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Partie 1 : La matière organique totale

1.1 La parcelle Témoin

1.1.6 Discussion

Cette discussion fait essentiellement appel au concept développé par (Sollin et al., 1996) pour qui la stabilisation et la déstabilisation de la MO dépendent principalement de trois caractéristiques, la résistance des substances organiques, leurs interactions avec les autres substances du sol et l’accessibilité de ces substances par les enzymes et les micro-organismes. L’étude de la MO a donc été divisée en trois phases, 1974-1981 qui correspond à une période de déstabilisation (à la suite de la mise en culture et des amendements), 1981-1993 qui correspond à une période de stabilisation (les pratiques culturales sont identiques à la période précédente), et 1993-1998 qui correspond à nouveau à une période de déstabilisation en raison de l’arrêt des amendements.

• De 1974 à 1981

L’augmentation du stock de carbone organique total, observée dans la parcelle Témoin à partir de 1974 (Figure 12), apparaît contradictoire avec de nombreux travaux qui montrent que la mise en culture de sols forestiers est généralement associée à une diminution du stock de carbone organique total (Balesdent et al., 1987 ; Bowman et al., 1990 ; Cerri et al., 1985 ; Gregorich et al., 2001 ; Jolivet et al., 1997 ; Odell et al., 1984 ; Plenet et al., 1993 ; Reeves, 1997). L’aération liée au travail du sol, l’assainissement dû au drainage et les apports de fertilisants sont les facteurs les plus fréquemment cités pour expliquer la diminution du stock de carbone organique total (Balesdent et al., 2000). Bien qu’une friche puisse être considérée comme une forêt, en tant que source de MO en C3, cette dernière n’est en place que depuis une cinquantaine d’années. Le passé cultural de cette parcelle (vigne puis bois d’acacias), combinée aux faibles teneurs en MO lors de la mise en place de l’essai, apparaît donc comme la principale cause de l’accumulation de carbone dans l’horizon 0-25 cm. La texture sableuse du sol étudié (80 % de sables) ne favorisant a priori que faiblement une protection physique de la MO du sol, la préservation du stock de carbone peut être due aux conditions environnementales du sol, peu favorables à la minéralisation de la MO au moment de la mise en culture. Une augmentation du stock de carbone total suite à la mise en culture a déjà été mise en évidence dans des sols pauvres en MO (3 kg C m-2) (Mann, 1986 ; Plenet et al., 1993). En effet, selon Mann (1986), un tel phénomène peut se produire si pendant la période qui précédait la mise en culture, il n’y a pas de substrat adéquat pour maintenir une population microbienne active et appropriée à la décomposition de la MO. L’augmentation des apports de MO suite à la mise en culture d’un sol initialement pauvre en MO, combinée à une faible

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activité microbienne, contribuent à l’augmentation des stocks de carbone dans le sol. Les micro-organismes du sol représentant un compartiment particulièrement sensible aux systèmes de gestion des sols, il est probable que les stocks de carbone aient été nettement plus élevés au début de l’essai, et que l’on tende à présent vers une période d’équilibre.

L’incorporation de résidus de culture peut également contribuer de façon indirecte à la préservation du carbone organique initial observée au cours de cette période, les microbes du sol dégradant sélectivement les composés les moins résistants. La quantité de carbone organique d’origine maïsicole incorporée chaque année au sol avec les résidus de récolte (parties aériennes) est estimée à 0,2 kg Cmaïs m-2 par Plenet et al. (1993). Or, dans la parcelle Témoin étudiée, l’augmentation annuelle du stock de carbone d’origine maïsicole reste faible (0,04 à 0,08 kg Cmaïs m-2 an-1). Cette faible augmentation suggère une décomposition rapide des résidus de maïs.

Figure 12 : Evolution des stocks de carbone total, maïsicole et initial dans la parcelle Témoin

Entre 1974 et 1981, les résidus de culture restitués au sol dans leur quasi-totalité, constituent la principale source de MO labile pour les micro-organismes du sol. Cette source supplémentaire de MO, beaucoup plus facilement biodégradable que la MO initiale contribue donc indirectement à la préservation du stock de carbone initial.

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• De 1981 à 1993

Entre 1981 et 1993, le stock de carbone organique total ne varie pas : un équilibre est donc atteint (Figure 12). Deux tendances sont observées : une vitesse d’incorporation moindre du carbone d’origine maïsicole dans le sol et une diminution du stock de carbone initial. Selon Desjardins et al. (1994), le carbone initial est composé de deux compartiments, l’un résistant à la biodégradation et l’autre labile. La minéralisation du compartiment labile de la MO initiale se traduirait alors par une diminution du stock de carbone initial total. L’incorporation plus faible du carbone maïsicole suggère que la minéralisation des résidus de maïs est probablement favorisée par une activité biologique plus intense. Cependant, l’incorporation de carbone d’origine maïsicole reste suffisante pour compenser les pertes par minéralisation du carbone initial.

La diminution du stock de carbone initial, observée à partir de 1981, suggère que la résistance de cette MO à la biodégradation a diminué avec le temps. L’apport d’une MO

fraîche peut être à l’origine de l’augmentation de l’activité et donc d’une minéralisation plus intense des deux sources de MO (maïsicole et initiale). Par ailleurs, des modifications du sol ne sont pas à exclure. L’observation du sol à la loupe binoculaire a en effet montré qu’en 1993, les particules fines associées à la MO figurée étaient moins nombreuses qu’en 1974 (Planche 1). Selon Kobayashi et Otake (1977) cité par Sollin et al. (1996), les racines de maïs contribuent à la diminution de la stabilité structurale du sol en produisant des exudats susceptibles de chélater le fer et l’aluminium (Morel et al., 1987). Cette décomplexation de la MO la rendrait ainsi plus accessible aux micro-organismes. L’accès au carbone initial deviendrait alors plus facile pour les micro-organismes et les exoenzymes présents dans le sol.

• De 1993 à 1998

A partir de 1993, les deux pools de carbone d’origines initiale et maïsicole ont diminué fortement, ce qui se traduit donc par une baisse du stock de carbone organique total (en moyenne 0,1 kg C m-2 an-1). Le changement de culture (pomme de terre en 1997) a pu entraîner des restitutions de MO plus faibles que celles induites par le maïs et ainsi favoriser en partie la diminution du stock de carbone total. Cependant, la baisse des rendements en maïs, observée à partir de 1993 après l’arrêt de la fertilisation est probablement la principale responsable de la diminution du stock de carbone d’origine maïsicole. La diminution de ces résidus de culture équivaut à réduire les ressources de carbone maïsicole labile disponible

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pour les micro-organismes du sol, une autre source de carbone labile devenant alors nécessaire.