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Chapitre III. Etude in vivo sur chèvres adultes

IV.4. Discussion – Etude sur sujet sain

Notre modèle est basé sur une approche multi-corps rigides précédemment utilisée par d’autres équipes mais avec des objectifs différents. Notre but est de construire un outil générique de la colonne pour étudier différentes conceptions d’implants. Nous avons donc choisi une méthodologie proche de celle présentée par Petit [115]. Ce choix est motivé principalement par un temps de calcul réduit pour simuler le comportement du rachis entier, par rapport à une approche déformable de type « méthode des éléments finis ». Néanmoins le modèle, a priori utilisé pour des études sur jeunes patients scolio-tiques, est construit à partir de données mécaniques in vitro issues de la littérature, déterminées sur des sujets âgés : une personnalisation des propriétés mécaniques pourrait être réalisable sur ce type de mo-dèles, à l’aide d’informations in vivo supplémentaires [29]. Dans le but d’étudier les disques interverté-braux, nous avons amélioré l’approche proposée par Petit en ajoutant des DDL supplémentaires de tran-slation aux liaisons intervertébrales, et en évaluant le comportement local et global, sains et instrumen-tés, au regard de différentes sources publiées.

D’autres modèles basés sur une méthodologie visant à réduire le temps de calcul (à l’opposé de modèles EF détaillés tels que celui de Galbusera [164]) incluent tout de même une représentation dé-taillée de la cage thoracique comme Périé [165] ou des disques intervertébraux comme Lafage [116]. De telles approches sont intéressantes pour modéliser la croissance vertébrale [166] ou simuler précisé-ment des stratégies de chirurgie [29] ou de traiteprécisé-ment par corset [167]. Nous avons choisi de regrouper le rôle mécanique de la cage thoracique et le rôle local des niveaux vertébraux dans une seule liaison représentée par des matrices de raideur. Nous avons ensuite vérifié que la mobilité thoracique intègre bien la cage thoracique.

Les efforts musculaires ne sont pas modélisés explicitement, et leur contribution à la posture n’est que partiellement incluse par le biais d’un « follower load ». Il est néanmoins rapporté dans la lit-térature que cette représentation simplifiée de l’action musculaire est suffisante pour reproduire un mouvement réaliste [76].

IV.4.2. Evaluation du modèle intact

Une grande partie des modèles numériques utilisés pour simuler la chirurgie de la scoliose est validée avec des données in vivo post-opératoires [116] [165] [115]. Les autres modèles sont majoritai-rement validés avec un unique jeu de données in vitro, pour des rachis sains au comportement évalué à une valeur de couple donnée. Van der Plaats [126] rapportent une différence de moins de 1% avec les données de Panjabi [123] après ajustements des précontraintes des ligaments. Chen [168] concluent que leur modèle EF du segment L1-L5 est légèrement plus raide que les données de Yamamoto [124], excep-té en torsion. Rohlmann [76] ont largement validé leur modèle EF de L1-L5 en ROM et en pression

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Margot ODET

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Notre modèle reproduit de manière satisfaisante les ROM de nombreuses publications pour plu-sieurs valeurs de couple. Malgré le fait que peu de niveaux thoraciques aient été évalués, la mobilité du segment thoracique dans son ensemble est cohérente avec la littérature. Des données supplémentaires sur les niveaux thoraciques pourraient permettre un ajustement des raideurs locales similaire à celui effectué sur les niveaux lombaires.

L’influence du « follower load » est minime en dessous de 800 N. Renner [137] rapportent qu’un « follower load » de 800 N rigidifie légèrement la colonne. Rohlmann [118] trouvent par ailleurs que le ROM est significativement diminué en torsion sous un « follower load » de 280 N seulement.

Les différences de mobilité avec les données in vitro peuvent être dues par l’écart de géométrie entre notre modèle et les spécimens testés dans la littérature, même si nous avons pointé une sensibilité faible du modèle à la position du CIR, donc de la position de la matrice de raideur (cf. chapitre IV.3.3). De plus notre modèle ne représente pas le comportement non-linéaire des structures intervertébrales ni les mouvements couplés à cause des limitations du logiciel. Plusieurs études rapportent de tels couplages de mouvements [153] [169] grâce à des protocoles expérimentaux complexes [170]. Toutes les structures intervertébrales étant modélisées uniquement par une matrice linéaire diagonale, les contacts entre vertèbres aux facettes articulaires ainsi que la non-linéarité de la loi matériau des ligaments ne sont pas pris en compte. Malgré toutes ces simplifications, le modèle reproduit correctement les différentes con-ditions de chargement de la littérature.

