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Disponibilité générale et acquisition illégale des armes à feu

CHAPITRE 2 : ARTICLE SCIENTIFIQUE

2.2. Disponibilité générale et acquisition illégale des armes à feu

La disponibilité peut être définie comme le nombre d’armes à feu (AAF) en circulation sur un territoire et à un moment donné, ainsi que par la facilité avec laquelle on peut se les procurer (Roth, 1994; Cukier, 1998). Ainsi, ce concept fait non seulement référence au volume d’AAF en circulation, mais aussi aux paramètres qui en régissent l’offre et la demande (Cook, 1991). Comme le souligne Cook (1991), il importe, pour connaître la disponibilité des AAF, de tenir compte des efforts et des coûts associés à l’obtention des AAF.

Les études ont jusqu’à présent traité uniquement de la disponibilité générale afin d’estimer la relation entre la disponibilité des AAF et les violences criminelles, essentiellement en raison du contexte entourant leur production.18 Ces dernières ont en effet été réalisées à l’aide de données américaines, soit dans un pays où les dispositions législatives entourant l’acquisition et la possession d’armes de poing, de même que les transactions entre particuliers (communément appelées transactions réalisées sur les marchés secondaires) sont peu restrictives, voire facilement contournables (Hanh et al., 2005; Wintemute et al., 2005; Blais et al., 2012). Il est dès lors compréhensible que les indices de disponibilité cherchent à mesurer le niveau général d’AAF en circulation ou celui des armes de poing, ces dernières étant de loin les plus impliquées dans les homicides et autres crimes violents dans ce pays (Cook et Ludwig., 2006a). Les armes de poing sont d’ailleurs les plus prisées pour

18 Kleck (1979 et 1984) a tenu compte de la disponibilité des armes longues et des armes de

poing afin de mesurer leur incidence sur le taux d’homicide. Toutefois, ses études ne permettent pas de déterminer l’ordre causal des événements et donc de savoir si le taux d’homicide influe sur la disponibilité des AAF, ou l’inverse.

l’autoprotection, chez les délinquants comme chez les citoyens sans antécédent criminel, que ce soit pour afficher son statut, obtenir une notoriété ou se défendre lors de conflits entre bandes criminelles (Blumstein, 2002; Cook et al., 2007).

Une telle dynamique est toutefois difficilement transposable à d’autres juridictions telles le Canada et l’Angleterre, là où les armes de poing sont pour la plupart prohibées, et les transactions entre particuliers fortement règlementées. Au Canada, le marché secondaire est encadré au même titre que le marché primaire. La personne qui désire céder son arme doit remplir un formulaire dans lequel elle précise le nom et le numéro de permis de possession d’AAF du nouveau propriétaire (GRC, 2009). Le nouveau propriétaire ne peut prendre possession de l’arme que lorsqu’il détient un nouveau numéro de certificat d’enregistrement. Enfin, toute AAF doit être enregistrée au Canada, ce qui permet de suivre les transactions et de procéder à des contrôles permanents, advenant le cas, par exemple, où un détenteur d’AAF serait condamné pour un crime violent. Son privilège risque alors d’être révoqué sur le champ et ses armes saisies (GRC, 2009).

Afin de bien saisir les implications en matière de politiques publiques, plusieurs chercheurs mettent en garde contre la simple étude de la disponibilité générale des AAF (Cook et al., 1995; Moody et Marvell, 2005; Blais et al., 2012). Bien que les acquisitions légales et illégales ne soient pas deux phénomènes complètement indépendants, ils comportent toutefois des paramètres qui leur sont propres. Faute de contrôle, tout citoyen, indépendamment de ses caractéristiques et antécédents, pourrait acquérir une AAF, quelle qu’elle soit. Les lois viennent donc régir les types d’AAF qui peuvent être acquis et les restrictions quant aux individus qui peuvent en posséder.19 Viennent aussi se greffer à ces lois des dispositions

entourant le rangement sécuritaire des AAF tel que l'entreposage de l'arme dans un endroit sous clé, la séparation des munitions et de l’AAF ou encore l'obligation de rendre l’AAF inopérante (Lavoie et al., 2001).

19 Les individus qui ont commis des crimes violents ou atteints de troubles mentaux voient

généralement leur droit de possession d’AAF révoqué. De même, dans certaines circonstances, la perte d’un emploi et une séparation peut entrainer la révocation du permis de possession d’AAF.

Par ailleurs, alors que les armes de poing sont principalement acquises aux États-Unis pour l’autoprotection, cette réalité n’est pas extrapolable au Canada. Outre pour certains propriétaires détenant des droits acquis, les armes de poing sont à quelques exceptions prohibées au Canada. Sur les 7,5 millions d’AAF en circulation dans ce pays, 7 millions sont des carabines ou fusils de chasse (GRC, 2010). D’ailleurs, les citoyens canadiens les acquièrent dans la majorité des cas pour la chasse (Lavoie et al., 2001; Sondage Angus Reid, 1999). Moins de 5 % des propriétaires d’armes longues ont admis avoir une telle arme pour se défendre (Sondage Angus Reid, 1999). Suivant une telle logique, la disponibilité des armes longues – représentant principalement les armes légalement acquises à des fins récréatives – risque de n’entretenir aucun lien avec la criminalité violente, si ce n’est que pour certains crimes commis sous le coup de l’impulsion, tels les homicides conjugaux (Campbell et al., 2003; Campbell et al., 2007).

En revanche, les armes illégalement acquises peuvent être définies comme le nombre d’AAF en circulation qui a été acquis sans respecter les dispositions prévues par la loi. Ce serait d’ailleurs la voie suivie par plusieurs délinquants qui désirent acquérir une arme prohibée en raison de leurs antécédents, ou encore par les contrôles sévères existants sur certains types d’armes à feu (Sheyley et Wright, 1993; Morselli, 2012).

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