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Si nous revenons à l’historique des souches et les données d’analyse MLST qui reflètent l’épidémiologie à long terme, nous avons vu que les haplotypes STIII-45, STIII-42 ont été génétiquement proches des haplotypes identifiés à la Réunion STIII-6 et STIII-25, isolées tous les deux de Pelargonium sp. Ensuite avec les données MLVA, l’haplotype 72 inclus dans l’haplotype STIII-42 et l’haplotype MTIII-148 inclus dans l’haplotype STIII-45 sont proches des haplotypes MTIII-7 (STIII-25) et MTIII-8 et MTIII-48 inclus dans l’haplotype STIII-6. Plus haut, nous avons émis que l’hypothèse d’une propagation de matériel végétal de longue distance était probable mais en confrontant avec les données MLVA où les loci TRs évoluent rapidement, la parenté proche entre ces haplotypes pourrait être due à une homoplasie des loci à évolution parallèle. Ces haplotypes seraient alors issus d’un ancêtre commun. Ainsi, à partir de ces trois informations, nous pourrions supposer que les mécanismes de transmission de ces souches s’est fait par le biais de boutures de pélargonium. Certes historiquement, le pélargonium est une plante originaire de l’Afrique du Sud introduit à la Réunion et à Madagascar vers la fin du XIXe siècle (Clément 1981 ; Dasuki 2002 ; de La Bathie 1931). Le pélargonium à cette époque était une culture de rente florissante dans les deux îles. A Madagascar, Bouriquet en 1935 a rapporté que les cultures de pélargonium étaient gravement atteintes de flétrissement bactérien causé par R. solanacearum (Bouriquet 1946). En tenant compte du fait que les souches phylotype III affectent aussi les pélargoniums, on pourrait supposer ainsi que les souches phylotypes III dans les Hauts Plateaux malgaches sont transmises à l’origine (au début du lancement de la culture) par de multiples introductions de boutures infectées de pélargonium eu niveau de chaque ZAE. En effet, cette hypothèse est possible du fait que toutes les ZAEs d’échantillonnage pratiquent la culture de pélargonium comme culture de rente (Michellon et al. 1999 ; Ninnin 1998 ; PADR 2007 ; Randrianangaly 2003) bien avant le déploiement même de la culture de pomme de terre dans la région Vakinankaratra incitée par l’installation du projet FIFAMANOR en 1972. La filière pélargonium a connu son essor vers les années 90 et la culture reste pratiquée de nos jours du fait que les débouchés sont assurés. Le fait qu’aujourd’hui chaque ZAE ait sa propre pépinière (mise en place par divers projets œuvrant dans la filière huile essentielle, (Figure 45) pourrait expliquer la structuration des populations de souches du ceRs selon des zones géographiques bien délimitées et conforté par l’hypothèse de non transmission par les tubercules semences malgré les échanges de tubercules semences entre les différents ZAEs. Les flux de gènes entre les ZAEs voisines pourraient alors impliquer des échanges de matériels végétaux infectés.

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Les souches phylotype III pourraient perdurer ensuite au niveau de la parcelle via les plantes réservoirs telles que les adventices. En effet, nous avons isolées des souches des adventices les plus communes des parcelles de cultures : bident et brède morelle sauvage, reconnus comme étant des plantes réservoirs (Akiew & Trevorrow 1994 ; Girard et al. 1993 ; Shekhawat et al. 1992 ; Stander 2001 ; Swanepoel 1992 ; Tusiime et al. 1998). Par ailleurs, comme nous avons isolé des souches du phylotype III chez une plante non symptomatique qui est l’espèce Physalis sp., cette plante pourrait jouer un rôle de réservoir naturel aux souches du phylotype III dans la parcelle. Diverses études ont souligné cette potentialité chez Physalis sp (Buddenhagen 1962 ; Mondal et al. 2011) pour les biovar 2 et biovar 3 (Akiew et al. 1993 ; Black & Sweetmore 1993 ; Dittapongpitch & Surat 2003 ; Swanepoel 1992). Belalcázar (2004) a obtenu des symptômes bénins sur Physalis peruviana inoculés avec des souches de la race 1, 2 et 3 et a rapporté que l’espèce montre une résistance aux souches R. solanacearum (Belalcázar et

al. 2003). La culture de Physalis peruviana ou ‘pok pok’, une plante introduite à Madagascar, originaire

des Andes (Decary 1963) fait partie des cultures de rente d’exportation pratiquée dans les Hauts Plateaux vers le début des années 90 jusqu’à aujourd’hui (ATW Consultants 1994 ; CTHA 2004 ; PNUD 2000) (Figure 46). Si elle n’est pas cultivée sur une grande surface, cette culture est souvent mise en bordure des parcelles de culture. Enfin, l’inoculum peut être conservé dans les résidus de fanes de haricot laissées dans la parcelle après récolte, disséminé par l’eau d’irrigation et l’eau de ruissellement pendant la saison des pluies comme pour le cas de la dispersion de souches clonales dans la ZAE 11 où les parcelles d’échantillonnage sont situées en pente avec un dénivelée de 20 m.