Des DDL supplémentaires en translation ont été ajoutés à la représentation matricielle des liai-sons intervertébrales, permettant la compression et le cisaillement des disques. Cependant ces dépla-cements linéaires n’ont pas encore été évalués par rapport à la littérature, et donc ne seront pas exploi-tés dans ce travail.

IV.4.3. Evaluation du modèle instrumenté

Le modèle reproduit les expérimentations in vitro présentant des instrumentations très diffé-rentes. Le sujet de Visible Human ayant une stature significativement plus importante que la moyenne, une différence importante de la géométrie de notre modèle par rapport aux sujets utilisés par Lubelski [129] peut expliquer la trop grande mobilité en torsion. Le modèle ne prend pas en compte les éléments postérieurs du rachis (ligaments, facettes articulaires), induisant une mobilité plus importante en exten-sion par rapport à celle rapportée dans l’étude de Wilke [145].

Cette évaluation est cependant limitée à seulement 2 publications. En effet la plupart des études sur les instrumentations rachidiennes sont faites sur des segments instrumentés après reproduction de lésions des structures anatomiques (altération du disque, dissection des ligaments, résection des fa-cettes articulaires etc.) ou de gestes chirurgicaux (insertion d’une cage intervertébrale, décompression discale etc.). Ces interventions locales peuvent difficilement être reproduites sur notre modèle corps rigide, car la liaison intervertébrale est représentée globalement par une matrice de raideur. De plus les publications portant sur du matériel industriel fournissent rarement les spécificités techniques des im-plants comme les dimensions, les propriétés mécaniques ou les raideurs, ce qui empêche de les modéli-ser.

Les fixations des implants sont modélisées en fixant rigidement entre elles les vertèbres portant les vis pédiculaires et sans aucune mobilité à l’interface vis/os. Le comportement du modèle est donc légèrement plus raide que dans les 2 études reproduites. Certains phénomènes comme la sur-mobilité des segments adjacents ou la réduction des ROM peuvent également être surestimés. D’autant que pour des instrumentations hautes, le rachis cervical participe à l’équilibre postural du sujet, poussant certains auteurs à intégrer sa modélisation simplifiée [116].

Très peu de modèles numériques publiés de la colonne entière ont été validés avec et sans ins-trumentation, et au mieux uniquement avec un seul implant à notre connaissance [171] [76].

L’étude de sensibilité a montré que le positionnement de la rotule entre 2 vertèbres ne modifie pas les ROM inter-segmentaires. En effet la valeur de raideur étant inchangée, la rotation de la vertèbre supérieure par rapport à la vertèbre sous-jacente sous l’action d’un couple externe reste identique.

La modélisation de la fixation par un simple point reliant la vertèbre à l’implant, et basé essen-tiellement sur la géométrie, ne permet pas un positionnement très reproductible. Cependant la variation de sa position dans le plan frontal dans les ordres de grandeur décrits dans la littérature n’affecte pas significativement les ROM, avec des différences relatives inférieures à 10%. Néanmoins cette évaluation n’a été faite que sur un seul niveau vertébral.

Le modèle peut donc simuler de manière satisfaisante les mouvements du rachis humain adulte avec et sans chargement, ainsi qu’avec une instrumentation postérieure uni ou multi-niveau.

IV.4.4. Etude sur la raideur de la suspension et le système de fixation

Les différentes instrumentations simulées limitent la mobilité segmentale dans la zone instru-mentée en flexion/extension et provoquent une sur-mobilité des segments adjacents en flexion/extension et en inclinaison latérale. Notons cependant que la sur-mobilité en L5-S1 n’est pas physiologique. En effet l’immobilisation des vertèbres après une chirurgie est souvent compensée par une modification de l’incidence pelvienne [172]. De plus nous imposons un déplacement linéaire et an-gulaire important à T1 et non en C0, le mouvement résultant peut donc ne pas être physiologique.

