• Aucun résultat trouvé

Nous analysons ici les effets des grosses particules sur la dur´ee moyenne de suivi d’un traceur. Pour cela, nous avons calcul´e la longueur temporelle moyenne des trajectoires pour les diff´erentes configurations, ainsi que les dis- tributions de probabilit´e associ´ees. Les r´esultats sont pr´esent´es sur la Fig. 4.7.

0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 \v t/ τη \v = 0% \v = 0.1% \v = 0.3% \v = 0.8% \v = 2% \v = 4% \v = 10% 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 10−10 10−8 10−6 10−4 10−2 t(s) PDF \v = 0% \v = 0.1% \v = 0.3% \v = 0.8% \v = 2% \v = 4% \v = 10%

Figure 4.7 – Gauche : moyenne de la dur´ee d’une trajectoire dans le volume de mesure en fonction de la fraction volumique de particules Φv. Droite :

densit´e de probabilit´e des temps de suivi d’un traceur dans le volume de mesure en fonction de la fraction volumique de particules.

Un premier constat que nous avons fait avec nos donn´ees est que la lon- gueur des trajectoires diminue lorsqu’on augmente le nombre de grosses par- ticules. Lorsque la fraction volumique Φv augmente, il est de plus en plus

difficile de suivre les traceurs sur des temps longs. Comme on le voit sur la gauche de la Fig. 4.7, les mesures montrent que pour l’´ecoulement sans grosses particules (Φv = 0%) , le temps moyen de suivie d’un traceur est de

130 pas de temps, soit une dur´ee de (0.045 secondes = 3.43τη). En revanche,

pour l’´ecoulement le plus charg´e (Φv = 10%), la dur´ee moyenne d’une trajec-

toire est de 23 pas de temps (0.008 secondes = 0.42τη), soit une diminution

relative de 84%. La droite de la Fig. 4.7 repr´esente la PDF des dur´ees des trajectoires pour les diff´erentes valeurs de Φv. On y voit que le changement

de valeur moyenne est li´e `a un changement des queues de probabilit´e qui sont de plus en plus ´etroites lorsque la fraction volumique augmente. Il y a deux explications possibles `a cette observation : soit les traceurs sont tr`es vite pouss´es hors du volume de mesure par les grosses particules, soit ces derni`eres changent le niveau de bruit de nos mesures ce qui rend de plus en plus difficile de suivre les traceurs sur des temps longs.

Pour comprendre un peu mieux cet effet, nous avons essay´e de caract´eriser le d´eplacement des trajectoires des traceurs en fonction de la fraction volu-

t/τ η 10-1 100 101 ⟨ | X (t+ τ )- X (t)| 2⟩ 10-10 10-8 10-6 10-4 Φv = 0% Φv = 0.1% Φv = 0.3% Φv = 0.8% Φv = 2% Φv = 4% r/η 10-2 100 102 ⟨τr ⟩ /τη 100 101 1/3 2/3 Φv=0% Φv=0.1% Φv=0.3% Φv=0.8% Φv=2% Φv=4%

Figure4.8 – Gauche : dispersion D(τ ) = h|X(t + τ) − X(t)|2i des trajectoires individuelles X(t) des traceurs dans notre volume de mesure pour diff´erentes fractions volumiques Φv de grosses particules. La ligne

pointill´ee noire montre un comportement balistique D(τ ) ∝ τ2. Droite : temps de d´eviation moyen τr en fonction de la distance

r `a la pr´ediction balistique pour diff´erentes fractions volumiques de particules Φv. La ligne en tirets correspond `a un comportement

hτri ∝ r1/3; celle pleine `a hτri ∝ r2/3.

