuer sur les plantes proportionnellement à la qualité des hôtes. Cependant dans le cas où l’insecte a une faible fécondité, un mauvais choix de plante engendrera des conséquences beaucoup plus graves induisant des compromis de choix de plante hôte beaucoup plus forts. Une corrélation entre la fécondité et la capacité de choix a montré que les insectes qui effectuaient un choix plus drastique avaient une fécondité plus faible (Jaumann et Snell-Rood 2017).

Le deuxième facteur majeur influençant le choix est la distribution de l’hôte dans le paysage. La distribution de l’hôte est à ne pas confondre avec la distribution de sa qualité précédemment expliquée (Fig. 8). Les hôtes potentiels peuvent être distribués de façon hétérogène dans l’environnement mais avec une qualité homogène (Fig. 8A), ou distribués de façon homogène dans l’environnement mais avec des qualités hétérogènes. Ces deux facteurs influencent fortement la probabilité de trouver l’hôte et de le choisir (Jaenike 1990, Craig et Itami 2008).

Synthèse bibliographique

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Figure 8. Deux scénarios différents montrant la différence entre la distribution de l’hôte et celle de la qualité.

La couleur verte est synonyme de bonne qualité et la couleur grisée est synonyme de mauvaise qualité. A. Trois plantes ayant une fréquence hétérogène dans le paysage avec une plante fréquente et les deux autres plus rares mais ayant une qualité nutritive égale, répartie donc de façon homogène. B. Trois plantes avec la même fréquence, réparties donc de façon homogène, mais ayant des qualités nutritives différentes avec une plante de meilleure qualité. Ici la qualité est répartie de façon hétérogène.

La distribution de l’hôte peut influencer différemment les comportements de choix :

 L’hôte peut être fréquent dans l’environnement et donc facile à trouver. Cependant, en concentrant sa recherche et sa ponte uniquement sur un hôte fréquent, cela augmente la probabilité de trouver cet hôte en particulier et diminue l’exploration d’autres hôtes éventuellement de meilleure qualité (West et Cunningham 2002).

L’hôte peut être rare dans l’environnement et donc difficile à trouver (« host limitation » par West et Cunningham (2002)). Dans ce cas, l’insecte peut intégrer des hôtes de qualité moyenne mais plus fréquents dans le paysage. En faisant cela, la perte de valeur sélective engendrée par l’interaction avec un hôte de moins bonne qualité équivaut à la perte de valeur sélective due au temps perdu à chercher un hôte de bonne qualité (principe de lost opportunity). L’insecte peut aussi attendre de trouver le bon hôte rare. L’acceptation d’hôtes de moindre qualité va dépendre du temps qu’a l’insecte avant la fin de sa vie (âge) ou avant la prochaine ponte. Mayhew (1997) explique dans le modèle « time-limited dispersers » que plus le temps passe, plus il est risqué de quitter un mauvais hôte sans pondre d’œufs parce que la probabilité de ne pas trouver de plante avant la prochaine ponte augmente avec le temps. Plus le temps passe, plus l’insecte acceptera un hôte de mauvaise qualité. Moins l’insecte aura le temps de chercher et moins la relation entre la préférence et la performance sera forte (Craig et Itami 2008).

EN RESUME : A la question : pourquoi choisir cet hôte ? La réponse est : Le choix de l’hôte (C) peut dépendre de la qualité de l’hôte (Q) pondérée par la probabilité de trouver cet hôte (1/A) avec A l’abondance de l’hôte.

𝐶 = 𝑄 × 1 𝐴

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C. Interactions interspécifiques