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LES MINÉRALISATIONS AURIFÈRES

III- DISCUSSION SUR l’ORIGINE DE LA MINÉRALISATION

Trois phases hydrothermales ont été distinguées (tableau 6): (i) une phase à paragenèses silico-tourmalinisées, sulfurées et séricitisées souvent diffuse ou stratiforme, constituée de qzI-tmI-sé±caI±ab-pyI±mgI, est localisée dans les sédiments du groupe inférieur, (ii) deux phases à paragenèses silico-carbonatées sulfurées, localement tourmalinisées et/ou séricitisées, constituées de qzII-caII-sé±tmII±ch±bi-pyII-mgII±chII-orII; et qtzIII±pyIII±orIII ou qzIII-pyIII-ép±bi±chIII-or, forment respectivement le stockwerk des veines V2 et V3.

3.1- La première paragenèse

La première paragenèse à minéralisation diffuse et/ou stratiforme serait associée à l’hydrothermalisme de la fin du volcanisme fissurale acide à intermédiaire d’affinité tholéïtique (Ledru et al., 1991). Ce volcanisme dont l’âge est estimé autour de 2100 Ma (Milési et al., 1989 ; Calvez et al., 1990 ; Abouchami, 1990) intervient en même temps que la sédimentation carbonatée dans un contexte de tectonique extensive post-D1 (Ledru et al., 1991), avant le volcanisme calco-alcalin de la Daléma (Bassot, 1987). L’hydrothermalisme lié à la fin de ce volcanisme serait associé à la tourmalinisation et à une première phase de minéralisation diffuse à stratiforme (figures 5.4a,e ; 5.11a,b,c) dans un environnement aquatique (Ledru et al., 1991). Les pipes de tourmaline liées à cette phase recoupent les grès conglomératiques tourmalinisés de l’unité inférieure et sont recoupés par les veines V2c

(figure 5.11c).

Plusieurs théories sont émises sur la genèse des minéralisations stratiformes contenant des pourcentages importants de tourmaline dans les environnements sédimentaires ou volcano-sédimentaires (Slack, 1982 ; Taylor et Slack, 1984). L’une des plus plausibles est celle de Slack (1982) qui évoque une activité hydrothermale sous-marine avec précipitation du bore dans ou près des orifices comme dans le cas des sulfures dans un dépôt sédimentaire exhalatif.

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Tableau 6 : Récapitulatif des différentes paragenèses et de leurs localisations dans les formations birimiennes de

Frandi-Boboti. ab: albite, am: amphibole, ar: arsénopyrite, au: or, bi: biotite, ca: calcite, ch: chalcopyrite, he: hématite, mg: magnétite, op: opaque, tm: tourmaline, py: pyrite, qz: quartz, sé: séricite. Les indices I, II, III sont, respectivement en rapport avec les paragenèses I, II, III.

Ens Pétrographie Description Paragenèses Veines (V)

métapélites sédiments fins stratifiés, localement tourmalinisé i) qzI-séI-caI-tmI-pyI-mgI (diffuse à stratiforme) ; V1 avec qz;

ii) qzII-caII-biII-pyII-mgII (V2) iii) qzIII±séIII±biIII±pyIII (V3)

V1 orientées N60° à N90° plissées et boudinées D2; V2 soit plissées D2 (V2a) ou en échelons (V2b), orientées N-S à N20°; V3 orientées N40°parfois microplissées dextre

grauwakes

grains moyens de quartz et feldspaths avec un ciment argilo-sériciteux

i) qzI-séI-caI-tmI-abI±pyI (diffuse)

ii) qzII±caII±tmII±chII-pyII-mgII (V2)

iii) qzIII±biIII±pyIII (V3)

V2 orientées N30° à N10° et V3 orientées N-S recoupant les V2

grés

tourmalinisés

grains de quartz moyens reliés par un ciment à tourmaline

i) qzI-séI-tmI-pyI (diffuse) ii) qzII-séII-tmII-arII-pyII-mgII -auII (V2b); qzII-pyII-mgII-auII (V2c)

iii) qzIII±pyIII±mgIII (V3)

V2 orientées N340° à N10° et Jc orientés N80° et N160°;

V3 orientées N40°et recoupant les V2 et Jc conglomérats tourmalinisés gros grains de quartz et fragments de tourmalinite reliés par un ciment à tourmaline i) qzI-tmI (diffuse) ii) qzII (V2b) iii) qzIII (V3) V2a orientées N300°-330° plissées D2; V2b en échelons orientés N-S ; V3 orientées N20° à N40°à cisaillement dextre quartzites cristaux de quartz avec un pauvre ciment silico-carbonaté

i) qzI-tmI-caI-abI (diffuse) ii) qzII-abII-pyII-mgII-auII (V2b) iii) qzIII-pyIII-heIII (V3)

V2b orientées N0°-20° V3 orientées N45°-90° M ét as éd im en ts carbonates grains de calcite et quelques quartz réunis par un ciment carbonaté

i) qzI-caI-pyI-chI (diffuse) ii) qzII-séII-caII-pyII-heII (V2)

