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2. ETUDE DE TOLERANCE ET DE FAISABILITE : TDCS DANS LES TROUBLES

2.5. Discussion

2.5.1. Principaux résultats

Nous rappelons que l’objectif principal de cette étude était d’évaluer la faisabilité et la

tolérance de la stimulation cérébrale électrique non invasive par tDCS chez des patients souffrant de troubles neurologiques fonctionnels. Les objectifs secondaires étaient l’appréciation de l’efficacité de cette technique, ainsi que l’évaluation de l’influence d’une symptomatologie dissociative associée sur la sévérité du trouble fonctionnel et sa réponse au traitement.

Cette étude rétrospective a permis de mettre en évidence une bonne tolérance ainsi qu’une excellente faisabilité du protocole de stimulation. Bien qu’elle n’ait pas pu démontrer une efficacité supérieure dans les sous-groupes (dissociés/non dissociés) du fait du manque de puissance de l’étude, les résultats des données descriptives sont

encourageants. En effet, les scores d’évaluation des symptômes neurologiques, les

scores fonctionnels, et les scores évaluant les comorbidités anxieuses et dépressives étaient considérablement diminués lors des différentes visites de suivi par rapport à l’évaluation initiale.

2.5.2. Comparaison avec les données connues de la littérature scientifique

2.5.2.1. Caractéristiques de l’échantillon

Prédominance féminine

Parmi les participants, on retrouve une large prédominance féminine avec 79% de femmes. Ce résultat est en accord avec le DSM-5 qui rapporte une fréquence de troubles neurologiques fonctionnels 2 à 3 fois plus importante chez les femmes (25) ainsi qu’avec les données de la littérature. Dans une étude parue en 2016, Carson rapporte que 60% à 75% des patients souffrant de troubles de conversion sont des femmes (135). Une étude australienne incluant tous les patients consultant en neurologie pour ce motif sur une période de 17 mois, soit 884 patients, met en évidence des résultats comparables avec 75% de femmes (136). Enfin, une étude de Matin incluant 100 patients consécutifs

consultant en neurologie pour un trouble neurologique fonctionnel, aux États unis, retrouve un taux encore plus élevé avec 79% de femmes (137).

Age moyen des patients

L’âge moyen de nos patients était de 40,79 ans, le plus jeune étant âgé de 18 ans et le plus âgé de 66 ans. A nouveau, ces données sont en accord avec les données de la littérature. En reprenant les trois études sus-citées, Carson et al. (2016) décrit une patientèle de tout âge, avec un pic entre 35 et 50 ans, Matin et al. (2016) rapporte une moyenne d’âge de 45 ans avec des patients âgés de 16 à 80 ans, et dans l’étude de Fagerlund et al. (2017) la moyenne d’âge est de 39,6 ans (+/- 12,4 ans). Dans le DSM-

5, il est précisé que le trouble peut débuter quel que soit l’âge, avec un pic durant la 4ème

décennie pour les troubles neurologiques moteurs (25). Comorbidités psychiatriques

Dans notre échantillon, seulement 4 des 14 patients étaient indemnes de comorbidité psychiatrique. Cela signifie que 79% avaient présenté des symptômes psychiatriques, actuellement ou dans le passé, le plus souvent des troubles anxieux ou des épisodes dépressifs caractérisés. Dans le DSM-5, il est notifié que les comorbidités psychiatriques ne sont effectivement pas rares, notamment les troubles anxieux et les troubles dépressifs, ce qui concorde avec nos résultats. Les troubles psychotiques et les addictions sont plus rarement associés.

Les résultats des études épidémiologiques sont superposables comme l’étude de Matin et al. (2017) dans laquelle 66% des patients souffriraient de dépression sur la vie entière, 77% de troubles anxieux, le trouble anxieux généralisé et l’état de stress post traumatique étant les deux troubles anxieux les plus fréquents avec 33% et 20% respectivement (137). Les taux présentés par Carson et al. (2016) ne sont pas aussi élevés avec 20% à 40% de comorbidité dépressive chez les patients présentant un trouble neurologique fonctionnel, et un taux plus élevé de troubles anxieux, sans qu’un pourcentage ne soit précisément donné (135).

