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Le diagnostic de pannes dans un réseau de télécommunications de grande échelle est un problème complexe qui intéresse aussi bien les opérateurs de télécommunications que la communauté de l’intelligence artificielle. Ce problème a fait l’objet de nombreuses recherches dans le passé et différentes approches ont été proposées : (1) les systèmes ex- pertsPAU[1986], qui encodent des raisonnements spécialisés sur des tâches de diagnos-

tic précises hébergées dans des applications informatiques, (2) les approches à base de modèle JAKOBSON et WEISSMAN [1995] GARDNER et HARLE [1997] qui développent des

raisonnements sur une représentation explicite du réseau, (3) les algorithmes d’appren- tissage automatique tels que les réseaux de neurones artificielsGARDNERet HARLE[1997]

HERMANN [2002], le raisonnement à base de cas « case-based reasoning » LEWIS [1993]

qui infère les diagnostics en s’appuyant sur l’expérience automatiquement ou artificiel- lement acquise lors des diagnostics passés. Table2.1récapitule ces différentes méthodes de diagnostic.

Les systèmes experts à base de règles sont les premières méthodes de diagnostic uti- lisées dans l’industrie des télécommunications. Bien qu’efficaces pour la résolution des problèmes déjà rencontrés, les systèmes experts à base de règles sont peu flexibles, diffi- ciles et fastidieux à maintenir. C’est une approche déterministe appliquée pour décrire la propagation de pannes dans un réseau qui est pourtant un phénomène globalement non déterministe.

Quant aux méthodes de diagnostic essentiellement basées sur l’apprentissage artifi- ciel telles que les réseaux de neurones, les cartes auto-organisatrices, l’apprentissage sta- tistique ou la fouille de données, ce sont des "boîtes noires" généralement dites "aveugles" puisqu’elles ignorent les informations relatives à la topologie et au comportement du ré- seau. Le diagnostic avec ces méthodes d’apprentissage repose essentiellement sur une approximation ou une interpolation faite en analysant les données des précédents diag- nostics. Si nous faisons le rapprochement avec le domaine du diagnostic médical, de telles méthodes peuvent être assimilées à celles d’un "faux médecin" qui n’a pas de connais- sances sur l’anatomie du corps humain, mais qui peut quand même diagnostiquer des maladies en étudiant de nombreux cas de diagnostic fait par les médecins compétents.

Comme avec le diagnostic médical, le diagnostic précis et efficace de pannes dans un réseau requiert la prise en compte de sa topologie et de son fonctionnement durant les raisonnements. C’est justement le but des approches de diagnostic à base d’un modèle du réseau. Ces approches procèdent en deux étapes : (1) la topologie et le comportement du réseau ou propagation de pannes et d’alarmes sont modélisés, et le modèle laisse trans- paraître explicitement la capacité d’un composant (logiciel ou matériel) à influencer l’état d’un autre, (2) des algorithmes de raisonnement orientés évènements ou objets sont en- suite dérivés du modèle. Plusieurs contributions dans la littérature se basent sur cette approche. On peut citer notamment les techniques de diagnostic à base de modèle déve- loppées dansSTEINDERet SETHI [2002] STEINDERet SETHI [2004] et leur généralisation

aux algorithmes de théorie de graphes. Il s’agit par exemple de représenter au moyen d’un graphe de dépendances causales la chaîne des relations de causes à effets entre les pannes

TABLE2.1 – Tableau récapitulatif des différentes méthodes de diagnostic.

Méthodes Avantages Inconvénients

RBE règles spécialisées peu flexible

efficacité pour les problèmes connus maintenance difficile induction limitée

CBR cas spécialisés inefficacité temporelle

capacité d’induction façonné pour le domaine résolution de nouveaux problèmes

MLT capacité d’induction boîte noire

résolution de nouveaux problèmes inintelligibilité

MBA modélisation du réseau complexité de modélisation large portée de raisonnement

possibilité d’appendre

Légende de la Table2.1: RBE (Rule-Based Expert system), CBR (Case-Based Reasoning), MLT (Machine Learning Techniques), MBA (Model-Based Approach).

