Chapitre 5 : Résultats
1. Protocole expérimental
2.2 Discussion sur les modes de pilotage
L’objectif de cette étude était d’analyser de façon comparative les trois modes de
pilotage possibles de la production. Afin de mesurer l’impact des différentes modalités des
facteurs sur les performances, celles-ci ont été analysées par rapport à la valeur moyenne. La
meilleure performance est donc représentée par un pourcentage élevé. Un pourcentage
supérieur à 100 représentant une performance supérieure à la moyenne.
L’amélioration de la performance du système de pilotage, par rapport au niveau
d’en-cours et au temps d’écoulement, signifie une diminution de la valeur des indicateurs mesurés.
Ainsi, nous pouvons définir un taux de performance représentatif du maintien d’un taux
d’en-cours le plus bas possible, et un taux de performance du temps d’écoulement, calculés suivant
les formules suivantes :
moyenne
valeur
moyenne
valeur
ion
configurat
Valeur
Ecoulement
e
Performanc
moyenne
valeur
moyenne
valeur
ion
configurat
Valeur
cours
en
e
Performanc
_
_
_
_
_
_
_
_
−
−
=
−
−
=
−
L’amélioration de la performance sur les indicateurs de production et de productivité
se traduit en revanche par une augmentation de la valeur de l’indicateur, ce qui se traduit par
les calculs suivants :
moyenne
valeur
moyenne
valeur
ion
configurat
Valeur
oductivité
e
Performanc
moyenne
valeur
moyenne
valeur
ion
configurat
Valeur
oduction
e
Performanc
_
_
_
Pr
_
_
_
_
Pr
_
−
=
−
=
L’analyse graphique de l’impact du mode de pilotage sur les performances est
représentée sur le diagramme en radar de la Figure 86.
Impact du facteur "Mode de pilotage" sur les
performances
80% 85% 90% 95% 100% 105%Niveau d'en-cours moyen
Temps d'écoulement moyen
Production Productivité
Centralisé Kanban Kanban Actif
Figure 86. Diagramme en radar de l'impact du mode de pilotage sur les performances du système de production
Ce diagramme met en évidence la complémentarité des approches de pilotage par un
ordonnancement centralisé prédictif ou en kanban. Le premier est principalement axé sur la
production et la productivité, où il réalise de bonnes performances, alors que pour la maîtrise
du niveau d’en-cours et du temps d’écoulement il montre des capacités assez faibles. En effet,
les opérations sont ordonnancées en prenant en compte les différentes longueurs de gammes
et le nombre de composants à usiner pour chaque colis. Une représentation graphique permet
de visualiser a priori les ruptures de charge, et d’affiner l’ordonnancement pour assurer une
alimentation continue de la chaîne d’emballage pendant ses heures d’ouvertures.
L’ordonnancement à la semaine permet également de réaliser des regroupements de réglages
à la semaine permettant d’optimiser la productivité. Cependant cet outil ne permet pas
d’estimer a priori le niveau des en-cours et peut conduire à des engorgements, qui pénalisent
le temps d’écoulement moyen des produits.
A contrario, le pilotage par kanban permet une bonne maîtrise des facteurs logistiques
comme le temps d’écoulement ou le niveau d’en-cours moyen. Le niveau d’en-cours est
maîtrisé par le nombre d’étiquettes mises en circulation dans la boucle de production à
l’instant t. Cependant, la typologie du système kanban mise en place, plus proche d’un
système CONWIP que kanban, permet de maîtriser le niveau d’en-cours global, sans toutefois
permettre d’anticiper ses évolutions : un niveau d’en-cours constant ne permet pas
systématiquement de protéger la ressource d’emballage de toute rupture de charge, et la
gestion physique sur le terrain permet difficilement l’anticipation de ces difficultés. Ce
phénomène se traduit par une perte de production, liée aux arrêts de la ressource d’emballage
causés par des famines, ainsi qu’une perte de productivité : ces ruptures étant difficilement
prévisibles au delà de quelques heures, la capacité ne peut pas toujours être adaptée.