Nos simulations montrent une sur-mobilité des segments adjacents, un phénomène déjà décrit dans plusieurs études in vitro sur le traitement par fusion vertébrale. Bastian [173] rapportent une aug-mentation significative de la mobilité des segments sus-jacents (mais pas des sous-jacents) chez 10 sujets instrumentés en T12-L2 avec un implant de fusion. Sur un montage plus court, Molz [158] trouvent une sur-mobilité à tous les segments adjacents chez 9 sujets avec un implant en L3-L4. Ils rapportent égale-ment une diminution significative du ROM de L3-L4. Chow [174] comparent 2 fusions sur 6 sujets, avec un implant court en L4-L5 et avec un plus étendu de L4 à S1. Ils rapportent également une augmentation significative de la mobilité sus-jacente avec les 2 instrumentations, et une augmentation du ROM sous-jacent uniquement pour un implant court. Ces auteurs notent aussi que la sur-mobilité est moins importante au niveau immédiatement adjacent avec une instrumentation plus étendue, mais qu’elle se

Discussion – Etude sur sujet sain

Margot ODET

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En l’absence d’une rotule entre l’implant et les ancrages vertébraux, ajouter une suspension avec une souplesse axiale peut augmenter la mobilité des segments de la zone instrumentée (unique-ment en flexion/extension), en comparaison d’une tige rigide classique. Dans leur étude numérique, Rohlmann [175] comparent un implant dynamique d’une raideur axiale de 200 N/mm et pourvu de fixa-tions mobiles en rotation à une tige rigide, tous deux implantés en L3-L4. Les auteurs rapportent, comme nous, que l’implant dynamique avec rotule réduit la sur-mobilité des segments adjacents et améliorent la mobilité du segment instrumenté. Cependant, ils trouvent une différence très faible entre les 2 instru-mentations (< 1 degré). Ils ont également testé plusieurs valeurs de raideur axiale et montrent que la mobilité de la zone instrumentée n’augmente de plus d’un degré que pour des raideurs inférieures à 100 N/mm. Malgré les différences entre nos instrumentations multi-niveaux et leur implant court, nos résul-tats concordent et renforcent l’hypothèse qu’une suspension combinée à des fixations rotulées peut être bénéfique pour la mobilité vertébrale post-opératoire.

Nous constatons cependant que les systèmes de fixation ont une très grande influence sur les ROM. Ajouter uniquement une rotule entre une tige classique et les ancrages vertébraux pourrait être suffisant pour améliorer la mobilité dans la zone instrumentée et minimiser la sur-mobilité adjacente. Au contraire apporter une plus grande souplesse longitudinale ne serait pas suffisant sur les montages étendus à plusieurs niveaux vertébraux. Cependant la stabilité à long terme d’une telle instrumentation n’a pas été étudiée sur des colonnes en croissance. De plus, trop de mobilité aux fixations pourrait être préjudiciable à l’amplitude de la correction de la scoliose, comme cela a déjà été constaté entre les fixa-tions par crochets et celles par vis pédiculaires [176].

La force normale sur les fixations quelle que soit la configuration est largement inférieure à celle requise pour arracher les vis pédiculaires [177]. Néanmoins les valeurs absolues que nous rapportons ici ne sont valables que pour le sujet adulte modélisé. L’utilisation de rotule entre l’implant et les ancrages réduit légèrement cette force. En effet aucun couple ne peut être transmis entre la colonne et les vis dans ce cas. Cependant en réalité les rotules sont rapidement en butée lors des mouvements de grande amplitude, comme la flexion/extension, à cause des contacts avec les structures anatomiques adja-centes. L’avantage des fixations avec rotule pourrait donc être plus limité in vivo.

Ajouter une suspension à une tige réduit significativement le cisaillement dans les fixations. La plus grande flexibilité longitudinale pourrait réduire les efforts passant par l’instrumentation et donc moins contraindre les vis. Réduire le cisaillement des vis est avantageux pour augmenter la résistance en fatigue des ancrages vertébraux. Brasiliense [177] rapportent une rupture en fatigue à 140 N de cisaille-ment chez 10 spécimens instrucisaille-mentés avec des vis à double filetage. Si une plus grande flexibilité axiale pouvait amener l’effort de cisaillement en-dessous de ce seuil, ajouter une fixation rotulée pourrait au contraire contrebalancer cet effet.

IV.5. Résultats – Etudes sur sujet scoliotique

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