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C. A NALYSES STATISTIQUES :

IV. DISCUSSION

Deux filtres majeurs ont pu être identifiés dans la dynamique de colonisation végétale des canalisations. Ils expliquent les différences de composition floristique entre les sols remaniés et la steppe. Tout d’abord, l’existence d’une barrière physique pourrait bloquée la dispersion de certaines espèces du fait de la présence de la nationale 568 de Fos-sur-Mer à Arles bordée de deux importants fossés. En effet, certaines espèces s'installent sur les canalisations avec épandage des foins (Aegilops triuncalis, Medicago minima) alors qu'elles ne se trouvent pas sur les autres traitements. On peut donc supposer que ce type d’espèces possèdent peu d’aptitude à la dispersion (graines lourdes barochores sans architectures favorables à l’anémochorie ou la zoochorie, faible taux de fécondation et donc de production de graines et/ou reproduction limitée car les inflorescences sont broutées par les ovins).

Pour certaines espèces comme Aegilops triuncalis, son absence, pourrait ainsi s’expliquer par une plus forte prédation du pâturage sur son appareil reproducteur par rapport à d’autres espèces de la steppe plus prostrée (e.g. Brachypodium distachyon, Catapodium rigidum). Elle possède en effet un appareil végétatif plus haut que ces dernières, ce qui facilite

Site donneur 100 %des espèces (soit 98 espèces) 16%de ces espèces n’ont pas été transférées et se retrouvent uniquement dans le site donneur,

e.g. : Euphorbia falcata Medicago rigidula Teucrium chamaedrys 43%d’espèces en commun avec le site

donneur

2 espèces : Avena barbata et Bellis sylvestris poussent en milieu naturel mais pas en serre.

Canalisations avec épandage 55%d’espèces en commun avec le site donneur 6%ne se retrouvent ni sur les canalisations, ni en terrines,

e.g. : Aegilops triuncialis Medicago minima Convolvulus cantabricus

Canalisations 48%d’espèces en commun avec le site donneur

3 %des espèces se retrouvent uniquement sur cette réplique et dans le site donneur,

e.g. : Filago pyramidata Neatostema apulum Sinapis alba Steppe

62 %d’espèces en commun avec le site donneur

8 %des espèces se retrouvent uniquement sur cette réplique et dans le site donneur, e.g. : Brachypodium retusum

Trifolium stellatum Linum trigynum

Processus spontanés 10% des espèces transférées se retrouvent en terrines

et sur les canalisations semées, e.g. : Taeniaterum caput medusa

Eryngium campestre Sanguisorba minor Sideritis romana

sa prédation et celle de ses semences (Hadar, 1999). Ce sont aussi typiquement des espèces exozoochores qui ne sont pas transportées du fait de l’absence de déplacements des troupeaux d’ovins entre ces sites en période estivale, et dont les graines roulées au sol, s’accumulent dans les fossés qui bordent la nationale 568.

En terrine, certaines espèces telle que Aira cupaniana ont germé en faibles quantités et n’ont pas été retrouvées sur les canalisations ayant reçues un épandage de foins. Ces espèces ont pu être échantillonnées en trop faibles quantités pour pouvoir germer sur le terrain, et ce faible échantillonnage pourrait provenir également d'une faible capacité de reproduction et/ou de production de graines. Les conditions de germination sur le terrain ont également pu être impropres à leur germination malgré les manipulations des facteurs édaphiques et climatiques par l’apport d’une couche de foin devant tamponner les extrêmes climatiques (sécheresse, vent).

La flore de la steppe est en majorité représentée par des espèces tolérantes aux stress et de quelques compétitrices. Cette formation est composée de nombreuses espèces annuelles et de quelques espèces vivaces tel que Brachypodium retusum et Thymus vulgaris reconnues comme espèces cibles au niveau de la restauration de l'habitat car elles structurent l'écosystème (Buisson 2006). Bien que l'expérience ait permis de réintroduire sur les canalisations par le transfert de foins Thymus vulgaris, l'expérience n'a pu permettre la réintroduction de Brachypodium retusum. Ce résultat peut s'expliquer par le faible nombre de graines récoltées dans le site donneur (Henry 2005). Cette espèce subirait donc un filtre de dispersion lié en amont, à sa faible potentialité reproductive. En effet, plusieurs études sur ce genre révèlent que dès que les populations deviennent assez denses, les épillets formés, bien qu'ayant un aspect normal, ne développent plus aucune graine car ils possèdent uniquement des fleurs mâles. Seuls les pieds qui poussent isolément les uns des autres produisent des fleurs hermaphrodites générant des caryopses aptes à germer (Imbert 1992 in Dandelot 2004 ; com. pers. Verlaque 2007).