Ainsi donc nous postulons que le kanban actif permet de véhiculer de l’information et
d’apporter un support permettant d’améliorer la pertinence des décisions prises sur le terrain,
et par conséquent les performances du système global. Les expériences réalisées montrent un
résultat satisfaisant, les performances sur chacun des critères étant légèrement supérieures au
pilotage par kanban ou par un ordonnancement centralisé. La mise en œuvre des mécanismes
d’optimisation autorisée par les informations portées par le kanban permettent de maîtriser
l’en-cours et le temps d’écoulement de la même manière qu’en kanban, et même mieux : en
effet les pièces à gammes longues sont accélérées, ce qui conduit à réduire le temps d’attente
des autres composants des colis impactés et diminue donc à la fois le temps d’écoulement et
le niveau d’en-cours. L’en-cours disponible devant l’emballage (WIP3) est également pris en
compte afin d’assurer que les adaptations réalisées sur le terrain ne génèrent pas de ruptures :
toute décision d’optimisation locale prend en compte ce critère, ce qui permet d’assurer de
bonnes performances de production et de productivité. (Bousbia, 2006) a fait le lien entre les
performances du système de production dans un contexte perturbé et l’agilité de son système
de pilotage. Par conséquent, l’amélioration des performances logistiques et de productivité
apportée par le kanban actif et mesurée par le biais de ce plan d’expériences traduit une
amélioration de l’agilité du système de production qui était un élément essentiel de notre
problématique industrielle.
L’expérience de validation (Figure 85) fait apparaître un impact des facteurs influents,
contrôlables ou non, que sont la typologie du mix-produits, la présence d’urgences ou de
pannes. En ce sens, le kanban actif s’inscrit de façon cohérente dans une démarche Juste À
Temps, qui va tendre à mettre en place une politique de maintenance rigoureuse pour
minimiser les pannes et à assurer une politique de stock qui minimise les urgences en
production.
Par ailleurs, un traitement réactif et pertinent des aléas comme les pannes machines ou
la présence d’urgences, ainsi que la robustesse à des variations du mix-produits peut être
montrée par une analyse des écarts types sur les différents facteurs (Figure 87).
Niveau d'en-cours
Temps
d'écoulement Production Productivité
1 3,81% 4,24% 3,67% 5,22% 2 2,85% 3,05% 2,83% 5,96% 3 2,14% 2,38% 2,13% 3,12% Centralisé Kanban Kanban Actif
Analyse du facteur pilotage
Figure 87. Impact du facteur "Mode de pilotage" sur la variabilité des performances
Cette analyse des écarts montre que le kanban et le kanban actif permettent de
stabiliser les niveaux d’en-cours et temps d’écoulement, ainsi que la production, par rapport
au système centralisé plus sensible aux perturbations. Le système kanban ne permet, par
contre, pas de stabiliser la productivité de l’emballage. Les écarts relevés montrent une
robustesse du pilotage par kanban actif face aux variations des facteurs non contrôlables
supérieure aux deux autres modes de pilotage.
La réalisation de ce plan d’expériences a permis de mettre en avant l’intérêt des
mécanismes liés au kanban actif, tant par une amélioration des performances que par le fait
qu’elles soient relatives à l’écoulement des flux ou à la productivité, par une stabilisation et
une amélioration de la robustesse du système de production fac aux aléas non contrôlables.
Rappelons toutefois que ces résultats ont été obtenus avec un paramétrage donné du
système de pilotage par kanbans actifs, établi à partir des éléments recueillis auprès des
acteurs du terrain. Les informations portées par le kanban sont des informations techniques
(nomenclature, gamme d’usinage et alternatives possibles) et logistiques (date d’emballage
souhaitée). Les algorithmes d’optimisation locale sont de types itératifs. Par conséquent, si
ces résultats prouvent qu’il est possible d’améliorer les performances, et donc l’agilité du
système de production en mettant en œuvre un pilotage par kanbans actifs, les informations à
porter par le kanban actif et les algorithmes à mettre en œuvre peuvent encore être améliorés.
