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5. Discussion

5.2. Discussion des résultats

5.2.1 Réorganisation territoriale de l’offre de soins et conséquences

Dans notre étude, presque toute la population a été confrontée à une urgence gynéco-obstétricale durant sa carrière. Les SP de notre étude reflètent bien la réalité concernant ce point, puisque ce nombre d’interventions est en augmentation.

De plus, les SP de la Chapelle-la-Reine, situés plus loin de la maternité que les 2 autres CIS interrogés, nous ont bien fait part de leur inquiétude concernant cette distance entre la zone couverte par leur CIS et la maternité, avec un temps de parcours conséquent. Cela augmente leur niveau de stress. Il est donc nécessaire de veiller à ce temps de parcours pour se rendre sur une maternité, afin de maintenir un niveau de sécurité satisfaisant.

Ce facteur de stress s’ajoute à celui ressenti globalement lors de la PEC d’une femme enceinte pour de nombreux SP. Cependant, des compétences semblent avoir été développées spécifiquement par ces SP pour composer avec ce facteur de stress supplémentaire ; cela décrit bien la notion développée en 2.5 de l’introduction à l’étude, qui montre que les compétences sont en perpétuel remodelage.

5.2.2 Moyens humains, matériels : organisation des SP

Tous les SP interrogés avaient à leur disposition les moyens décrits en 2.2 de l’introduction à l’étude. Les SP de la Chapelle-la-Reine avaient la particularité d’avoir un VLSM au sein de leur CIS, pour un appui médical lorsqu’il est nécessaire. Cela permet donc de pallier à cette distance par rapport au SAMU le plus proche, comme nous l’avions vu précédemment. Cette organisation permet aux SP d’avoir des protocoles précis, venant renforcer leurs ressources internes, apportant ainsi de l’assurance.

La présence de kits avec le matériel nécessaire pour un accouchement permet aux SP d’aborder ces interventions avec plus d’aisance, et représente un appui important. Il est donc nécessaire de les mettre à jour en fonction des connaissances et des évolutions.

5.2.3 Gestion de l’intervention

Les SP nous ont décrit leur façon d’intervenir, de la réception de l’appel à leur retour au CIS.

Nous avons vu que la réception de l’information conditionnait le ressenti du SP, et qu’elle pouvait être pourvoyeuse de stress. Nous avons comparé ce niveau de stress à la réception de l’information à celui évoqué durant l’intervention afin de connaitre l’existence ou non d’une corrélation entre ces deux instants. Ainsi, sur les 12 SP interrogés, 7 d’entre eux avaient un sentiment comparable entre la réception de l’information et la gestion de l’intervention sur le terrain. Les opérateurs du CTA-CODIS sont donc des personnes clés dans l’intervention, qui vont avoir un impact très important sur le vécu des interventions. Nous verrons qu’il est primordial de former ce personnel sur ce sujet.

Ensuite, certains SP nous ont décrit du stress et de l’appréhension lors des interventions auprès des femmes enceintes. Ce stress n’était pas toujours synonyme de difficultés, et pouvait, au contraire, les aider à mobiliser leurs compétences et notamment le savoir-agir, comme le décrit G. Le Boterf. Selon lui, « plus il se situe dans le cas d’une organisation du travail faisant appel à la polyvalence, à la prise d’initiative, à la prise de risques, et où la prescription est « ouverte », plus la compétence requise pourra être définie en termes de « savoir-agir en situation ». (…) On attend de lui qu’il soit capable d’agir de façon efficace dans des situations où il ne dispose pas de toutes les informations nécessaires », ce qui est le cœur du métier de SP.

L’adaptabilité du SP est donc un élément permettant d’agir avec compétence, malgré les différentes émotions ressenties à ces instants. Elle permet donc de passer outre certains sentiments, bien qu’il faille les prendre en compte, notamment à postériori.

Après les interventions, les débriefings représentaient la majeure partie du traitement de ces émotions. Ces débriefings permettent aussi aux SP de décrire la façon dont ils ont agi, comment ils s’y sont pris, et ainsi d’apporter de l’auto-critique conduisant à l’adaptation et à l’évolution de ses façons d’exercer.

Nous discuterons en 5.3 de l’apport des retours d’expérience pour compléter ces débriefings.

5.2.4 Formation obstétricale des SP

Comme nous l’avions vu dans l’introduction à l’étude, les SP reçoivent une formation théorique et pratique. Tous les SP interrogés, quelle que soit leur année de formation, avaient reçu ce type de formation concernant la femme enceinte.

Cependant, beaucoup d’entre eux ont évoqué leur volonté de voir cette formation évoluer dans un objectif d’amélioration de leur ressenti et de leurs connaissances.

Cette formation porte principalement sur l’accouchement inopiné et sur la réanimation cardio-pulmonaire du nouveau-né, ce qui explique pourquoi les SP parlent plus de ce sujet que les autres thèmes abordés (FCS, RSPDE…). Nous verrons cela avec plus de précision dans le paragraphe suivant.

5.2.5 Situations gynéco-obstétricales rencontrées

Les SP avaient pour la plupart rencontrés les situations évoquées : fausse couche spontanée / grossesse extra- utérine, accouchement inopiné, métrorragies et rupture de la poche des eaux sans contractions utérines.

Cependant, leurs propos étaient beaucoup plus précis sur la prise en charge des accouchements auxquels ils avaient été confrontés que sur les autres types d’urgences. Nous pouvons relier cela au fait que la formation obstétricale des SP porte principalement sur l’accouchement inopiné et la prise en charge du nouveau-né en cas de besoin de réanimation. Ainsi, leurs connaissances sur cette situation sont plus vastes que sur la rupture de la poche des eaux sans contractions ou sur la FCS.

De plus, l’accouchement représente une intervention plus marquante pour eux, avec des émotions plus fortes, et par conséquent un sentiment de stress plus important. Pour rappel, les éléments qui rendaient les SP plus en difficulté en termes d’émotions étaient particulièrement le manque d’expérience sur un type d’intervention, le manque de formation sur un thème, le fait d’avoir plusieurs vies à gérer en même temps et la projection sur la vie personnelle. Ces notions ont été particulièrement soulignées lorsque l’accouchement inopiné était évoqué. En tant que sage-femme, nous pouvons agir au niveau de la formation et de l’expérience. C’est ce que nous développerons dans nos propositions.

L’évaluation du ressenti des SP a toute sa place, car les émotions ne doivent pas prendre une place trop conséquente lors des interventions et à postériori, afin de laisser le SP mobiliser toujours toutes ses compétences pour agir.