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Grâce à cette première étude, nous avons pu conclure que l’âge au début du traitement n’influençait pas le risque de développer une MCJ iatrogène. Dans l’étude de Swerdlow et al, les patients britanniques ayant reçu un traitement à des âges compris entre 8 et 10 ans

0.80 0.85 0.90 0.95 1.00 Su rvi va l p ro b a b ili ty 0 10 20 30 40 50 60 70 80

Incubation period (years)

106 présentaient un risque accru de développer une MCJ (Swerdlow, Higgins et al. 2003). Dans la cohorte française, ce résultat n’a pas été retrouvé. Un âge de traitement compris entre 8 et 10 ans ne semble pas influencer la susceptibilité de développer une MCJ (Cox model HR, 1.21; CI [0.78-1.87] p=0.39).

En revanche, nous avons observé une proportion d’hommes deux fois plus importante parmi les cas de MCJ (Cox model HR, 1.84; CI [1.15-2.94] p=0.01). Cet effet n’est pas expliqué par une différence d’exposition entre hommes et femmes puisque le nombre total de doses reçues dans ces deux groupes n’était pas statistiquement différent (Mann-Whitney test =-0.05, p=0.96). Cette proportion homme/femme non expliquée par une différence d’exposition contraste avec les résultats observés chez les patients atteints de Kuru ou de vMCJ. Dans le cas du Kuru, la susceptibilité féminine était due à des niveaux d’exposition plus élevés à l’agent infectieux. Pour rappel, lors des rites mortuaires cannibales des Foré, les femmes s’occupaient de la préparation des repas et consommaient plutôt les abats et notamment le cerveau s’exposant ainsi à des doses infectantes plus importantes que les hommes qui ne consommaient que les muscles. Pour les cas de vMCJ britanniques, aucune différence significative n’a été retrouvée sur la susceptibilité à développer la maladie entre les hommes et les femmes. Néanmoins, l’âge en début de maladie était plus précoce de 2 ans chez les femmes ce qui pourrait être lié à un régime alimentaire distinct entre les hommes et les femmes. Une autre explication possible pourrait être un âge d’entrée dans la puberté plus précoce chez les femmes. Cette dernière explication pourrait suggérer un rôle des facteurs hormonaux dans la physiopathologie des formes infectieuses de maladies à prions notamment après une inoculation en périphérie (Outram 1976, Kimberlin and Walker 1977, Loeuillet, Boelle et al. 2010). A notre connaissance, la susceptibilité à la MCJ selon le sexe n’a pas été rapportée dans les études expérimentales. Quelques publications rapportent une influence du sexe sur la période d’incubation lors des expériences de transmission de l’agent de la tremblante (souche ME-7) aux souris (C57/Bl6N). Nous avons également émis l’hypothèse que l’effet observé du sexe sur la susceptibilité de développer la MCJ pourrait être biaisé par une répartition différente des maladies ayant conduit au traitement par hGH selon le sexe. En effet les maladies causales sont diverses et peuvent, pour certaines d’entre elles comme les tumeurs cérébrales, altérer la barrière hémato-encéphalique (BHE) pouvant rendre les sujets plus susceptibles au développement de la MCJ, dans le cas d’une exposition périphérique et notamment en cas d’injections systémiques. Cependant, la distribution des maladies causales entrainant une altération de la BHE est identique entre les hommes/et les femmes.