2.5.2.2. TDCS et troubles neurologiques fonctionnels

A ce jour, on retrouve quelques études s’intéressant à la stimulation électrique cérébrale non invasive dans les troubles fonctionnels, comme l’utilisation de la tDCS chez les patients souffrant de fibromyalgie, considérée comme un trouble fonctionnel douloureux

(138,139), l’utilisation de la RTMS et l’électroconvulsivothérapie dans les troubles

neurologiques fonctionnels moteurs (140) ou chez les patients souffrant de crises non épileptiques psychogènes (141,142), ou encore la RTMS chez les patients souffrant de

mouvements anormaux (62,143). Cependant, aucune étude n’est à ce jour parue en ce qui concerne l’étude de la tolérance, de la faisabilité ou d’une éventuelle efficacité de la tDCS dans les troubles neurologiques fonctionnels.

2.5.3. Forces et limites de l’étude

2.5.3.1. Forces

A notre connaissance, il s’agit de la première étude évaluant l’efficacité de la stimulation cérébrale par tDCS chez les patients souffrant de troubles neurologiques fonctionnels. Cette étude, grâce au recueil des résultats des échelles réalisées avant et après les séances de stimulation, permet d’établir un lien entre stimulation cérébrale et évolution de la symptomatologie.

Certains facteurs de confusion ont pu être évités puisque les patients avec comorbidités psychiatriques ou neurologiques n’étaient pas éligibles au protocole de stimulation. Les échelles d’évaluation utilisées sont des outils d’évaluation standardisées, et validées. Le déroulement des séances de stimulation était standardisé avec une fréquence, une durée et une intensité identiques pour chaque patient. Les séances de stimulations ainsi que la passation des échelles ont été effectués par uniquement deux opérateurs.

2.5.3.2. Limites

La taille de l’échantillon était moindre, avec seulement 14 patients, ce qui peut être

expliqué par différentes raisons. Tout d’abord, l’incidence de la maladie est relativement faible et les patients n’entrent que rarement dans un parcours de soins hospitalier du fait de l’absence d’organicité retenue. Pour pallier à cela, un résumé du protocole de l’étude (critères d’éligibilité, protocole des séances de tDCS) avait été fourni aux différents neurologues et psychiatres du CHU de Nîmes, afin d’envisager l’initiation du traitement dès que possible. Le protocole de l’étude, par ses critères, limitait le nombre de patients éligibles. En effet, plusieurs patients présentant des symptômes neurologiques fonctionnels ont été adressés par les neurologues mais leurs symptomatologies avaient

régressé au moment de la consultation psychiatrique d’inclusion. Les symptômes

devaient donc être relativement stables, ce qui est rare dans cette pathologie. Le critère d’éligibilité était un trouble neurologique fonctionnel moteur. Cependant, une symptomatologie motrice pure est rare, souvent associée à des déficits sensitifs ou des mouvements anormaux, ce qui rend la généralisation difficile. La réalisation des séances, au rythme de 2 séances par jour pendant 5 jours consécutifs était contraignante et pouvait être source de refus pour certains patients.

Il y avait également des limites au niveau de la méthodologie. Tout d’abord, le recueil des données est monocentrique. Tous les patients ont été inclus au CHU de Nîmes, ce qui limite, une nouvelle fois, la possibilité de généralisation des résultats. L’évaluation était effectuée en ouvert, et il n’y avait pas de bras placebo. Les patients souffrant de troubles neurologiques fonctionnels sont hautement suggestibles et il est licite de se demander quelle a été la part de l’effet placebo dans l’amélioration de la symptomatologie après les

séances de stimulation cérébrale par tDCS. De plus, il n’existe pas de justification

définitive pour le choix des paramètres de stimulation et le réglage optimal de l’appareil. Enfin, les patients ont été séparés en deux groupes en fonction du score de dissociation psychique. Malheureusement le faible effectif de l’échantillon n’a pas permis d’apparier les groupes, ni même en sexe en âge.

Les échelles cliniques de l’étude (NIHSS, EDSS) sont des échelles utilisées dans des pathologies neurologiques (AVC, sclérose en plaques). Les items ne sont parfois pas adaptés aux troubles fonctionnels ce qui rend leur cotation difficile.

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