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Depuis de nombreuses années les effets de l’allaitement sont étudiés chez les nouveau-nés à terme et plus récemment sur les nouveau-nés prématurés. Cependant, l’impact du colostrum sur la santé des nourrissons à moyen terme n’est pas encore clairement établit. Notre étude est une des rares à s’intéresser aux conséquences à moyen terme de l’administration oropharyngée de colostrum chez les nouveau-nés prématurés.

Nos résultats montrent une tendance à un meilleur gain de poids, en Z-score, dans le groupe colostrum (p=0.051) ainsi qu’un taux d’allaitement à la sortie d’hospitalisation plus important (85% vs 47,6%, p<0,001) et prolongé (103 vs 46 jours, p<0,001) que dans le groupe Témoin. Le schéma de croissance pondérale du nouveau-né à terme est bien connu (28,29). Celui-ci est accéléré par l’allaitement uniquement pendant les 3 premiers mois de vie (24). Finalement, à 1 an le poids des nourrissons alimentés par du lait artificiel sera équivalent voire supérieur, en particulier si l’allaitement maternel est prolongé (supérieur à 4 mois) (22,30). Ce phénomène préviendrait l’obésité en modérant la prise pondérale durant la première année de vie (31).

Dans notre étude, la prise pondérale à 1 an est plutôt en faveur des nourrissons ayant bénéficiés d’une exposition précoce au colostrum. Cette différence de croissance peut s’expliquer de plusieurs façons : un schéma de croissance pondérale en rapport avec les antécédents de prématurité ou un effet propre au groupe colostrum.

Fernandes. et al. observe dans cette population des vitesses de croissance ayant largement dépassé la limite supérieure des courbes de l’OMS, quel que soit le mode d’alimentation (32) nécessaire à ces anciens nouveau-nés prématurés de petit poids dont l’objectif est de limiter un retard de croissance potentiellement acquis et définitif (33,34). Cependant la plupart des études de suivi des anciens grands prématurés rapportent une prise de poids inferieure dans les populations allaitées de manière prolongée mais associée à un meilleur développement cognitif (breastfeeding paradoxe) (35). Dans le groupe Colostrum, la surreprésentation d’enfants allaités au long court ne permet donc pas d’expliquer cette différence.

Declerck. et al. a suivi la croissance pondérale de 1455 porcelets pendant 22 semaines et rapporte que ceux ayant consommé du colostrum étaient plus gros, surtout lorsqu’ils présentaient un faible poids de naissance (36). L’expérience vétérinaire laisse supposer qu’il existe bien une association entre l’exposition précoce au colostrum et la croissance pondérale. Même si la taille de notre cohorte ne nous permet pas d’avoir un résultat significatif, notre étude

serait la première à rapporter cette association à moyen terme chez le nouveau-né grand prématuré. Une étude de plus grande ampleur serait nécessaire pour préciser l’influence du colostrum sur la prise de poids à moyen terme chez les nourrissons anciens prématurés.

Notre étude rapporte un taux d’allaitement à la sortie d’hospitalisation plus important (85% vs 47,6%, p<0,001) et plus prolongé (103 vs 46 jours, p<0,001) dans le groupe Colostrum vs Témoin.

Dans la cohorte EPIPAGE 2, 47,2 % des nouveau-nés très grands prématurés étaient allaités au retour à domicile (37). Nous observons un taux d’allaitement dans le groupe Témoin identique à celui de cette cohorte française. Dans le groupe Colostrum, nous rapportons un taux d’allaitement et une durée d’allaitement nettement supérieur. Ces résultats ne sont pas surprenant, en effet plusieurs études concluent que l’administration précoce et répétée de colostrum favorise la production de lait maternel et la mise en place solide de l’allaitement (38– 40). Pour les nouveau-nés prématurés avec un petit poids pour l’âge gestationnel, cela permet d’obtenir un meilleur taux d’allaitement à 40 SA d’âge corrigé (39) et encourage l’allaitement maternel exclusif à la sortie d’hospitalisation (40).

Dans la littérature, le taux d’allaitement pouvait augmenter jusqu’à 84% si la mère était hospitalisée avec son nouveau-né (unité kangourou) et/ou dans une équipe soutenant l’initiation et le maintien de l’allaitement (37). Malgré l’absence d’unité kangourou dans notre service, la meilleure promotion de l’allaitement dans le groupe Colostrum explique probablement ces résultats encourageants et importants dans le but d’améliorer le devenir neuro-développemental de cette population à risque (35).

