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L'étude compare la sensibilité de différents cépages et espèces de Vitis, à partir de l'observation de l'infection de disques foliaires. Des feuilles de même niveau d'insertion issues de plantes présentant le même stade physiologique ont été sélectionnées pour l'infection, afin de se soustraire à la variabilité de la réceptivité, en fonction de l'âge des feuilles. Selon Heintz (1988), l'intensité de la sporulation diffère selon l'âge des feuilles (niveau d'insertion sur le rameau herbacé) et la différence de réceptivité dépend du cépage considéré. Le choix de l'infection s'est porté sur la surface adaxiale des feuilles, les symptômes au champ apparaissant essentiellement sur ce côté. Ceci peut s'expliquer par la facilité d'atteindre ce côté de la feuille pour des conidies anémochores, et d'une pilosité réduite à la face supérieure qui entrave moins l'accès à la surface de l'hôte.

Si la chronologie des stades infectieux d’E. necator a déjà été bien décrite sur des cultivars sensibles de V. vinifera (Leinhos et al., 1997), peu d'études détaillent l'interruption précoce du développement du pathogène sur des cultivars présentant une résistance partielle ou totale. La détermination des stades de développement auxquels la croissance fongique est inhibée peut constituer une information importante afin de situer l'induction des mécanismes de résistance de la vigne. La chronologie des stades infectieux sur IRAC 1999 est similaire à celle du Chasselas, mais le développement d'un mycélium moins dense associé à une plus faible conidiogénèse est caractéristique d'une sensibilité plus faible à l’oïdium. La croissance d'E. necator sur IRAC 2292 est ralentie et peut être expliquée par une déformation partielle des appressoria. Le réseau mycélium épars et l'absence de sporulation définissent cet hybride comme résistant à l'oïdium. La présence d'espèces américaines (en particulier V. rupestris et V. lincecumii) dans le fond génétique des IRAC confère un certain niveau de résistance à la plupart des pathogènes de la vigne (Fung et al., 2008). Sur V. candicans, le taux de germination des conidies est significativement plus faible que sur les autres cultivars testés dans ce travail. Les observations au MET montre que les cristaux de cires épicuticulaires élèvent la structure fongique au dessus de la surface foliaire, pouvant limiter la perception des signaux physico-chimiques nécessaires au développement du pathogène (Jenks et Ashworth, 1999). En outre, l'interruption du cycle au stade du premier appressorium suggère que le développement de l’haustorium dans les cellules épidermiques est inhibé et le processus infectieux est bloqué. La visualisation d'haustoria par MET chez cette espèce n'a cependant pas pu être encore obtenue.

La reconnaissance de l'hôte par le pathogène est très rapide puisque l'observation d'appressoria développés apparaît dès 4 hpi sur le cépage sensible. Les appressoria sont facilement identifiables sur les espèces sensibles testées. La fluorescence émise par les appressoria produits sur les espèces résistantes est parfois difficile à repérer. Cette diminution de fluorescence, liée à la coloration de la chitine par le diethanol, pourrait témoigner d'une baisse de viabilité du complexe appressorium-haustorium, due à la manifestation de réactions de défense. L'importante pilosité observée sur V. candicans ne perturbe pas l'accès des conidies à la surface foliaire, mais suggère un potentiel microclimat interférant sur les performances du champignon.

Dans le cas de V. candicans et M. rotundifolia, et dans une moindre mesure chez IRAC 2292, les tubes germinatifs ont une longueur plus importantes que ceux produits chez les espèces sensibles, témoignant d'une non-reconnaissance immédiate de l'hôte. Les appressoria montrent une superposition de nombreux lobes, indiquant vraisemblablement une tentative répétée de pénétration. Un essai immédiat à proximité d'un premier lobe expliquerait cet enchevêtrement, afin de réduire le métabolisme

énergétique restreint aux seules réserves de la conidie. Lorsque les stades "premier et second hyphe" sont atteints sur M. rotundifolia et IRAC 2292, les appressoria apparaissent normaux mais se trouvent extrêmement rapprochés sur un même hyphe. Si les premiers établissements d'haustoria ont réussi, le développement de nouveaux sites d'infection peut être inhibé par l'activation de mécanismes de défense. Doster et Schnathorst (1985b) rapportent que la formation "multiple" d'appressoria s'observe plus fréquemment sur des cultivars résistants, et présument de l'échec de l'établissement fonctionnel de l'haustorium à partir du premier appressorium. Toutefois, ce phénomène semble également se produire sur des hyphes âgés observés sur les cépages sensibles. Le premier haustorium devenant moins fonctionnel dans le temps, d'autres haustoria sont initiés afin d'optimiser l'apport de nutriments (Leinhos et al., 1997).

L'arrêt de la croissance végétative du pathogène s'observe très rapidement (stade "appressorium primaire" pour V. candicans, stade "premier et second hyphe" pour M. rotundifolia), supposant que la pénétration de la cuticule est extrêmement réduite et/ou les haustoria ne sont pas fonctionnels au sein des cellules épidermiques. Boubals (1961) conçoit la notion d' "immunité stricte" pour de telles espèces dans son évaluation de la résistance à l'oïdium chez les Vitacées. Par conséquent, l'observation des structures de reproduction sexuée ne peut être attendue sur ces espèces.

La croissance d'E. necator sur des espèces de vigne sensibles est caractérisée par une chronologie de différenciation des structures infectieuses. L'implantation d'un haustorium fonctionnel est le stade primordial, conditionnant la poursuite du développement fongique. La conidie semble également jouer un rôle crucial par sa capacité à diriger le flux cytoplasmique, permettant l'émergence des différents hyphes (Leinhos et al., 1997). Le suivi des infections in vitro est en accord avec le degré de sensibilité évalué au champ pour les différents espèces et cultivars étudiés et correspond globalement à l'évaluation réalisée par d'autres auteurs, malgré une variabilité inhérente aux conditions climatiques, à l'individu et à l'inoculum (Doster et Schnathorst, 1985b). La révélation de différents niveaux de résistance parmi les espèces sélectionnées permet la détermination d'un modèle "sensibilité-résistance" pour l'étude de la manifestation des réactions de défense contre le pathogène. Ces différences de développement du champignon sur les hôtes étudiés traduisent une variabilité de la réponse de défense mise en jeu par l'hôte dès la reconnaissance du pathogène.