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6. REVUE SYSTÉMATISÉE DE LA LITTÉRATURE

6.4. Discussion

Cette revue systématisée de la littérature est seulement la deuxième portant sur l’AVC maternel associé à la grossesse, et la première à chercher à déterminer les facteurs épidémiologiques de cette pathologie. Elle est par conséquent une des études regroupant le nombre le plus important de patientes victimes d’AVC associé à la grossesse avec cette autre revue systématisée de littérature de 2017.

Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une pathologie rare avec une incidence globale de 26,8/100.000 grossesses, cette étude rassemblait 35.845 cas au travers de 37 études.

Cette pathologie touchait surtout des femmes d’une trentaine d’années, le plus

souvent en fin de grossesse ou en post-partum. La mortalité maternelle était élevée, dépassant les 10% dans cette étude contre moins de 5% à un an dans la population générale de moins de 45 ans. [4,91] Les issues fœtales étaient en revanche favorables dans la majorité des cas.

Contrairement aux AVC de la population générale, les AVC hémorragiques étaient plus nombreux que les ischémiques, suivant une répartition proche de celle observée dans les cohortes de patients de moins de 45 ans. [91] Les AVC hémorragiques étaient grevés d’un pronostic plus sombre. La TVC, rare dans la population générale, était par ailleurs ici très fréquente, à l’origine de près d’un quart des AVC.

L’existence de facteurs de risque cardiovasculaires était plus fréquente dans la population d’AVC ischémiques, avec une prépondérance du tabagisme et de l’HTA chronique. En revanche, les désordres hypertensifs associés à la grossesse étaient plus fréquents dans les AVC hémorragiques, touchant près d’un tiers de ces patientes.

La migraine et l’insuffisance rénale, parfois décrites comme facteur de risque d’AVC associé à la grossesse, étaient rares. De même, le diabète gestationnel était rare.

La symptomatologie différait aussi entre les AVC hémorragiques et ischémiques. Ainsi, alors que les symptômes étaient variés et souvent aspécifiques en dehors de l’aphasie pour l’AVC ischémique, la céphalée dominait fortement la symptomatologie des AVC hémorragiques. Les troubles de conscience et le déficit

hémicorporel étaient indifféremment associés aux deux groupes. Cette

symptomatologie globalement aspécifique des AVC maternels associés à la grossesse peut engendrer une confusion pour les praticiens, qui peuvent être inclinés à rapporter ces symptômes à une complication de la grossesse en premier lieu. Cela pourrait être responsable d’un défaut d’identification au premier contact médical et engendrer un retard au diagnostic, qui pourrait être responsable d’une perte de chance de survie pour les patientes enceintes ou en post-partum par rapport aux sujets d’âge similaire de la population générale victimes d’un AVC. (Annexe 3)

6.4.1. Comparaisons à la littérature

Une seule revue systématisée de la littérature concernant les AVC associés à la grossesse avait été réalisée à ce jour, par Swartz et al. [92] Elle comptait un effectif de 32.145 patientes. Son but était de déterminer le taux d’incidence de cette pathologie et l’avait fixée à 30,0/100.000 grossesses, soit légèrement plus élevée que dans cette étude. Cette différence pourrait s’expliquer par la période de recrutement des patientes. En effet, l’étude de Swartz et al. analysait des cas ayant eu lieu entre 1990 et 2008, tandis que cette étude portait sur la période 2006 – 2016 pour des raisons de

rendant plus sensible aux valeurs extrêmes. Enfin, les populations étudiées différaient, l’étude de Swartz comportant moins de cohortes asiatiques et plus d’américaines.

Les autres études épidémiologiques réalisées sur ce sujet reposaient sur des études de faibles effectifs.