Synthèse :
Ce chapitre a présenté le protocole expérimental basé sur les plans d’expériences, qui a
permis de mesurer l’impact de différents facteurs sur les performances du système de
production. Les performances des différents systèmes de pilotage ont été discutées et les
apports du pilotage par kanbans actifs ont été illustrés.
Conclusion et perspectives
L’objectif initial de ce travail de thèse était d’étudier les opportunités apportées par les
technologies infotroniques dans le cas particulier du pilotage d’un système de production de
meubles en kits, pour la société Parisot Meubles. Les démarches d’amélioration du service
client et de réduction de la trésorerie ont conduit l’entreprise à déployer une organisation de
type Juste À Temps avec une gestion des flux physiques par Kanbans, en lieu et place de
l’ancienne gestion par un ordonnancement centralisé.
Cette vision des résultats de deux types d’approches différentes sur les performances
du système de production et l’analyse de la littérature nous ont permis d’identifier
l’hybridation du pilotage comme un facteur clé permettant d’améliorer l’agilité du système de
production. Notamment une phase de modélisation détaillée des deux modes de pilotage et
une analyse de leurs forces et faiblesses ont permis proposer une solution crédible permettant
de cumuler les intérêts tout en réduisant les faiblesses identifiées.
Notre proposition repose sur un système de décision centralisé élaborant la séquence
d’ordres à réaliser en accord avec la politique de satisfaction client et de stock de l’entreprise,
en prenant en compte une optimisation locale des performances de production à partir de
séquences FIFO générées par un système kanban. L’infotronisation de ces kanbans pour en
faire des « kanbans actifs » permet à la fois la synchronisation des flux physiques et
informationnels et la cohérence et la coordination de l’ensemble des décisions par rapport au
programme pré-établi.
La structure du système d’information support, les objets informationnels permettant
de maintenir une vision de l’état du système de production et du flux de produits en temps
réel, ainsi que des mécanismes permettant de respecter la séquence d’emballage prévue dans
les meilleures conditions de performance, ont été spécifiés.
La proposition répond aux problèmes industriels afférents à l’optimisation de la
gestion des flux de production :
• mesure : l’infotronisation des étiquettes kanban et le déploiement d’une structure
adaptée permet d’assurer la fiabilité qualitative et temporelle des informations
remontées;
• méthode : sans assurer l’optimalité, des mécanismes d’optimisation locale permettent
d’optimiser la productivité et les performances logistiques du système ;
• management : la distribution des capacités de décision à même le flux améliore la
réactivité du système et sa robustesse aux perturbations ;
• moyens : les décisions de pilotage sont prises localement en considérant à la fois les
objectifs locaux et l’impact sur la performance globale ;
• milieu : l’amélioration de la visibilité permet au système de traiter un nombre
supérieur d’ordres, plus complexes et en plus faible quantité, en maintenant un niveau
de performance satisfaisant ;
• maturité : l’architecture proposée a été éprouvée à l’aide d’une émulation du système
opérant. Le système d’information a été connecté au système de production réel et sa
consistance a été montrée. Toutefois l’architecture n’a, à l’heure actuelle, pas été
appliquée au système opérant réel.
Pilotage par kanbans actifs Management Les décisions de pilotage sont prises à même le flux Méthodes Des mécanismes permettent la prise en compte d’objectifs globaux Mesure L’architecture est validée par émulation du Système opérant réel
Moyens Milieu
La visibilité permet la gestion d’un mix produits plus complexe Maturité L’identification automatique assure justesse et synchronisation Des mécanismes permettent l’optimisation locale
Figure 88. Réponses du kanban actif aux problématiques industrielles