ou causes racines, les causes intermédiaires et les symptômes ou alarmes observées. De tels graphes sont appropriés aux algorithmes d’inférence ou de raisonnement tels que ceux développés dansJINGXIANet collab.[2010] JINGXIAN et collab.[2011]GROSCLAUDE

[2008]. D’autres méthodes vont plus loin en probabilisant le graphe de dépendances pour obtenir un réseau bayésien et apporter de la robustesse et du non déterminisme en ap- pliquant un raisonnement probabilistePEARL[1988]. Cependant, les approches de diag- nostic à base de modèle présentent deux difficultés principales : (1) obtenir le modèle explicite du réseau et, (2) adapter le modèle aux évolutions du réseau.

Les travaux menés dans le cadre de cette thèse apportent des contributions à ces pro- blèmes. Modéliser la topologie et le fonctionnement (propagation de pannes) d’un réseau requiert la représentation des connaissances relatives aux dépendances causales, à l’in- certitude (la propagation de pannes n’étant pas déterministe), à l’absence de certaines données, à l’imprécision ou l’ambiguïté de certaines données générées par les équipe- ments, et à l’évolution temporelle éventuellement. Il faut aussi garder à l’esprit que le modèle de représentation doit être suffisamment intelligible pour permettre aux opéra- teurs de comprendre les diagnostics qu’il produira. D’autre part, le modèle ne doit pas se restreindre à une image figée du réseau qui est par nature un système avec une architec- ture matérielle et logicielle assez évolutive.

Nous proposons une méthode générique qui facilite la modélisation de la topologie et du comportement (propagation de pannes) d’un réseau de télécommunications. C’est un modèle en trois couches, basé sur les réseaux bayésiens, qui intègre les propriétés de mo- dularité et d’extensibilité lui permettant de se reconfigurer et de s’adapter facilement aux éventuels changements sur la topologie et le comportement du réseau de télécommuni- cations. Le principe que nous utilisons est le suivant : modéliser le comportement d’un réseau revient à modéliser le comportement des équipements ou des composants qui le constituent. Le comportement de chaque composant est modélisé par deux graphes de dépendances acycliques (DAG) : un DAG qui modélise la propagation locale de pannes et d’alarmes sur ce composant, et un autre graphe qui modélise la propagation distri-

buée de pannes et d’alarmes entre ce composant et les composants voisins auxquels il est connecté. Les deux graphes sont interconnectés puisqu’ils se partagent certaines va- riables. Le modèle générique est construit en trois couches. La couche 1 contient l’en- semble des DAGs modélisant la propagation distribuée de pannes et d’alarmes. La couche 2 contient l’ensemble des DAGs modélisant la propagation locale de pannes et d’alarmes. Les couches 1 et 2 sont construites de telle sorte que leur combinaison donne un large DAG Gr qui modéliserait la propagation de pannes et d’alarmes dans le réseau entier. Mais la séparation entre la propagation locale et la propagation distribuée, permet de mo- déliser également la topologie du réseau, et surtout décompose ce large DAG en plusieurs sous-DAGs interconnectés, apportant ainsi des propriétés de modularité et d’extensibilité au modèle générique. La couche 3 quant à elle est une représentation en arbre de jonc- tion du DAG Gr sur laquelle ont peut appliquer un algorithme d’inférence sans se soucier de la complexité des topologies des DAGs des couches inférieures. Cette méthodologie favorise la modélisation incrémentale et modulaire d’un réseau de télécommunications, ce qui permet d’ajouter facilement de nouveaux composants dans le modèle ou de retirer un composant existant du modèle lorsque l’opérateur le souhaite.

Cette thèse développe et présente également une application concrète de cette mé- thodologie générique à la modélisation et au diagnostic automatique du réseau d’accès optique GPON (Gigabit Passive Optical Network) de type FTTH (Fiber To The Home).

Chapitre 3

Algorithmes d’inférence exacte sur un

réseau bayésien

« I consider the word probability as

meaning the state of mind with respect to an assertion, a coming event, or any other matter on which absolute knowledge does not exist. »

August De Morgan, 1838

Sommaire

3.1 Introduction . . . 45