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La disparition des exigences qualitatives et quantitatives pesant sur l’actif

Une réglementation prudentielle modernisée mais encore critiquée

B. Une évaluation des actifs et passifs en valeur de marché

1. La disparition des exigences qualitatives et quantitatives pesant sur l’actif

L’ancien volet financier de la réglementation prudentielle applicable aux entreprises d’assurance soumettait l’actif représentatif à des exigences qualitatives et quantitatives. En effet, les cotisations versées par les assurés ne pouvaient être librement investies par les assureurs en raison des règles de dispersion, de ventilation et de localisation. Ces règles trouvaient leur justification dans la comptabilisation des actifs et passifs en valeur comptable. La directive Solvabilité II met en place une toute autre approche posant l’obligation de « valoriser les actifs et passifs au montant pour lequel ils pourraient être échangés dans le cadre d’une transaction conclue dans des conditions de concurrence normale entre des parties informées et consentantes ». Cette disposition renvoie explicitement à la notion de juste valeur ou « fair value ». Il est donc logique que les règles de dispersion, de ventilation et de localisation aient disparu. Elles ont seulement été remplacées par le principe de la « personne prudente »67 qui oblige les assureurs à prendre des décisions d’investissement raisonnables et prudentes au regard de l’activité qui est la leur. Les risques connexes aux actifs et passifs seront couverts par les fonds propres.

La juste valeur est une méthode de valorisation des actifs et des passifs appliquée par les normes comptables internationales IFRS68. La mondialisation, ainsi que les scandales financiers des années 2000 (affaire Enron entre autres) ont entraîné la volonté en Europe d’harmoniser les règles comptables et de garantir la sincérité des comptes.

67 Article 132 prudent person principle

68 International Financial Reporting Standards ou IFRS sont des normes comptables, élaborées par le

Bureau des standards comptables internationaux (International Accounting Standards Board ou IASB en anglais) destinées aux entreprises cotées ou faisant appel à des investisseurs afin d’harmoniser la présentation et la clarté de leurs états financiers

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En matière d’assurance et depuis le 1er

janvier 2005, les sociétés d’assurance cotées ou faisant une offre au public ont l’obligation d’établir leurs comptes consolidés69 en conformité avec les normes comptables internationales, telles que décidées par l’IASB, en application du règlement 1601/2002/CE du Parlement européen. Les Etats membres sont toutefois restés libre de décider que les comptes annuels individuels des sociétés d’assurance présentes sur leur territoire soient en norme IFRS. Cette liberté n’a pas été saisie par la France qui a conservé les normes françaises de comptabilité.

Toutefois des projets européens sont en cours afin de généraliser ces normes à toutes les sociétés d’assurance, tout en les adaptant à la spécificité du secteur70

.

Par ailleurs, et suite à la crise financière, une refonte de la norme comptable IAS 39 relative à la comptabilisation et l’évaluation des instruments financiers est en discussion. Cette refonte intéresse les assureurs européens qui sont soumis aux normes IFRS. Selon la norme IAS 39, la juste valeur s’applique aux instruments financiers qui n’ont pas vocation à être conservés jusqu’à l’échéance par l’entreprise (les titres concernés sont les actifs disponibles à la vente (titres de participation et titres de placement sans vision stratégique) et les actifs et passifs détenus à des fins de transaction (produits dérivés, produits de couverture). S’agissant des autres éléments d’actif et passif, ils sont comptabilisés au coût amorti (variante du coût historique). La refonte de la norme IAS 39 entraîne une simplification de la classification des actifs et une méthode d’évaluation fondée, non plus, sur l’horizon de détention des instruments financiers mais sur le « business model » de la gestion de l’actif considéré. Si l’entreprise détient des actifs à des fins stratégiques ou à des fins de transaction, ceux-ci seront évalués à la juste valeur. A l’inverse, si l’entreprise détient des actifs dans le but d’avoir une rentabilité contractuelle, ils seront inscrits en comptabilité au coût amorti.

Ce projet a différentes phases. La première partie sous le nom d’IFRS 9 a été publiée le 12 novembre 2009 par l’IASB, elle concerne la classification et l’évaluation des actifs. Les deuxième et troisième phases en discussion sont relatives à la dépréciation et à la

69 La consolidation résulte de l'obligation légale faite à toute entreprise détenant le contrôle d'autres

entreprises ou exerçant sur elles une influence notable d'établir des comptes consolidés et un rapport sur la gestion du groupe. L'objet des comptes consolidés est de présenter la situation financière d'un groupe de sociétés comme si celles-ci ne formaient qu'une seule et même entité, définition donnée par vernimmen.

70 Projet IFRS 4 sur les contrats d’assurance, il généralise la juste valeur et l’adapte aux engagements

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couverture de ces actifs. La date effective pour l’entrée en application de cette mesure sera le premier janvier 2013.

Afin d’être cohérent avec cette réforme comptable, la directive Solvabilité II a donc pris en compte certains de ses aspects, tel que la juste valeur, pour définir le nouveau régime de solvabilité.

La directive s’attache à préciser la méthode de calcul en juste valeur du passif propre à l’activité d’assurance, c’est-à-dire des provisions techniques. La valeur des provisions techniques doit être égale à la somme de la meilleure estimation (« best estimate ») et d’une marge de risque (« risk margin »). La meilleure estimation est la valeur actuelle probable des flux de trésorerie futurs liés aux droits et obligations concernant les engagements. La marge de risque représente le coût additionnel nécessaire pour garantir que la valeur des provisions techniques soit égale à la somme que lèverait un assureur tiers qui reprendrait le portefeuille de contrats71. En d’autres termes, la valeur au bilan d’une provision technique doit correspondre à tous les avantages qui en sont attendus, diminués des frais engagés pour conserver le contrat d’assurance, le tout ajusté d’une marge correspondant à la valeur de reprise par un tiers de ce contrat.

S’agissant des actifs ou des passifs (autre que les provisions techniques), l’obligation est de les évaluer selon la juste valeur. Dès lors, les actifs et passifs seront évalués à la clôture de chaque bilan en valeur de marché (« mark to market ») si un marché existe, ou en ayant recours à un modèle mathématique (« mark to model ») en cas de défaut ou d’absurdité de la valeur de marché. Ce mark to model a l’inconvénient de n’être qu’une vision théorique d’un marché que certains vont jusqu’à qualifier de mythe. Pour Warren Buffet, il s’agit plutôt d’un « mark to myth »72

. Des mesures d’exécution de niveau 2 sont attendues afin de mettre en place cette évaluation des actifs et passifs en juste valeur. Il faut espérer une convergence entre ces mesures d’exécution et les normes comptables internationales IFRS.

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Situation de run-off définie comme l’arrêt de toute souscription d’affaires nouvelles sur un portefeuille, ce qui entraîne la liquidation progressive du stock de provisions techniques jusqu’à l’extinction complète de celle-ci

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Warren Buffet, Président de Berkshire Hattaway a souligné ce risque dans ses déclarations lors de l’assemblée générale de février 2003 de son groupe

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