• Aucun résultat trouvé

2.4.1 Profondeur optique attendue

Différents modèles de la Galaxie existent ; trois d’entre eux sont couramment utilisés lors des études d’effets de microlentille gravitationnelle dans la région centrale pour faire des com- paraisons avec les observations. Ces trois modèles qui décrivent le disque et le bulbe sont [Binney et al., 1997], [Freudenreich, 1998] et [Dwek et al., 1995]. Ils ont été élaborés principa- lement à partir des données collectées dans l’infrarouge par l’instrument DIRBE du satellite COBE. Les différences notables entre ces trois modèles sont les corrections faites pour tenir compte de la distribution des poussières interstellaires.

Evans et Belokurov ont fait une synthèse de ces trois modèles et ont comparé les valeurs des profondeurs optiques attendues pour chacun d’eux dans une région centrée autour du centre galactique [Evans and Belokurov, 2002]. Leurs principales caractéristiques sont résumées dans la suite.

Le modèle de [Binney et al., 1997] : la luminosité observée à la longueur d’onde ∼ 240 µm est dominée par l’émission thermique de la poussière. Cette luminosité est utilisée pour déduire la distribution spatiale de la poussière. Ceci donne une barre aplatie et courte dont le rapport des axes est {1 : 0, 3 : 0, 3} et un angle de vue de φ0 = 20o.

Dans le modèle de [Freudenreich, 1998], les zones du ciel contaminées par la poussière ont été masquées. Les masques excluent la plupart des données collectées ayant une latitude b telle que | b |≤ 5opour des longitudes comprises entre 90oet −90o. Ceci fournit un modèle de barre

étendue et “enflée” avec un rapport d’axes {1 : 0, 37 : 0, 27} et un angle de vue de φ0 = 14o. Le

disque a un trou central de rayon 3 kpc.

Le troisième modèle cité est celui de [Dwek et al., 1995] dans sa version E2. La barre a un rapport d’axes {1 : 0, 42 : 0, 28} et un angle de vue de φ0 = 24o. Elle est moins allongée et

moins massive que dans le modèle de Freudenreich, de plus le disque ne présente pas de trou au centre.

Pour faire la comparaison entre les trois modèles une normalisation permettant d’avoir la même masse totale de 1, 5×1010M

¯dans une zone de rayon 2,5 kpc autour du centre galactique

a été effectuée.

Pour ces trois modèles [Evans and Belokurov, 2002] ont établi une carte de la profondeur optique attendue au voisinage du centre galactique. Ces cartes sont représentées figure2.3. La profondeur optique indiquée est celle attendue en ne considérant comme étoiles sources que les étoiles géantes rouges. Les raisons de cette restriction sur les étoiles sources ont été évo- quées section1.3et section1.4. Les étoiles géantes rouges sont des étoiles âgées qui se situent préférentiellement dans le bulbe et elles sont brillantes ce qui permet, dans les observations, de s’affranchir de l’effet de confusion. Le fait de connaître la distance de ces étoiles facilite l’inter- prétation des résultats sur la profondeur optique. Sur les cartes de la figure2.3sont superposés les champs observés par les expériences de recherche d’effets de microlentille gravitationnelle EROS2 et OGLE.

Le tableau2.1indique la valeur de la profondeur optique prédite pour chacun des trois mo- dèles cités. Elle est donnée pour chacune des configurations source-lentille (selon que celles-ci se trouvent dans le bulbe ou dans le disque). La configuration qui nous intéresse particulière- ment est celle où les sources se situent dans le bulbe (géantes rouges) et les lentilles dans le disque ou le bulbe. Le résultat de l’analyse des données EROS2 décrit dans cette thèse sera à

FIG. 2.3 – Carte de profondeur optique (en unité de 10−6) pour les trois modèles de barre cités

dans le texte, excluant les bras spiraux (lignes pleines), incluant les bras spiraux (lignes en poin- tillés). Les étoiles sources considérées sont les étoiles géantes rouges. Les profondeurs optiques mesurées par [Alcock et al., 2000b] et [Popowski et al., 2001] sont indiquées dans les rectangles blancs. Les rec- tangles gris clair (foncé) correspondent aux champs observés par l’expérienceEROS2 (OGLEII) (d’après

[Evans and Belokurov, 2002]).