Les moments de survenue des AVC de cette étude étaient similaires à ce qui avait été auparavant décrit, avec un taux croissant depuis le début de la grossesse jusqu’à 6 semaines en post-partum pour les AVC hémorragiques, un pic aux premier et troisième trimestres pour l’AVC ischémique artériel et une incidence beaucoup plus forte des TVC en post-partum qu’en pré-partum. De plus, la répartition entre AVC hémorragiques et ischémiques était corrélée à ce qui avait été antérieurement décrit dans la littérature. [5,26,93,94]

De même, la mortalité d’environ 10% correspondait aux données antérieures, y compris récentes. [5,59] Il est d’ailleurs intéressant de noter que malgré l’amélioration des moyens diagnostiques et thérapeutiques de ces dernières dizaines d’années, cette mortalité par AVC associés à la grossesse reste stable depuis les années 1970. [59]

6.4.2. Forces et limites de l’étude

Cette étude s’appuyait sur une méthodologie stricte et standardisée. Elle a permis le recrutement d’un nombre important de patientes permettant d’affiner la description épidémiologique de cette population. De plus, cette étude reposait uniquement sur des études publiées dans la dernière décennie, ce qui a permis une description contemporaine.

Cette étude comporte néanmoins des limites qu’il convient d’aborder.

Tout d’abord, elle repose sur un nombre important d’études qui ont des designs très différents car elles avaient des objectifs variés. Par conséquent, il existe une grande hétérogénéité des données, ne permettant souvent pas une synthèse. Ainsi, pour chaque critère, une partie des effectifs devait être écartée. Cela limitait la possibilité d’analyse statistique. De plus, sur les 35.845 cas rapportés, 31.673 provenaient d’une seule étude rétrospective dont les seules données analysables ici étaient celles portant sur la démographie.[67] Aucune information sur les antécédents et facteurs de risque, symptômes, étiologies et issues n’y était rapportée. Ces informations n’ont donc porté que sur un effectif global de 4.172 patientes. Cet effectif plus réduit a néanmoins permis d’obtenir une comparaison entre les AVC ischémiques et hémorragique mettant en évidence des différences sur de nombreux points avec une forte significativité statistique.

De plus, l’hétérogénéité des données n’a pas permis d’individualiser des facteurs de risque, la description de ceux-ci étant le plus souvent parcellaire, de même que les prises en charges thérapeutiques très peu souvent abordée en dehors d’études cliniques visant spécifiquement à évaluer une technique et n’abordant de ce fait qu’une proportion restreinte de la population.

Les issues des grossesses et les issues maternelles manquent aussi de données, n’étant exposés intégralement que dans un tiers des études.

Enfin, cette revue systématisée de littérature repose sur des articles de qualités inégales souffrant souvent de biais méthodologiques, ou dont le design induisait des biais dans la présente étude. Ainsi, les données ont été jugées incomplètes dans 13 études (biais d’attrition), les descriptions n’ont pas fait de distinction entre les différents

en fonction d’une pathologie sous-jacente ou d’une thérapeutique administrée dans 19 études (biais de recrutement). Au total, ce sont donc 25 études sur les 37 qui ont été jugées comme pouvant biaiser cette revue systématisée. (Annexe 2) Celle-ci souffre aussi d’un biais de publication, l’AVC maternel associé à la grossesse étant probablement sous-diagnostiqué et insuffisamment publié. Par ailleurs, les études utilisées ont été dans leur très grande majorité réalisées dans les pays industrialisés d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie, aucune ne provenant d’Afrique ou d’Amérique du Sud, très peu du Moyen-Orient.

6.4.3. Conclusion

Il s’agit de la première revue systématisée de la littérature visant à décrire l’épidémiologie des AVC maternels associés à la grossesse. Elle a permis d’affiner certains paramètres et de confirmer des données qui reposaient sur des cohortes de faibles effectifs.

Elle comporte néanmoins de multiples limites. D’autres études portant sur un nombre plus restreint d’articles sélectionnés de façon à étudier des paramètres plus spécifiques de l’épidémiologie de cette pathologie rare pourraient permettre d’affiner

encore ces résultats et d’en dégager des facteurs de risque afin d’améliorer la

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