Nous ne retrouvons aucun effet de l’exposition au colostrum concernant les évènements infectieux (21 vs 12, p=1) ; qu’ils soient d’origine respiratoire, ORL et/ou digestive. L’incidence des infections était trop faible dans les deux groupes pour montrer une différence significative, et peut être influencée par une politique de prévention des infections en fin d’hospitalisation (séroprophylaxie anti-Virus Respiratoire Syncytial ou anti-VRS, contre- indication à la garde en collectivité, etc…).

Malgré nos résultats, une relation entre colostrum et prévention des infections à moyen terme reste possible, le colostrum étant riche en facteurs immunitaires (IgA, cytokines, lactoferrine, leucocytes) et en HMOs (agissants comme pré biotiques avec une action anti inflammatoire) (9,10). Pour Morales. et al., des taux élevés d’acide arachidonique, d’acide docosahexaénoïque (DHA) et de w-3 total dans le colostrum diminueraient considérablement le risque de gastro-

entérite aigue dans les 6 premiers mois de vie d’un nourrisson. Cette même étude n’a pas trouvé d’association entre la composition du colostrum et les infections respiratoires basses (IRB) (26). Des études de plus grande ampleur seront nécessaires afin de valider ou non cette relation.

Nous ne rapportons pas de différence significative en termes d’évènements immuno-allergiques (21 vs 18, p=0,21).

Le colostrum, « immunothérapie » naturelle du nouveau-né ne fait pas encore l’unanimité dans la prévention des allergies durant la petite enfance. Des études suggèrent que le colostrum a un rôle essentiel dans la maturation immunitaire du nourrisson et dans la protection contre l'atopie et le développement d'allergies (41–43). L’APLV serait favorisée par de faibles niveaux d'anticorps IgA spécifiques au lait de vache et de Cluster de Différenciation spécifique 14 (sCD14) dans le colostrum (43). Les TGF-β contenus dans le colostrum pourraient prévenir le développement de l’APLV et de la dermatite atopique (41,42). L’IL13 colostrale diminuerait le risque de sensibilisation et d’allergie alimentaire (23). En revanche, la quantité d’acides gras colostrale n’aurait aucun effet significatif sur le risque de manifestations allergiques (épisodes sifflants et dermatite atopique) durant la petite enfance (26).

L’exposition au colostrum de notre groupe colostrum (0,2 ml toutes les 4 heures pendant 48 heures) n’est peut-être pas suffisamment longue et intense pour apprécier des conséquences à moyen terme. De plus, aucune enquête sur la présence de tabagisme passif ou les antécédents familiaux d’atopie n’a été réalisée.

La première limite de ce travail est l’allaitement, présent pour près de 50% des patients dans le groupe T. Un groupe Témoin alimenté par du lait artificiel permettrait d’évaluer l’effet propre du colostrum de façon indépendante durant notre longue période d’observation. Pour des raisons éthiques évidentes, la promotion de l’allaitement maternel dans cette population est indispensable. Durant la période néonatale de ce travail, si une mère du groupe T manifestait un désir d’allaitement, l’équipe encourageait cette démarche. De plus il était difficile de sélectionner des mères certaines de ne pas vouloir allaiter dans ce contexte de naissance prématurée.

L’originalité de notre travail réside dans sa longue durée d’observation entre l’exposition au colostrum et les effets recherchés chez le nourrisson ancien grand prématuré.

Cependant, les conditions d’hospitalisation, l’environnement et la part génétique durant la petite enfance rendent difficile l’évaluation de l’impact réel du colostrum. Des modèles complexes multivariés seraient nécessaires pour s’affranchir de l’impact de ces facteurs confondants.

Par ailleurs, une consultation téléphonique mensuelle était réalisée par un praticien hospitalier durant la première année de vie. Le report des données aurait été plus précis avec un réel examen clinique de l’enfant même si un questionnaire standardisé évitait toute perte de données. Grâce à ce dernier, nous avons limité le nombre de perdus de vue. Une consultation hospitalière mensuelle, en plus des autres rendez-vous de suivi exigés par la prématurité, aurait probablement engendré un plus grand nombre de perdus de vue.

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