Entre outre, le voisinage des souches Zimbabwéennes et les souches malgaches représentées :  sur l’arbre phylogénétique (basé sur les séquences egl) où les sequevars 20, 21, 22 (ZW) et sequevar 19 (MG) sont groupées (mais le nœud est faiblement soutenu) ;  sur l’ACM4 où l’haplotype MTIII-35 (ZW) est distant à 3LV de l’haplotype MTIII-70 (MG, sequevar 57, CLIII-10) et distant de 6LV de l’haplotype MTIII-90 (MG, sequevar 57, CLIII-11) ;  plus le fait qu’un évènement de recombinaison a été détecté avec RDP par deux méthodes (B, M) impliquant la souche NCPPB0505 (ZW, sequevar 20, STIII-29, 38) comme parent majeur de la souche MAD403 (MG, sequevar 57, STIII-37, MTIII-101, CLIII-5) considérée comme ayant une portion de gène recombinant egl (67 souches du sequevar 57 groupés dans les populations CLIII-5, CLIII-7, CLIII-9, CLIII-10, CLIII-11 possèdent les mêmes séquences recombinants ou des traces de celles-ci) ont attiré l’attention. Ces observations rejoignent celles issues des travaux de Fegan et Prior (2005), Mahbou (2009), Poussier et al. (1999, 2000), Remenant et al. (2010) sur les relations de parenté entre les génotypes du sous-groupe des régions Afrique du Sud et Océan Indien incluant les souches du Zimbabwe, Madagascar et la Réunion. On notera aussi le voisinage des haplotypes ZW–CM et CM–MG (haplotypes singletons anciens MLTIII-63, MTIII87, MTIII-85 groupés dans le sequevar 56). A la lumière de ces constats, on pourrait avancer que ces haplotypes ont un passé commun, c’est-à-dire qu’ils sont issus d’un ancêtre commun et qu’ils ont ensuite évolué indépendamment dans chaque pays pour créer de nouveaux variants qui deviennent à leur tour les fondateurs. Le facteur commun est l’exploitation tabaïcole au niveau des trois pays. Le tabac, une plante originaire d’Amérique, a été introduit à Madagascar antérieurement au XVIIe siècle. Elle est devenue une culture d’exportation pendant la période de colonisation française (vers le début du XIXe siècle) où elle a été améliorée par l’introduction de variétés plus performantes en terme de rendement, de résistance à la maladie et de qualité recherchée au niveau du marché international (Menier 1934 ; Monnier 1946) (Figure 47). Actuellement la culture du tabac est toujours pratiquée au sein du bassin de production (MAEP-UPDR 2004b). Rasolofo en 1965 a rapporté que la culture de tabac a souffert de flétrissement

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Figure 45 – Exploitation de Pélargonium sur les Hauts Plateaux malgaches (champs, pépinière,

alambic). Crédits photos : G. Cellier et L. Costet.

Figure 46 – Plantation de ‘Pok pok’ (Physalis sp.) sur les Hauts Plateaux malgaches. Sources : Agrisud (2016), www.fedevaco.ch

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bactérien dans la région d’Ambatolampy (ZAE 4) et d’Antanifotsy (une partie de la ZAE 1), que l’IRAT33

a remédié par l’introduction et la sélection de nouvelles variétés. Aucune information n’est disponible concernant les formes d’introduction du tabac (graines, plants, boutures ?) pouvant donner des éclairages sur la possibilité de transmission à longue distance de ces souches. Mais comme les souches phylotypes III sont isolées et affectent les plants de tabac (Elphinstone 2005b ; Subedi et al. 2013), on pourrait supposer qu’ils constituent un réservoir d’inoculum potentiel au niveau des parcelles de cultures où les rotations par la culture de pomme de terre est pratiquée.

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YNTHESE ET ANALYSES DES DONNEES D

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