mique de grosses particules. Pour cela, nous avons commenc´e par regarder le d´eplacement moyen des trajectoires d´efini par la dispersion carr´ee moyenne D(τ ) = h|X(t + τ) − X(t)|2i o`u X(t) d´esigne la position `a l’instant t d’une

trajectoire et la moyenne est sur toutes les trajectoires et tous les films. Les r´esultats sont pr´esent´es sur la Fig. 4.8 (Gauche). Comme nous pouvions d´ej`a le pr´edire qualitativement `a partir de la Fig. 4.2, le d´eplacement moyen des traceurs est domin´e par un mouvement balistique li´e `a l’´ecoulement `a grande ´echelle. On voit effectivement que D(τ ) ≃ U2τ2 o`u U est une vitesse

caract´eristique. Ce comportement a lieu ind´ependamment de la fraction vo- lumique Φv `a de petites diff´erences pr`es de U . Comme nous le verrons plus

tard, les vitesses caract´eristiques de l’´ecoulement diminuent effectivement en fonction de Φv. ´Etant donn´e ce comportement moyen dominant, il est difficile

de se faire une id´ee de l’effet des grosses particules sur le d´eplacement des traceurs, si ce n’est par une modification assez faible de U . Pour cette raison, nous avons essay´e de caract´eriser les d´eviations au comportement balistique. L’id´ee que nous avons d´evelopp´ee consiste `a calculer le temps τr qu’un tra-

ceur met pour ˆetre d´evi´e d’une distance r de la trajectoire balistique donn´ee par sa vitesse initiale. On d´efinit ainsi pour chaque trajectoire X(t), le temps τr comme le premier instant τ tel que

|X(t + τ) − [X(t) + τ ˙X(t)]| > r, (4.2) o`u ˙Xd´esigne la vitesse de la trajectoire (nous reviendrons par la suite sur son

estimation). Sur la droite de la Fig. 4.8, on a repr´esent´e la valeur moyenne hτri de ce temps de d´eviation pour les diff´erentes fractions volumiques de

particules en fonction de la distance r. On constate qu’elle diminue conti- nuellement quand le nombre de grosses particules augmente dans le volume de mesure, ce qui implique une d´eviation plus rapide des trajectoires des tra- ceurs par rapport `a leur mouvement balistique. Pour un nombre de grosses particules fix´e et pour des d´eviations inf´erieures `a l’´echelle dissipative de Kol- mogorov η, les temps de sortie varient tr`es peu. Au-del`a de cette distance, dans la gamme inertielle, ils semblent croˆıtre plus vite, comme r1/3 jusqu’`a

≈ 100η, puis encore plus vite. D’apr`es l’analyse dimensionnelle classique en turbulence, on s’attendrait `a ce que hτri ∼ ε−1/3r2/3. Le comportement le plus

rapide que l’on observe pour r > 100η pourrait ˆetre compatible avec cette loi. Aux s´eparations interm´ediaires pour lesquelles on a hτri ∝ r1/3, les ´echelles

temporelles impliqu´ees sont inf´erieures `a ∼ 10τη. Comme nous l’avons vu

dans le Chapitre 1, les statistiques lagrangiennes de la vitesse montrent pour ces ´echelles temporelles de tr`es fortes d´eviations par rapport `a K41 (voir, par exemple, [ABB+08]). Ce r´egime pourrait ainsi ˆetre associ´e `a la tr`es forte

intermittence des statistiques lagrangiennes dans cette gamme d’´echelles dis- sipatives interm´ediaire, pour lesquelles les trajectoires de traceurs pourraient par exemple ˆetre pi´eg´ees dans les filaments de vorticit´e [BBC+05]. Notons

que sur la Fig. 4.8, nous avons utilis´e les unit´es dissipatives pour normaliser les axes. Les valeurs de η et de τη ont ´et´e estim´ees pour chaque valeur de

Φv. Nous reviendrons par la suite sur la fa¸con dont cela a ´et´e effectu´e et sur

leurs variations en fonction du nombre de grosses particules. Les variations de la constante sans dimension devant la loi en r1/3 montre une d´ependance

forte en Φv. Ceci laisse penser de nouveau que ce comportement est associ´e

`a des statistiques fortement intermittentes, et d´epend donc par exemple des grandes ´echelles.

Pour mieux comprendre ces variations, nous avons repr´esent´e sur la Fig. 4.9 les distributions de probabilit´e de τr normalis´ees par leur moyenne pour les

diff´erentes fractions volumiques et quatre distances r repr´esentatives. Pour quantifier cette diminution du temps τ `a une distance fix´ee en fonction de la fraction volumique de particules. On voit clairement que les densit´es de probabilit´e correspondant `a diff´erents Φv ne se chevauchent pas pour r petit.

