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Discussion et perspectives

Dans le document Rapport technique du projet OGRE (Page 51-55)

Présentation du modèle

7. Discussion et perspectives

7.1 Itérateurs et intervalles circonstanciels : point de vue « entensionnel » versus

point de vue « modèle »

Il y a très clairement un lien entre : 1) la notion d’itérateur ici décrite et 2) la description des intervalles circonstanciels (pour une itération) en termes de série, décrite dans le texte de Gérard Becher et Patrice Enjalbert.

Une première idée, qui a le mérite de la simplicité, serait de dire que la série introduite par un circonstanciel (plus généralement spécifiée par un adverbial) sert d’ancrage temporel pour la répétition du procès modèle. L’itérateur en quelque sorte se réduirait à l’intervalle non

convexe du circonstanciel (de l’adverbial). C’est d’ailleurs le cas en ce qui concerne l’une des classes d’itérateurs, la classe ItérateurParIntervalle (et donc, par héritage, sa classe fille CalendaireRégulier).

Toutefois, la discussion a fait apparaître une différence de point de vue entre les deux

approches. Dans le présent texte, nous insistons sur un mécanisme cognitif de focalisation sur un procès « modèle », avec sa propre temporalité, détachée en quelque sorte de l’axe temporel « conventionnel ». Alors que le modèle proposé par G. Becher et P. Enjalbert, est guidé par un point de vue clairement « extensionnel ».

Dans le présent modèle, nous avons posé qu’un itérateur était un objet permettant d’itérer un modèle itératif dans le temps. Il s'agit d'un mécanisme cognitif de focalisation sur un proçès « modèle », avec sa propre temporalité détachée en quelque sorte de l'axe temporel

« conventionnel ». Nous considérons par ailleurs que le mécanisme associé est varié, et que la donnée d’un intervalle non convexe, une série, n’en est qu’un cas particulier.

D'un autre côté, le texte de Gérard Becher et Patrice Enjalbert présente la création d'intervalles circonstanciels (pour une itération) en termes de série comme moteur de l'itération, selon un point de vue clairement « extensionnel ».

Le lien entre ces deux point de vue est une question intéressante. A la fois d’un point de vue théorique : quelle est la meilleure modélisation cognitive ? les deux points de vue cohabitent-ils (nous serions enclins à le penser) ? Et du point de vue des traitements automatiques, pour lequel une forme de synthèse est tout à fait nécessaire.Voici trois points consituant l'amorce d'un débat.

A. Les itérateurs par intervalles

Nous commençons par le cas qui pose le moins de differences de points de vue, puisque le travail réalisé par G. Becher et P. Enjalbert (qui fournit une « série ») peut être utilisé pour « nourrir » un « itérateur par intervalles ». Loin d'un opposition, il nous semble que les deux approches peuvent se compléter.

Plus précisément, une instance particulière d'itérateur par intervalles pourra se voir fournir la « série » produite par l'approche extensionnelle, et de proposer un itéré par intervalle convexe de la série. Dans l'hypothèse d'un implantation réelle de ces deux approches, l'objet « itérateur par intervalles » ne créerait pas (de façon extensionnelle) l'ensemble des itérés,

potentiellement infini (ex : « tous les matins du monde »), mais interrogerait le module qui a produit la série lorsque nécessaire (par exemple pour savoir si tel jour est concerné, ou pour connaître l'intervalle relatif au n-ième itéré, etc.). En parallèle, cet objet instancierait des itérés lorsque ceux-ci sont explicitement mentionnés linguistiquement (par exemple, dans « Tous les dimanches, ils vont à la pêche. Dimanche dernier, ils ont eu du bar », il est nécessaire d'une part de disposer de l'operateur « série » capable de restituer, potentiellement, tous les itérés, mais il est aussi nécessaire, d'autre part, de mémoriser les particularités propres à l'itéré auquel le texte réfère par « dimanche dernier »).

B. Les itérateurs numéraires

Comme nous venons de la voir, dans « tous les lundis » (calendaire régulier), c’est bien intervalle non convexe qui est le moteur de l’itérateur, celui-ci créant un itéré par convexe (donc ici, un par lundi).

Au contraire, dans « trois fois » (numéraire), nous pensons que l’itérateur n’a besoin d’aucun intervalle non convexe pour opérer le processus d’itération. Il s’agit juste de créer exactement 3 itérés. Certes, ces itérés étant ancrés dans le temps, et étant par construction disjoints deux à deux temporellement, il résulte de leurs intervalles associés un intervalle non convexe. C’est en cela que les différents points de vue convergent. Mais cet intervalle résultant est obtenu en bout de chaîne, et n’est donc pas, de notre point de vue, l’initiateur de l’itération.