V2 orientées N-S à N20°

brèches

feldspaths, quartz, carbonates, amphibole, biotite, opaques dans une matrice volcanique

i) qzI-opI-cbI-ab-bi (diffuse) ii) qzII-opII-cbII-ab-bi (V2a) et qzII-sé-opII-cbII-bi (V2b) iii) qzIII-cbIII ±sé±amIII±abIII (V3)

V2a orientées NW-SE; V2b orientés N-S à N20° ; V3 orientées N40°à E-W parfois plissées dextre

rhyodacites

Feldspaths, amphibole, biotite, opaques dans une matrice quartzo- feldspathique

i) qzI-séI-abI-amI-opI±cbI (diffuse)

ii) qzII-séII-chII (V2b)

Non observé dans cette lame

R o ch es v o lc an iq u es andésites feldspaths et minéraux ferromagnésien reliés par une mésostase peu abondante

i) abI-amI-chI-pyI (diffuse) ii) qzII-caII-abII-amII-chII-pyII (V2b)

iii) qzIII-caIII±chIII±amIII -pyIII ±épIII (V3)

V2 orientés N-S à N20° ;

V3 orientées N40°à E-W recoupant les V2 microdiorites albitisés (albites) microcristaux de plagioclase altéré, amphibole, épidote

i) qzI-caI-abI-biI -pyI-mgI (diffuse)

ii) qzII-séII-caII-biII-pyII-chII (V2)

iii) qzIII-séIII-abIII -amIII±pyIII±auIII (V3)

V3 orientées N40°à E-W R o ch es p lu to n iq u es Granodiorites quartz et feldspaths associés à quelques biotite, muscovite et amphibole

i) qzI-seI-caI-abI-afI-pyI

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Figure 5.11 : (a) Minéralisation stratiforme avec des opaques (Op) disposés suivant la stratification S0 dans les pélites, affectées par des failles normales (F) et légèrement plissées. (b) En lumière réfléchie, les opaques sont constitués essentiellement de pyrite (Py), pyrrhotite (Pt) et magnétite (Mg). (c) Pipe de tourmaline (TP) associée à la phase d’extension ante-D1 recoupant les conglomérats tourmalinisés (TC) de l’unité inférieure et postérieurement traversée par des veines de quartz V2c. (d) Charnière de pli P2b montrant un stockwerk constitué par un réseau de veines anastomosées de nature quartzo-carbonatée. (e) Pyrite altérée (Pa) contenant des inclusions d’or (observation au microscope à réflexion en lumière polarisée). Ca : calcite ; F : faille ; Fp : feldspath ; Ga : gangue ; Qz : quartz ; Se : séricite ; Tm : tourmaline.

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Il est aussi possible que le bore forme des complexes facilitant le transport des métaux d’intérêt économique. Pour Slack (1982), les séries de solutions solides de schorlo-dravite sont fréquentes dans plusieurs minéralisations sous-marines exhalatives et les dravites riches en Mg sont associées aux dépôts de sulfures massifs. Pour Plimer (1986), les fluides à bore et métal proviennent du lessivage d’une épaisse pile de sédiments argileux par les liquides de convection du refroidissement des volcans dans un fort gradient thermique régional. Le système de convection hydrothermal est associée à un gradient géothermique élevé durant sa phase la plus intense, il produit des gisements d’or et Pb-Zn associés à des formations ferrifères et à de la tourmalinite.

3.2- La seconde paragenèse

La seconde paragenèse constitue un stockwerk formé de veines silico-carbonatées et sulfurées, orientées essentiellement NNW à NNE. Ce stockwerk s’exprime par des fentes de tension et des veines (V2), bien représentées dans les sédiments du groupe inférieur (grès, pélites, quartzites), les roches volcaniques et hypovolcaniques, ainsi que les zones de cisaillement et les charnières de plis P2 (figures 5.5f, 5.11d). Les veines sont rectilignes, sigmoïdes, "en échelon" ou parfois plissées. Les sulfures associés à l’or sont essentiellement constitués de pyrite avec des traces de chalcopyrite, arsénopyrite et pyrrhotite. Ils sont associés à la magnétite et à de rares traces d’hématite. L’or est en fines particules (10 à 30 µm) inclus dans la pyrite ou libre dans les veines (figures 5.7a,c). La minéralisation aurifère est essentiellement rencontrée dans les grès tourmalinisés, pélites, quartzites, andésites et parfois dans les grauwackes et rhyodacites. Les grès grossiers à ciment pélitiques et les conglomérats tourmalinisés sont faiblement minéralisés avec une quasi-absence de stockwerks silico-carbonatés et de sulfures. Les carbonates sont également pauvres en sulfures, ils contiennent quelques grains disséminés de pyrite, chalcopyrite (figures 5.6a,b). Les granodiorites renferment quelques oxydes (magnétite et hématite) provenant de l’altération des minéraux ferromagnésiens. Une forte concentration de sulfures (pyrite, pyrrhotite essentiellement) et d’oxydes (magnétite) est cependant notée dans les veines V2b (à quartz, chlorite, carbonate), situées dans les métasédiments au contact de la granodiorite (figures 5.10d,e).