Les distributions sont d’ailleurs proches d’une exponentielle, ce qui correspon- drait `a un temps d’attente τr compl`etement al´eatoire, ou en d’autres termes

au fait que les ´ev´enements que nous suivons sont sans m´emoire. Ceci signifie tr`es certainement que la d´ependance mesur´ee pour ces petites valeurs de r n’est li´ee qu’au bruit qui augmente avec le nombre de particules. Pour r & η, les queues exponentielles semblent disparaˆıtre et les probabilit´es normalis´ees se chevauchent relativement bien. Ceci laisse penser que le bruit est de moins

τ r / ⟨τr⟩ 0 5 10 15 20 PDF 10-6 10-5 10-4 10-3 10-2 10-1 100 Φv=0% Φv=0.1% Φv=0.3% Φv=0.8% Φv=2% Φv=4% τ r / ⟨τr⟩ 0 2 4 6 8 10 12 PDF 10-6 10-5 10-4 10-3 10-2 10-1 100 Φv=0% Φv=0.1% Φv=0.3% Φv=0.8% Φv=2% Φv=4% τ r / ⟨τr⟩ 0 1 2 3 4 PDF 10-4 10-3 10-2 10-1 100 101 Φv=0% Φv=0.1% Φv=0.3% Φv=0.8% Φv=2% Φv=4% τ r / ⟨τr⟩ 0 1 2 3 4 PDF 10-4 10-3 10-2 10-1 100 101 Φv=0% Φv=0.1% Φv=0.3% Φv=0.8% Φv=2% Φv=4%

Figure4.9 – Densit´es de probabilit´e des temps de d´eviation τr des traceurs pour les diff´erentes fractions volumiques de particules Φv et pour r =

10−2η (en haut `a gauche), r = η (en haut `a droite), r = 87η (en bas

`

a gauche) et r = 168η (en bas `a droite).

en moins important, mais que la physique joue ici un rˆole dominant. Toute- fois ces mesures ne permettent toujours pas de savoir si la d´ependance en Φv

vient d’un changement du nombre de Reynolds de l’´ecoulement porteur ou bien de la pr´esence des grosses particules.

Dans le cas o`u les particules joueraient un rˆole important, il est clair qu’on s’attend `a un comportement fortement modifi´e lorsque la distance de d´eviation r est de l’ordre du diam`etre Dp des particules. Nous avons ainsi me-

sur´e hτDpi et regard´e les d´eviations de cette quantit´e par rapport au cas sans

particule. La figure 4.10 montre hτDpi0/τη(0) − hτDpiΦv/τη(Φv) en fonction

de Φv. On remarque que ces d´eviations semblent augmenter avec le nombre

de grosses particules comme Φ1/2v . Nous n’avons toutefois pas trouv´e d’ex-

plication pour cette loi. Aussi, comme nous le verrons par la suite, elle ne correspond pas `a la fa¸con dont les particules att´enuent la turbulence.

Pour conclure cette analyse des temps de d´eviation au mouvement balis- tique, il est important de souligner qu’`a notre connaissance, cette quantit´e n’avait jamais ´et´e mesur´ee. Il semble qu’elle soit assez sensible `a l’intermit- tence lagrangienne aux ´echelles dissipatives interm´ediaires, et donc qu’elle d´epende assez fortement du nombre de Reynolds. Toutefois, nos donn´ees ne

Φv 10-3 10-2 ⟨τD p ⟩0 / τη (0) − ⟨τD p ⟩Φv / τη (Φ v ) 1 2 3 4 5 6 7

Figure 4.10 – ´Evolution de l’´ecart hτD

pi0− hτDpiΦv entre les temps de d´eviation

d’un traceur en fonction de la fraction volumique de particules Φv.

permettent pas de d´eterminer si la d´ependance en Φv provient de cet effet,

d’une augmentation du bruit dans nos mesures, ou bien de la pr´esence mˆeme des particules. Une id´ee pour en savoir davantage consisterait `a ´etudier les statistiques de τr dans des ´ecoulements sans particule, mais pour diff´erents

nombres de Reynolds.