source barre barre barre barre+disque barre+disque disque

lentille barre disque barre+disque barre+disque disque disque

Binney et al 0,3 0,6 (0,9) 0,9 (1,2) 0,7 (0,8) 0,5 (0,6) 0,4 (0,5)

Freudenreich 1,0 0,9 (1,4) 2,0 (2,4) 1,3 (1,6) 0,7 (1,0) 0,4 (0,5)

Dwek et al 0,6 0,6 (0,9) 1,2 (1,5) 1,0 (1,1) 0,5 (0,7) 0,4 (0,6)

TAB. 2.1 – Profondeur optique dans la direction ℓ = 3◦, 9, b = −3◦, 8 (fenêtre de Baade) en unité de 10−6. La valeur de la profondeur optique mesurée dans ce travail de thèse sera à comparer avec

les valeurs de la troisième colonne. Les valeurs entre parenthèses incluent les bras spiraux (d’après [Evans and Belokurov, 2002]).

Plus récemment, Bissantz et Gerhard ([Bissantz and Gerhard, 2002]) ont élaboré un modèle de la Galaxie à partir des données de DIRBE mais aussi à partir des contraintes apportées par les observations de la distribution de luminosité apparente des étoiles géantes rouges de certains champs du centre galactique. Une des nouvelles caractéristiques de ce modèle est de rendre compte de la structure des bras spiraux. En comparaison avec le modèle de [Binney et al., 1997], les bras spiraux impliquent une barre plus allongée. La longueur de la barre est d’environ 3,5 kpc et le rapport des axes est de {1 :(0,3-0,4) :0,3}. L’orientation trouvée pour la barre donne dans le meilleur des cas 20o < φ

0 < 25o. Pour le disque la longueur d’échelle trouvée est

relativement courte : ∼ 2,5 kpc.

Pour ce modèle, Bissantz et Gerhard donnent une carte de profondeur optique attendue en ne considérant que les étoiles géantes rouges comme sources dans les effets de microlentille gravitationnelle. Cette carte est représentée figure2.4. Sur cette figure nous avons superposé les champs observés par EROS2 vers le centre galactique.

Bissantz et Gerhard fournissent aussi la profondeur optique prédite par leur modèle à la longitude ℓ = 3◦, 9en fonction de la latitude galactique (cf figure2.5).

8

6

0

8

6

4

2

0

−2

−4

−6

−8

2

4

−8

−6

−4

−2

galactic latitude b (deg)

galactic longitude l (deg)

3.8 0.27 0.38 0.52 0.73 5.3 10.0 10.0 5.3 3.8 2.0 2.0 2.7 2.7 0.27 1.0 0.38 0.52 0.73 1.0 1.4

FIG. 2.4 – Carte de profondeur optique pour le modèle de [Bissantz and Gerhard, 2002] incluant les bras

spiraux. Les étoiles sources considérées sont les géantes rouges. Les rectangles correspondent aux champs observés parEROS2 (d’après [Bissantz and Gerhard, 2002].

taine dépendance spatiale de la profondeur optique. La trop courte étendue des champs EROS2

en longitude ne pourra pas permettre de rendre compte de la barre par les effets de microlen- tille gravitationnelle observés. En revanche, si le nombre de candidats est significatif, on pourra mettre en évidence le gradient de profondeur optique en latitude galactique prédit par les mo- dèles.

FIG. 2.5 – Profondeur optique pour le modèle de [Bissantz and Gerhard, 2002] en fonction de la lati-

tude galactique. Les récents résultats observationnels de l’expérience MACHO sont indiqués (d’après [Bissantz and Gerhard, 2002].

L’expérience E

ROS

2 : instrument,

données et principaux résultats

Après une description de l’intrumentation de l’expérience EROS2, ce chapitre sera consacré

à une brève description des différents programmes d’observation et aux principaux résultats de l’expérience. Puis une description plus détaillée des observations et des résultats des études par “microlentille gravitationnelle” vers le centre galactique constituera la troisième partie de ce chapitre.

