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Cette étude combinée mathématique et biologique a, tout d’abord, permis la démonstration expérimentale d’une organisation circadienne dans les cel- lules Caco-2, ayant pour conséquence un rythme de la pharmacodynamie du CPT11. Un modèle mathématique de la PK-PD moléculaire du CPT11 a été construit et calibré aux données expérimentales des cellules Caco-2. Il a été utilisé dans une procédure théorique d’optimisation thérapeutique qui nous a permis de conclure, que l’administration optimale de toute dose de CPT11 consiste en une exposition de 3h40 à 7h10, débutant 1h30 à 1h50 avant le creux du rythme de bioactivation du CPT11 par les CESs.

Du SN38 a été détecté dans les cellules Caco-2, ce qui est en accord avec le fait que la CES2 était exprimée. Son efflux n’a pas été influencé par l’ex- position au verapamil, suggérant une faible activité de cet inhibiteur sur les transporteurs du SN38. ABCG2, qui joue un rôle majeur dans la sortie active du SN38, est en effet faiblement inhibé par le verapamil ([73]). Une autre possibilité serait que l’efflux du métabolite actif n’implique pas de transpor- teurs actifs et se fasse de façon passive par diffusion à travers la membrane cellulaire. Cela est envisageable dans la mesure où les molécules de SN38 sont fortement lipophiles.

Le CPT11 est converti par les cytochromes P450 3A4/3A5 en APC et NPC ([20]). Ces voies moléculaires n’ont pas été prises en compte dans cette étude puisqu’elles sont décrites comme inactives dans la plupart des lignées Caco-2 ([68]). Néanmoins, le verapamil inhibe les cytochromes P450 ([74]) et la forte augmentation de la concentration intracellulaire de CPT11 en présence de l’inhibiteur pourrait aussi être expliquée par la diminution de la métabolisation du CPT11 en APC et NPC. La mesure de l’activité des cytochromes de notre lignée Caco-2 est en cours dans notre laboratoire.

Le modèle mathématique prédit que les rythmes circadiens de la bioacti- vation du CPT11 déterminent principalement la rythmicité de sa PD. Même si l’amplitude des rythmes d’ARN messagers de la CES2 était faible dans les cellules Caco-2, sa quantité de protéines et son activité pourraient pré- senter de fortes variations circadiennes. En effet, les niveaux de protéines de la CES1 dans le colon de deux lignées de souris présentent des rythmes cir- cadiens marqués, malgré une quantité d’ARN constante ([75]). Cependant, nous avons supposé dans notre modélisation un décalage de 1h30 entre l’ex- pression des ARN et celle des protéines, durée qui pourrait s’avérer plus longue ([76]). Les activités des UGT1As ou des transporteurs ABC pour- raient alors jouer un rôle majeur dans la rythmicité de la PD du CPT11, si le rythme de leurs ARN était décaler de plus de dix heures de celui de leur

expression protéique. Ce cas de figure n’a pas été privilégié dans notre étude car les rythmes des ARN et des protéines de la TOP1 sont décalés d’au plus 4 h chez la souris ([42]).

L’étude expérimentale des rythmes circadiens d’activité de bioactivation du CPT11, de désactivation du SN38 et du transport du CPT11 et du SN38 est donc en cours dans notre laboratoire. Le modèle mathématique, une fois ajusté à ces données expérimentales déterminantes, fournira des schémas d’exposition théoriquement optimaux possiblement plus proches de la réalité expérimentale. La prochaine étape sera leur validation sur cellules Caco-2.

Perspectives in vitro

Notre modèle mathématique de la PK-PD du CPT11 évalue la cytotoxicité du médicament par la quantité de complexes irréversibles ADN/TOP1/SN38. Ces complexes déclenchent des mécanismes de réparation à l’ADN ([77]). De nombreuses enzymes impliquées dans la réparation présentent des rythmes circadiens ([78]). De plus, les dommages à l’ADN induits par le CPT11 peuvent déclencher la machinerie apoptotique dont certaines protéines, telles que p53, l’enzyme pro-apoptotique BAX, ou celle anti-apoptotique BCL2, ont des variations circadiennes ([79, 80, 75]). Les voies de réparation de l’ADN activées par le CPT11 et les protéines impliquées dans l’apoptose peuvent être étudiées expérimentalement dans les cellules Caco-2 et être in- cluses dans une version étendue du modèle mathématique.

Dans cette étude, nous avons différencié les cellules cancéreuses des cel- lules saines par leur faible entraînement circadien. Cependant, le fort taux de prolifération des cellules cancéreuses constitue une autre différence im- portante que nous n’avons pas considérée puisque nous étudions des cellules quiescentes. Le modèle mathématique de la PK-PD du CPT11 a été couplé à un modèle de cycle cellulaire entrainé par l’horloge circadienne, afin de pouvoir simuler la réponse au médicament de cellules proliférantes ([81]). L’étape suivante serait donc l’étude expérimentale de la PK-PD du CPT11 sur des cellules Caco-2 en prolifération.

Perspectives cliniques

Une interprétation clinique des stratégies thérapeutiques optimales obte- nues pour les cellules Caco-2 présentant une période de 27 h, peut être obtenu en redimensionnant les résultats à la période de l’Homme qui est de 24 h. Cette mise à l’échelle humaine prédit que le CPT11 devrait être adminis- tré de sorte que l’exposition des cellules de l’organisme durent entre 3h30 et 6h30, et débutent de 1h30 à 1h40 avant le creux du rythme de bioacti- vation du CPT11 chez le patient. Lorsque le CPT11 est perfusé selon un

schéma semi-sinusoïdale d’une durée de 6 h chez les patients cancéreux, le médicament est détecté dans le sang pendant approximativement 12 h ([1]). Notre étude in vitro suggère donc de réduire la durée d’administration du CPT11. Cela amènera probablement à réduire la dose totale de médicament, de manière à garder une tolérabilité acceptable, et augmentera possiblement l’efficacité du traitement.

Ce chapitre présente une étude au niveau de populations de cellules qui permet d’optimiser les schémas d’exposition au CPT11. L’étape suivante consiste à optimiser les schémas d’administration du médicament à l’échelle de l’organisme entier. Trois classes de souris présentant des rythmes circa- diens de toxicité au CPT11 différents ont été expérimentalement mises en évidence. Notre modèle mathématique de la PK-PD du CPT11 au niveau tissulaire a été intégré dans une modélisation corps entier à base physiolo- gique, dont le but est d’optimiser l’administration du CPT11 pour chacune des trois classes de souris (cf. chapitre 3). Le passage de l’échelle de la souris à l’échelle humaine est ensuite possible par un redimensionnement des pa- ramètres du modèle corps entier. Cela permettra alors la détermination de schémas d’administration optimaux pour les patients cancéreux.

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