Chapitre III : DISPERSION D’UN TRACEUR
1.2 La dispersion en milieu poreux
1.2.1 Dispersion mécanique
Ce phénomène de mélange est lié à l’hétérogénéité des vitesses dans l’écoulement à l’échelle
microscopique. Les trois causes principales de dispersion mécanique sont illustrées en
figure III.2 :
− certains pores ont une ouverture plus grande, ce qui engendre des vitesses plus élevées,
− certains chemins plus longs que d’autres induisent un retard, donc une vitesse plus faible,
− les particules proches des parois se déplacent moins vite que celles situées dans l’axe des
pores, comme l’illustre la formule de Poiseuille pour une conduite cylindrique.
CHAPITRE III : DISPERSION D’UN TRACEUR
Ces phénomènes qui engendrent un mélange dans la direction de l’écoulement induisent une
dispersion longitudinale. Mais un front de traceur peut également s’étaler dans des directions
perpendiculaires à celle de l’écoulement. On parle alors de dispersion transverse (figure III.3).
Cette figure illustre bien que les écoulements passant par des chemins différents se mélangent
et engendrent une dilution de la concentration en soluté.
Fig. III.3 : Illustration de la dispersion transverse, d’après Fetter (1999).
1.2.2 Dispersion hydrodynamique
Les processus de diffusion moléculaire et de dispersion mécanique ne peuvent pas être
clairement distingués dans la réalité. On introduit donc un paramètre appelé coefficient de
dispersion hydrodynamique D, tel que le flux dispersif en milieu poreux s’écrit sous la même
forme que la loi de Fick :
C
d
ra
g
D
f
D=−ε
&
(III.4)
D est en fait un tenseur symétrique du deuxième ordre qui a pour directions principales la
direction de l’écoulement et deux directions perpendiculaires à celle-ci. En première
approximation, les coefficients de dispersion longitudinale et transverse D
Let D
Tsont définis
par :
* L LU D
D =α +
(III.5)
* T TU D
D =α +
(III.6)
CHAPITRE III : DISPERSION D’UN TRACEUR
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où Į
Let Į
Tsont les dispersivités longitudinale et transverse, <U> est la vitesse moyenne réelle
de l’écoulement et D
*le coefficient de diffusion effectif dans le milieu poreux.
La diffusion moléculaire et la dispersion mécanique dues à l’écoulement ont des effets
antagonistes sur la dispersion hydrodynamique (Bruderer, 1999). La convection engendre des
vitesses différentes entre les lignes de courant. La dispersion divergerait donc si la diffusion
moléculaire n’existait pas. La diffusion moléculaire est donc un processus stabilisateur de la
dispersion hydrodynamique puisqu’elle contribue à diminuer l’intensité des gradients de
concentration.
En pratique, la connaissance du coefficient de dispersion longitudinal est suffisante pour
traiter les problèmes rencontrés en hydrologie et en réservoir pétrolier. Cependant, pour des
écoulements très lents, la diffusion moléculaire entraîne un étalement transversal qui peut être
modélisé par un coefficient de dispersion transversal. Par la suite, nous ne considérerons que
la dispersion longitudinale et noterons D le terme de coefficient de dispersion correspondant.
1.2.3 Les différents régimes de dispersion
Le coefficient de dispersion D est une fonction de la nature du milieu poreux et de la vitesse
moyenne d’écoulement. Lorsque la vitesse augmente, on passe progressivement d’un
étalement dominé par la diffusion moléculaire à un étalement dominé par les fluctuations de
vitesses.
L’effet de la vitesse moyenne de l’écoulement sur la dispersion a été étudié par Pfannkuch
(1963) qui a utilisé des milieux granulaires et a exploré une gamme importante de débits. Le
coefficient de dispersion a été déterminé à partir de la mesure des concentrations à la sortie du
massif. En présentant les résultats sous forme adimensionnelle, tous les points expérimentaux
sont groupés autour d’une seule courbe (figure III.4). Le nombre adimensionnel qui permet de
quantifier l’importance relative des effets de diffusion moléculaire et de convection est le
nombre de Péclet moléculaire. Il est défini comme le rapport des temps mis par une molécule
de soluté pour parcourir une distance de référence par diffusion et par convection. Un nombre
de Péclet élevé correspond donc à un phénomène de diffusion lent. Le temps de parcours par
diffusion étant défini par t
diff= l
2/D
met celui par convection par t
conv= l/<U>, le nombre de
Péclet moléculaire s’écrit :
CHAPITRE III : DISPERSION D’UN TRACEUR mol mol
D
l
U
Pe =
(III.7)
La définition de la longueur caractéristique l varie selon les auteurs et les milieux étudiés
(Bruderer, 1999).
Fig. III.4 : Les 5 régimes de dispersion d’après Pfannkuch (1963).
Dans les milieux non consolidés, elle est souvent prise égale au diamètre moyen des grains ou
des pores, alors que dans les milieux consolidés, l est parfois prise égale à la racine carrée de
la perméabilité intrinsèque K (Sahimi, 1995).
Sa définition peut aussi dépendre de l’échelle d’observation. A l’échelle macroscopique, c’est
la longueur de corrélation de la perméabilité qui est parfois choisie. Certains auteurs utilisent
le nombre de Péclet à l’échelle locale, comme au niveau de la jonction entre plusieurs
fractures par exemple (Berkowitz et al., 1994). Moreno et Tsang (1994) utilisent eux un
nombre de Péclet macroscopique, lié à l’échelle d’observation, où ils remplacent l par
l’échelle d’observation et D
mpar le coefficient de dispersion D.
Cette diversité peut rendre difficiles les comparaisons entre études, d’autant plus que d’autres
définitions sont utilisées dans les simulations numériques (Bruderer, 1999).
La représentation du coefficient de dispersion hydrodynamique D normalisé par le coefficient
de diffusion moléculaire D
men fonction du nombre de Péclet Pe facilite les comparaisons
entre études.
Dans ce cadre, on peut définir cinq régimes pour la dispersion longitudinale, représentés en
figure III.5. Les limites entre les régimes ne sont pas définies précisément et peuvent varier
entre les auteurs (Pfannkuch, 1963 ; Sahimi, 1995).
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Fig. III.5 : Représentation schématique des différents régimes de dispersion (échelle logarithmique), d’après Pfannkuch (1963). Le paramètre m représente la pente de la courbe.
(I) Régime de diffusion moléculaire pure (m=0) : l’écoulement est trop lent pour
contribuer à l’écoulement du traceur et le milieu poreux entraîne une diminution de la
diffusion moléculaire. Le terme D/D
m, inférieur à l’unité, est lié à la tortuosité.
(II) Régime de transition : c’est la phase où les effets dynamiques commencent à se
manifester.
(III) Régime de dispersion hydrodynamique (m=1.2) : ce régime est caractérisé par une
prépondérance des effets hydrodynamiques. Cependant, la diffusion moléculaire est
toujours présente et explique une pente m de l’ordre de 1.2.
(IV) Régime de dispersion dynamique pure (m=1) : la diffusion moléculaire devient
négligeable. Le coefficient de dispersion est proportionnel à la vitesse :
U
D=α
(III.8)
(V) Régime de dispersion dynamique avec effets inertiels : c’est un régime où la vitesse
est assez élevée pour que les effets d’inertie ne soient pas négligeables devant les
effets de viscosité. Le régime d’écoulement est alors non Darcéen.
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Dans le document
Etude expérimentale et modélisation des écoulements diphasiques et de la dispersion dans des fractures rugueuses réelles
(Page 109-114)