Un ou plusieurs filtres environnementaux liés au nouvel écosystème sont ensuite à l'origine de l’absence d’installation d’autres espèces. En effet, lorsque les espèces se trouvent dans le foin, qu'elles germent en serre, mais qu'elles ne germent pas sur les canalisations ayant reçues l’épandage (Crassula tillaea, Asphodelus ayardii) ; on peut alors supposer qu'elles ne

filtres peuvent être induits par les changements dans la composition et la texture du sol provoqués lors des remaniements des sols durant le chantier. Le stockage des terres engendre des pertes en matière organique et des changements des propriétés physiques et chimiques du sol (Tacey & Glossop 1980) ce qui explique les faibles teneurs en matière organique et les importantes quantités de sables grossiers des sols des canalisations. Les différences de végétation entre les canalisations et la steppe peuvent également s'expliquer par la composition granulométrique du sol de la steppe. Le sol de la steppe, constitué d'une proportion élevée de limons fins, offre de meilleures conditions de germinations aux graines.

En effet, plus les éléments du sol sont fins, meilleure est la perméabilité du sol (Soltner 1996) et plus le contact avec les graines est aisé (Middleton 1983). La texture fine du sol facilite également l'installation des espèces puisqu'elle contribue à un meilleur développement racinaire (Maestre et al. 2003)

Un troisième filtre est susceptible d'intervenir sur l’absence d’installation de certaines espèces sur les sols remaniés. Il serait, contrairement aux deux précédents, d'ordre biotique.

La composition de la flore sur les canalisations a une richesse spécifique faible et est marquée principalement par des espèces rudérales (R, RS, RC). Cette forte proportion en espèces rudérales s'explique en partie par l'impact du stockage du sol pendant plusieurs mois. Ce dernier n'a pas eu d’effet sur les rudérales, puisqu'elles possèdent la potentialité de recoloniser facilement le milieu grâce à leur banque de graines pouvant persister plusieurs années dans le sol, principalement de type 3 (donc présentes dans le sol pendant plus de cinq ans selon Thompson et al. 1997). De nombreuses études ont démontrées qu'au contraire, les espèces tolérantes aux stress, majoritaires dans les pelouses sèches (dont la steppe de Crau), sont principalement des espèces de type 1 ou 2 (De Lillis et al. 1999) comme de nombreuses Poacées (e.g. Vulpia bromoïdes, Bromus hordeaceus, Cynosurus echinatus). Ces espèces ont donc une banque de graines de type transitoire qui conditionne une germination automnale quelques mois seulement après leur dissémination. Le régalage des terres ayant été retardé du mois de septembre au mois de novembre 2006, les graines n’ont pas pu profiter des pluies automnales. Ce stockage prolongé des terres a donc été néfaste puisqu'il a sélectionné uniquement les plantes capables de résister à ce stress. Pour de fortes densités, la présence de ces espèces rudérales sur les canalisations pourrait par la suite constituer des filtres biotiques aux prochains stades de la colonisation végétale en exerçant notamment une compétition sur les autres espèces au niveau de l'occupation de l'habitat. A terme, cette dynamique pourrait

(Buisson 2006), car ces espèces ont de fortes potentialités de reproduction et de dispersion sur les habitats perturbés.

L'introduction de foins sur les canalisations a répondu, pour parti, aux objectifs appliqués de l'expérience en améliorant la richesse spécifique par l'établissement d'un ensemble d'espèces diversifié, composé d'espèces colonisatrices (rudérales) et d'espèces persistantes (tolérantes aux stress), notamment des Poacées, Convolvulacées et des Rosacées.