(33) De toute sa vie, il n’a vu que trois fois son père. C’était en 1987, en 1989, et en 1995. (34) En 1987, en 1989 et en 1995, il a vu son père.

Dans l’exemple (33), il y a de notre point de vue création de trois itérés (disjoints

temporellement) dans la première phrase. Puis, la deuxième phrase vient localiser (avec un grain assez gros) chacun des itérés sur l’axe temporel (chacune des années évoquées devant recouvrir l’un des itérés). Par contre dans (34), c’est un intervalle non convexe (une « série ») qui est à l’origine de l’itération (et le fait qu’il y a trois itérés n’est pas marqué

linguistiquement, il est inféré en comptant le nombre de convexes composant le non convexe), et un itéré est placé dans chacun des composants convexes.

Il est intéressant de constater que ces deux exemples sont sémantiquement proches (création de 3 itérés localisés dans le temps), mais mettent en jeu des mécanismes différents.

C. Les itérateurs événementiels

Le cas des itérateurs événementiels nous semble plus délicat. (35) Quand je me promène, je rencontre Jean

Dans la partie 3.5. du chapitre précédent, il est proposé qu’une extension de la théorie SdT aux itérations permette de créer une série comme intervalle circonstanciel associé à la subordonnée.

Dans la présente partie, nous « évacuons » la question des intervalles circonstanciels vis-à-vis de l'itération, en faisant du procès même de la subordonnée le moteur de l’itération : pour chaque occurrence (événement) du procès décrit dans la subordonnée (je se promener), il y a création d’un itéré. De plus, le procès de la subordonnée fait partie intégrante de l’itération : ce qui est répété est un modèle itératif où le narrateur se promène et rencontre Jean au cours de sa promenade. C'est plus flagrant encore dans l'exemple (38) où le procès décrit dans la principale semble être en relation de méronomie avec celui de la surbordonée, ce dont ne rendrait pas compte une approche basée sur des intervalles qui présenterait ceci comme une coïncidence (au sens « un hasard ») temporelle : le fait que le sujet emprunte le boulevard Malsherbes n'est pas à rattacher (uniquement) à des intervalles temporels, mais doit être présenté comme faisant partie intégrante de « il venir ». C'est ce dont le modèle itératif des itérateurs événementiels essaie de rendre compte en intégrant le procès relatif à la

subordonnée, et en permettant ainsi à ce dernier d'être en relation intime avec les autre procès modèles du modèle.

Il reste que cette question est encore très ouverte, et il nous semble même que l'on puisse établir un certain continuum entre des itérations plutôt induites par l’intervalle non convexe (série) issu de la subordonnée, comme en (36), et des itération clairement articulée autour du procès de la subornée, comme en (38).

(36) Quand j’ai le temps / Quand il fait beau, je me promène. (37) Quand il vient, il est heureux.

(38) Quand il vient, il passe par le boulevard Malsherbes

Il serait intéressant de comparer plus avant les différences et similitudes sémantiques qu'il y a entre (37), construit avec « quand », et (39), construit avec « à chaque fois que ».

(39) A chaque fois qu’il vient, il est heureux.

Finalement, les deux points de vue se rejoignent quant au résultat produit (on retrouve toujours, en fin de compte, une série), la distinction se faisant sur la façon d’appréhender la construction de l’itération.

7.2. Perspectives

Comme nous avons pu le voir en 7.1, une perspective intéressante est d'approfondir les rapprochements possibles entre les différents points de vue. Tout d'abord d'un point de vue théorique, notamment dans une perspective de modélisation cognitive de l'itération. Les deux approches pourraient correspondre à deux processus cognitifs parallèles. Puis d'un point de vue pratique, puisque nous avons vu que dans certains cas les deux approches pourraient d'ores et déjà collaborer.

Notons pour finir que la notion de procès modèle pose en soi d’intéressantes questions théoriques. Il semble que les mécanismes mis en œuvre aient une certaine similarité avec la

notion de monde possible du Eco de Lector in fabula ou avec les espaces mentaux de Fauconnier. Et un lien également avec les modalités, dans la mesure où il s’agit bien d’un procès « virtuel ».

Sémantique des Compléments Circonstanciels Temporels

Dans le document Rapport technique du projet OGRE (Page 51-55)