107 Concernant les lots, 4 catégories de risque ont pu être définies. La catégorie 1 (catégorie où le risque associé à la susceptibilité est le plus élevé) est constituée de 7 lots parmi lesquels deux avaient été précédemment identifiés en tant que lots à risque par un modèle de régression logistique appliquée aux 51 premiers patients uniquement (Huillard d'Aignaux, Alperovitch et al. 1998). Ces deux lots correspondent aux lots pour lesquels les risques calculés étaient les plus élevés dans notre étude. L’ensemble des 7 lots de la catégorie 1 permet d’expliquer 104 des 119 patients. En ajoutant à ces 7 lots, les 5 lots constituant la catégorie de risque 2, nous pouvons expliquer 118 des 119 cas. Ces 12 lots pourraient donc former la combinaison minimale de lots potentiellement contaminés. Néanmoins, puisque tous les cas observés ne sont pas expliqués par cette combinaison de lots, il n’est pas exclu qu’un lot appartenant à la catégorie 3 puissent être contaminé. Les 12 lots ont été produits au cours de différentes années, nous pouvons donc supposer qu’il existe plusieurs contaminations. Parmi les 1324 patients n’ayant pas développé de MCJ après 30 ans d’exposition, 400 n’ont pas reçu de lots des catégories 1 et 2 et 273 n’ont reçu que des lots de la catégorie 4. Le risque de développer une MCJ iatrogène pour ces deux groupes de patients peut donc être considéré comme négligeable.

En ce qui concerne les doses de traitement distribuées, les cas de MCJ ont reçu un nombre plus important de doses (1610 UI versus 1109 pour les patients n’ayant pas développé de MCJ) et, en proportion, leurs traitements été majoritairement composés de lots appartenant aux catégories 1, 2 et 3. De plus, si l’on ne tient compte que de la catégorie 1, la dose moyenne reçue par les patients ayant développé une MCJ était de 273 UI (correspondant à 18% de leur traitement). Cette dose est significativement différente de celle reçue par les patients n’ayant pas développé une MCJ (94 UI correspondant à 9% de leur traitement). Une exposition à 94 UI provenant de la catégorie 1 n’est pas négligeable compte-tenu du risque associé à cette catégorie. Notons qu’1% du traitement total moyen représente une semaine de traitement pour un enfant de 8 ans traité à la dose de 0,5UI/semaine/kg. Les patients n’ayant pas développé de MCJ ont donc été exposés à une quantité substantielle de doses issues de la catégorie 1. Ceci ajouté au fait qu’1% supplémentaire de traitement de la catégorie 1 augmente le risque de développer la maladie de 66% suggère à la fois un effet cumulatif des doses de prions et l’existence d’un seuil d’exposition pour la survenue de la maladie. L’effet cumulatif des doses de prions a été précédemment montré chez la souris par des injections répétées, par voie intra péritonéale, de doses sub-infectieuses mimant le protocole de traitement suivi par les patients traités par hGH. Ainsi des injections répétées transmettaient plus efficacement la maladie que l’injection en une seule fois de la même dose infectieuse et

108 ceci même si cette dernière dose n’était pas infectante en une seule injection. Les résultats de notre étude apportent les premiers arguments en faveur d’un effet dose dans la transmission interhumaine de la MCJ, où le fractionnement de la dose d’exposition aurait pu contribuer à faciliter la transmission.

Un des facteurs de susceptibilité des formes sporadiques et variante de la MCJ est le polymorphisme au codon 129 (Palmer, Dryden et al. 1991, Laplanche, Delasnerie-Laupretre et al. 1994, Brandel, Heath et al. 2009), où les cas homozygotes sont prépondérants en comparaison avec la population générale. En comparant la répartition au codon 129 entre notre population de sujets atteints de MCJ et la population générale française, nous avons également observé une proportion plus élevée d’homozygotes parmi les cas de MCJ iatrogène (χ2test=12.1, p=0.0005). Ne disposant pas du statut génétique des patients traités et n’ayant pas développé de MCJ iatrogène, il n’a pas été possible de déterminer formellement si le polymorphisme au codon 129 pouvait être un facteur de risque de développer une MCJ iatrogène.

L’ensemble de ces analyses a donc permis de montrer pour la première fois, chez l’homme, une relation entre les doses d’inoculum et l’apparition de la maladie et, suggère, de manière inattendue, une influence du sexe sur la susceptibilité.