Bien que la richesse spécifique ne soit pas aussi grande sur les canalisations par rapport à la steppe et que l'expérience ait été testée sur de petites surfaces, il est concevable d’émettre l’hypothèse d’une augmentation de la richesse au cours des prochaines années. En, effet les espèces de la steppe introduites par les foins pourraient former un noyau ou une

« nucléation »: source de graines susceptibles de coloniser au-delà du périmètre ayant reçu l'apport de foins (Reis et al. 2003). Le transfert de foins a également eu pour impact positif le transfert d'une espèce à forte valeur patrimoniale : Taeniatherum caput-medusae (Pavon in press) et d'une des espèces structurant la steppe : Thymus vulgaris. La steppe possède une richesse spécifique nettement plus forte que le sol remanié. Cependant, les parcelles de steppe avec épandage ont une richesse plus faible que les parcelles sans épandage, ceci s'explique par l'impact du passage de la herse, et par le recouvrement important de litière (Foster & Gross, 1998) sous forme de paille, qui a pu engendrer une perte d'espèces héliophiles qui auraient pu être présentes sous forme de plantules ou de graines avant l’épandage.

Les analyses pédologiques et floristiques ont révélé des effets liés à la localisation géographique des sites. En effet, les conditions pédologiques en Crau ne sont pas homogènes même sur de petites distances (Buisson et al. 2006), ces différences demeurent cependant difficilement explicables. L'augmentation du pH sur le site A pourrait ainsi s’expliquer par une plus grande destruction du poudingue car celui ci est plus proche de la surface et donc la matrice calcaire pourrait avoir été détruite et remontée par les engins de chantier en plus grande quantité. Les morceaux de la matrice (carbonate de calcium) dont la présence est révélée par des pourcentages significativement élevés de calcium résultant de sa dissolution, seraient alors responsables de l'augmentation du pH. Bien que les analyses statistiques aient révélé que le pâturage n'eut aucun effet sur la recolonisation végétale pour cette première année d'étude, celui-ci peut cependant expliquer les différences significatives de recouvrement végétal entre les sites B et C. En effet, la végétation des sites B et C est soumise à une pression de pâturage plus faible (obs. pers.) ; ceci expliquerait alors le plus fort taux de

effets à plus long terme, et causer à l'avenir un filtre environnemental (Landsberg et al. 1999).

Contrairement aux travaux de Fischer et al. (1996) qui prédisent une meilleur dissémination des graines par les troupeaux, l'élevage ovin dans la steppe de Crau risque d'engendrer une limitation de la production de graines (Holl 1999 ; Coulson et al. 2001) donc la régénération des espèces annuelles, car le pâturage a lieu principalement au printemps avant la production des graines. Le pâturage a cependant une action indéniable sur la morphologie végétative des espèces. Ainsi, sur les quadrats où a été épandu le foin, l’action du pâturage à pour conséquence une baisse de la hauteur de la végétation en favorisant les espèces petites ou prostrées (Hadar et al. 1999, Landsberg et al. 1999) et une augmentation du recouvrement des Poacées transférées suite au phénomène de multiplication des bruns végétatifs au niveau du plateau de tallage des Poacées.

Avena barbata et Bellis sylvestris ont été relevées sur tous les traitements de terrain mais n'ont cependant pas germées en serre. L'absence de Bellis sylvestris révèle un problème de technique d'échantillonnage. La campagne de récolte a été effectuée uniquement au début de l'été et bien que le maximum d'espèces possède des graines matures à ce moment là, les espèces possédant un cycle décalé n'ont pu être récoltées. C'est le cas de Bellis sylvestris dont les graines sont matures en Crau au mois d'octobre (Bourrelly et al. 1983). Il serait donc judicieux pour de prochaines opérations de restauration écologique d'effectuer deux campagnes de récolte de foins calquées sur la phénologie des espèces composant l'écosystème, dans notre cas : une en début d’été et une en fin d’automne. L'absence de Bellis sylvestris n'est cependant pas un véritable problème car cette espèce est persistante dans la banque de graines du sol (type 4, Thompson et al. 1997), et de ce fait il est probable qu'elle apparaisse dans les prochaines années. L'absence d'Avena barbata dans les terrines n'est pas à priori un problème de technique d'échantillonnage au cours de la saison mais plutôt un problème de taille d'échantillonnage, seulement 336 grammes de foins ont été cultivés en serre, tandis que plus de 5 kilogrammes de foins ont été épandus sur le terrain. Ce problème de taille d'échantillonnage peut également expliquer la faible différence entre le nombre d'espèces transférées en serre et le nombre d'espèces transférées sur les canalisations. D’autant plus, que les relevés de végétation sur le site donneur ont été effectués sur des superficies beaucoup plus grandes que celles de nos relevés.

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