Cette seconde phase hydrothermale à stockwerk silico-carbonaté et sulfuré, est en relation avec l’événement tectono-magmatique D2. Ce stockwerk montre un dépôt de sulfures lorsqu’il recoupe les grès tourmalinisés (à grains fins) et les pélites à grains fins (figure 5.4e). Par contre, il devient pauvre voire sans sulfures lorsqu’il traverse les faciès poreux à grains grossiers tels que les conglomérats tourmalinisés et les niveaux turbiditiques à grains grossiers

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des pélites (figures 5.4a,e). Les veines V2 liées à ce stockwerk concentrent la minéralisation à l’endroit où elles recoupent les faciès à granulométrie fine comme les pélites, les grès tourmalinisés, etc. En effet, dans les niveaux à grains grossiers ou très poreux comme les conglomérats tourmalinisés ou les turbidites et les grès grossiers, la minéralisation ne se dépose pas. Elle diffuse et précipite latéralement sous forme de strates à l’interface entre le faciès grossier et le faciès fin (figures 5.4a,e), ce qui explique les faibles teneurs en or enregistrées dans les faciès grossiers (Ndong, 2007; Dia, 2009).

Cette distribution de la minéralisation peut s’expliquer par la diffusion latérale et la concentration stratiforme de la minéralisation à la limite entre faciès de granulométrie et de porosité différentes d’une part, et à sa concentration dans des veines (V2) lorsque celles-ci recoupent les faciès fins d’autre part. Ainsi, la minéralisation stratiforme peut en partie résulter des fluides hydrothermaux liés aux événements tardi-magmatiques D2, qui diffuseraient latéralement dans les endroits où les veines V2 traversent les lithologies poreuses à grains grossiers (figure 5.4e).

Le fait que la minéralisation aurifère intervienne dans les veines silico-carbonatées, en relation avec les zones de cisaillement autour des intrusions de granitoïdes, indique qu’une activité hydrothermale post-magmatique associée à la tectonique, aurait exercé un contrôle majeur dans le processus de cette seconde phase de minéralisation. En effet, la granodiorite syn-tectonique de Fandi-Boboti, mise en place autour de 2008 ± 16 Ma (Ndiaye et al., 1997), serait contemporaine de la phase transpressive (D2b) de l’événement D2 (Dabo et Aïfa., 2010). Elle recoupe les veines V2a associées au début du stade de déformation D2b et est recoupée et décalée en senestre par les failles orientées NW, en rapport avec la fin du stade D2b (figure 5.10f). Les conditions thermiques liées à la déformation éburnéenne D2 et à la mise en place des granites sont estimées à partir de 300°C jusqu’à plus de 700°C (cf. chapitre 4). Ces conditions thermiques sont plus importantes dans les zones de cisaillement que dans les blocs rocheux qu’ils encadrent et seraient donc favorables à la genèse de l’or dans ces formations (Gibert et al., 1998).

La plupart de nos observations (abondance de veines V2b souvent sulfurées et ± aurifère) supposent que la minéralisation principale proviendrait des sulfures liés à l’événement tecto-magmatique D2 et/ou probablement sa remobilisation durant l’événement tectono-magmatique post-birimien en relation avec la mise en place vers 1200 Ma des filons doléritiques (Bassot, 1986) le long de zones de faiblesse orientées N20°-30° (figure 5.12).

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Figure 5.12 : (a) Image du gradient du champ magnétique total de la partie sénégalaise de la BKK, montrant

l’essaim filonien doléritique recoupant postérieurement les formations birimiennes. Le rectangle en tiretés rouges représente le secteur d’étude. (b) détails de la zone NE montrant l’essaim filonien mis en place le long des failles N20°-30°. (c) Image d’un filon de dolérite (Dy) recoupant les sédiments carbonatés (Hr). 1 : limites de la BKK, 2 : failles majeures.

En effet, cette importante activité magmatique post-birimien a dû jouer un rôle essentiel dans la remobilisation des minéralisations aurifères dans les formations birimiennes de la boutonnière de Kédougou-Kéniéba.

3.3- La troisième paragenèse

La troisième paragenèse est essentiellement localisée dans les veines tardives orientées N45°-110°, montrant parfois un cisaillement dextre (figures 5.5d,e ; 5.6e ; 5.7d,f ; 5.8d). Dans les microdirites albitisées, quartzites et grès tourmalinisés, on trouve localement des veines de quartz souvent orientées N45°-80° avec des traces de sulfures (pyrite essentiellement) contenant de l’or (figures 5.7b ; 5.11e). Cette troisième paragenèse serait contrôlée par l’événement tectonomagmatique D3 qui marque la fin de l’orogenèse éburnéenne dans la région (figure 5.7b). Les venues rhyodacitiques seraient probablement associées à cette phase tectonique.

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