Pour être accessibles au pollen, les soies (styles) de maïs émergent d’un orifice situé entre les gaines des spathes (bractées). A partir du diamètre d’ouverture de spathes et d’un coefficient de forme, de l’épaisseur moyenne de spathes et de la densité de soies (nombre de soies émergées par mm² d’ouverture de spathes), nous avons émis l’hypothèse qu’il serait possible de transformer, via une relation mathématique unique, une valeur de diamètre moyen d’ouverture de spathes mesuré à un instant t en un nombre de soies émergées à cet instant. La difficulté de modéliser les cinétiques des variables non accessibles directement, densités de soies et épaisseur de spathes, ne nous a pas permis d’établir une telle relation commune à toutes les plantes étudiées. Cette analyse a été conduite sur un seul génotype pour lequel le nombre de soies a été compté de façon exhaustive. Le comptage sur l’ensemble des génotypes pourrait permettre de progresser dans l’établissement d’une relation mathématique commune.
Sans connaitre ces variables, le diamètre d’ouverture de spathes est cependant bien corrélé au nombre de soies émergées au moment de la mesure au pied à coulisse sur les six premiers jours de floraison. Le coefficient de détermination observé entre ces caractères est alors de 0.77. On observe toutefois des variations importantes de diamètres d’ouverture de spathes pour un même nombre de soies, rendant compte d’une fiabilité contestable de ce paramètre pour caractériser l’émergence des soies au cours du temps et pour une plantes donnée. Si l’on regroupe les mesures au jour près selon le stade de floraison auxquelles elles ont été effectuées, cette corrélation s’améliore sensiblement sur les cinq premiers jours, à 0.97 tous génotypes confondus. Le nombre de répétitions et la connaissance parfaite du stade de floraison des plantes mesurées semblent être deux conditions nécessaires pour obtenir une bonne estimation de la cinétique du nombre moyen de soies émergées sur un groupe de plantes. Ces résultats découlent de mesures effectuées sur seulement sept plantes de l’expérimentation SD. De prochains résultats permettront de confirmer ou ajuster nos premières hypothèses.
Les caractères prédictifs du diamètre d’ouverture de spathes sur le nombre final de soies émergées et le nombre de grains produits sont similaires. Le nombre final de soies émergées et le nombre de grains produits sont corrélés positivement à 0.93. L’étude de l’un est transposable sur le second. La relation entre le diamètre d’ouverture de spathes et le nombre de grains produits devient réellement significative (coefficient de corrélation supérieure à 0.8) à partir du quatrième jour de floraison, et d’autant plus étroitement que le stade de floraison est avancé (coefficient de corrélation proche de 0.9 à la fin de la floraison). Cette relation englobe la variabilité génétique de notre matériel végétal, et pourrait donc être meilleure encore au sein d’un unique génotype. Au cinquième jour cette relation est en fait hétérogène, entre les plantes ayant une production inférieure ou supérieure à 100 grains. La relation est très étroite pour les plantes ayant une bonne production, et beaucoup plus lâche pour les plantes ayant une production inférieure à 100 grains. Cela sous-entendant une mauvaise prédiction du nombre de grains à partir du diamètre d’ouverture de spathes sur ces plantes. Une estimation moyenne et non individuelle du nombre de grains produits d’un groupe de plantes doit être envisagée si elles ont un faible rendement. La prédiction du nombre de grains produits sur des plantes ayant une bonne production, peut être obtenue avec une confiance correcte à partir du diamètre d’ouverture de spathes mesuré au jour cinq. Cette date clé correspond à la fois à une corrélation suffisante du diamètre d’ouverture de spathes avec le nombre de grains produits, et à un stade où les variations du diamètre d’ouverture de spathes sont minimes d’un jour à l’autre. L’application de cette relation dans un champ pourrait être envisagée, où il n’est pas possible de connaitre au jour près le stade de floraison de chaque plante. Un décalage de floraison existe d’une plante à l’autre, justifiant d’intervenir quand le diamètre d’ouverture de spathes varie peu. La régression reliant diamètre d’ouverture de spathes et le nombre de grains produits peut être différente au champ et varier d’un génotype à l’autre. Il serait intéressant de vérifier sa stabilité.
L’obtention de tels résultats dépend directement de l’effet expérimentateur. La comparaison des mesures au pied à coulisse du diamètre d’ouverture de spathes entre le notateur A et B donne des cinétiques de corrélation avec le nombre de grains produits sensiblement différentes. Un écart entre les coefficients de corrélation des notateurs A et B de 0.15 est observé aux cinquièmes jours de floraison (0.85 contre 0.7 pour le notateur B). Cet écart s’explique par une stratégie de mesure différente. L’application d’une pression exercée au pied à coulisse par le notateur A permet d’améliorer nettement la relation diamètre d’ouverture de spathes et nombre de grains produits, vraisemblablement en limitant le « vide »
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entre les spathes et les soies et entre les soies elles-mêmes. Une certaine habileté est alors requise, pouvant nécessiter un apprentissage délicat pour de mesure en mesure, appliquer une pression constante.
L’application nécessaire d’une pression modérée lors de la mesure au pied à coulisse du diamètre d’ouverture de spathes ne peut se faire par imagerie. La prédiction du nombre de grains produits en fonction du diamètre d’ouverture des spathes ne peut donc se faire de cette manière. L’intervention d’une main experte semble une solution intéressante. Cependant, l’utilisation de l’imagerie dans le but d’accéder par comptage sur photo, au nombre de soies émergées à un instant t reste possible. Un contrôle et réglage de l’éclairement associé à une bonne optique est primordial, et peut être délicat en extérieur.
L’utilisation d’un pied à coulisse ne permet pas un contrôle précis de la pression appliquée lors de la mesure du diamètre d’ouverture de spathes. Un bruit est occasionné, limitant la précision et finesse de nos résultats à l’échelle d’un individu. Un nombre de répétitions suffisant nous a permis d’atténuer cette gêne. Toutefois, un équilibre entre le nombre de mesures nécessaires à effectuer pour maximiser statistiquement la fiabilité de la méthode, et la masse de travail que cela occasionne doit être évalué. D’un point de vue technique, l’utilisation d’un pied à coulisse dynamométrique ou d’un palmer adapté à nos travaux, pourraient améliorer nos prédictions de nombre de grains produits et de dynamique d’émergence des soies, à partir du diamètre d’ouverture de spathes.
La méthodologie développée ici présente des caractéristiques qui en font, potentiellement, un bon outil de phénotypage, notamment au champ. La mesure de l’ouverture des spathes est un estimateur prédictif et non destructif de la réponse du nombre de grains produits et du nombre final de soies émergées des génotypes aux facteurs de l’environnement. La mesure est rapide (moins d’1 mn par plante), stable pendant une fenêtre de temps suffisante pour englober la variabilité inter plantes de date de floraison usuellement observées dans une parcelle de maïs. On peut donc envisager de la réaliser en un seul passage dans la parcelle quelques jours après le pic de floraison. Elle pourrait avoir une application directe et concrète en amélioration génétique du maïs. Dans l’immédiat, l’identification de QTL (Quautitative Trait Loci) impliqués dans le « maintien d’une production de grains en conditions hydriques limités autour de la floraison » pourrait en être une. Des travaux complémentaires devront être réalisés pour ajuster la méthodologie, et vérifier son domaine de validité.