3.1 Contexte

Au millieu des années 1980 est née l’idée de rechercher de la matière noire baryonique [Paczy ´nski, 1986] dans le halo galactique sous forme d’objets massifs compacts sombres, les machos (macho pour massive astrophysical compact halo object). En effet, les observations des courbes de rotation des galaxies spirales indiquent que près de 90% de leur masse serait répartie dans un halo sombre les entourant. Ce halo sombre pourrait être constitué de matière noire baryonique sous forme de machos. On chercherait alors à détecter, par une surveillance d’une large portion du ciel riche en étoiles, pendant une longue durée, les effets de microlentille gravitationnelle causés par le passage des machos au voisinage de la ligne de visée des étoiles suivies.

Le début des années 1990 a vu la mise en place de plusieurs expériences de recherche de microlentilles gravitationnelles, EROS, MACHOexpérience américano-australienne et OGLEex- périence américano-polonaise. La première d’entre elles, EROS, (Expérience de Recherche d’Objets

Sombres), collaboration française réunissant le CEA, l’IN2P3 et l’INSU (1990-1995), assurait une recherche d’événements vers les Nuages de Magellan, les deux galaxies les plus proches de la nôtre. La recherche se composait de deux axes différents :

• une recherche d’événements de courte durée, comprise entre 1 heure (déflecteur typique de 10−7M

¯) et 10 jours (10−3M¯), a été menée avec un télescope de 40 cm (T40) équipé

d’une caméra CCD (16 CCD de 579 × 400 couvrant au total 0, 4 × 1, 1 deg2) et installé à

La Silla au Chili (observatoire de l’ESO1). Environ 300000 étoiles ont été suivies : aucune

ne présente une courbe de lumière compatible avec un effet de microlentille gravitation- nelle, ce qui permet d’établir des contraintes sévères sur la fraction du halo constituée d’objets dans la gamme [10−7; 10−3]M

¯.

• une recherche d’événements longs (de quelques semaines à plusieurs mois) sur plaques

photographiques. Les clichés ont été pris de 1990 à 1994 au télescope Schmidt de 1 m de l’ESO, au rythme d’un cliché par nuit ; numérisés avec le dispositif MAMA2 à l’Ob-

servatoire de Paris, leur traitement a permis de construire les courbes de lumière d’en- viron 8 millions d’étoiles. Sur 3,3 millions d’étoiles analysées, deux événements com- patibles avec un signal de microlentille gravitationnelle ont pu être mis en évidence [Aubourg, 1992,Aubourg et al., 1993,Beaulieu et al., 1995,Ansari et al., 1996]. Le second candidat a de nouveau varié significativement en 1999, ce qui exclut qu’il s’agisse d’un effet de microlentille.

Les résultats relatifs aux objets de faible masse étaient en accord avec ceux de la collabo- ration MACHO. Cependant, concernant les objets de masse supérieure à 10−2M¯, les deux ex-

périences ne s’accordaient pas sur l’interprétation des observations (cf la section3.3.1). Ceci a conduit la collaboration EROS à lancer la deuxième phase de l’expérience baptisée EROSII. Une

instrumentation beaucoup plus performante a été mise en œuvre pour pouvoir surveiller des zones du ciel plus grandes et ainsi suivre beaucoup plus d’étoiles. La durée de cette seconde phase, prévue pour être de 6 ans, permet d’augmenter la statistique mais aussi de pouvoir tes- ter la présence d’objets plus massifs, puisque le temps d’Einstein tEvarie comme√M, avec M

la masse du déflecteur (voir équation1.19).

Comme les Nuages de Magellan ne sont observables qu’une partie de l’année et qu’EROS2

disposait d’un télescope dédié, le reste du temps a été consacré à divers autres programmes d’observation. Le plus important d’entre eux, toujours dans le thème des microlentilles a été la recherche de microlentilles gravitationnelles dans le plan galactique (i.e. bras spiraux et centre galactique). Dans ces champs très denses, les étoiles les moins massives de faible luminosité ne sont pas observables directement. Suite à ces considérations, on peut, d’une part s’attendre à détecter un nombre significatif de microlentilles et ainsi vérifier en situation réelle la détection de tels événements. D’autre part, l’effet de microlentille est un moyen de mesurer directement la densité de masse vers le centre galactique. Cette étude est réalisée en comparant les nombres et les durées des événements détectés avec les valeurs prédites par des modèles de la répar- tition des étoiles dans le disque et le bulbe galactique. La carte du taux de microlentilles en fonction de la position, issue d’un suivi à grande échelle et sur plusieurs années, peut apporter une contrainte sur la structure galactique.