• Aucun résultat trouvé

Au cours du siècle dernier, plusieurs techniques de décompression de l'orbite visant à

réséquer l’une ou plusieurs parois osseuses de l’orbite ont été décrites par des spécialistes

dans les domaines de l'oto-rhino-laryngologie, de la chirurgie plastique, de la chirurgie

maxillo-faciale et de la neurochirurgie (45–48). Ces approches traditionnelles ouvertes sont

limitées par une exposition sous-optimale et sont associées à une morbidité significative

(des incisions transfaciales, de la cavité buccale ou de la conjonctive).

La décompression orbitaire endoscopique des parois orbitaires médiane et inférieure dans

l'orbitopathie dysthyroïdienne a été décrite pour la première fois par Kennedy et al.et peu

de temps après, par Michel et al., au début des années 1990 (49,50).

Depuis, l’approche endoscopique a été largement acceptée comme alternative ou

complémentaire des approches traditionnelles trans-orbitaire ou trans-faciale et même

devenue l'approche préférée pour le traitement chirurgical de la neuropathie optique

dysthyroïdienne par beaucoup d'otolaryngologistes et de neurochirurgiens (51).

Cette technique présente les avantages d'une exposition optimale et inégalée de l'apex

orbitaire et de la face exocrânienne de la base du crâne, de la préservation de l'olfaction et

d’un meilleur résultat esthétique.

L'expérience a démontré que la décompression orbitaire endoscopique est une technique

moins invasive et efficace pour le traitement de l'orbitopathie de Basedow (52,53).

Cependant, l’amélioration de la qualité de vie des patients opérés par voie endoscopique en

comparaison aux voies hautes reste à démontrer par des études prospectives notamment

les suites rhinologiques.

L’endoscopie est limitée par l’impossibilité d’accéder à la paroi latérale de l’orbite ou de

permettre une résection complète du plancher orbitaire, ce qui limite par conséquent

d’avoir une réduction maximale de l’exophtalmie. Cependant, dans les cas de neuropathie

basedowienne, l'amélioration de la vision est le principal objectif de la chirurgie et aucune

corrélation statistique entre la réduction quantitative de l’exophtalmie et l'amélioration de

l'acuité visuelle a été mise en évidence (1).

En outre, une exophtalmie marquée est souvent absente chez les patients souffrant de

neuropathie optique dysthyroïdienne. Il est probable que le déplacement antérieur du globe

et l’exophtalmie résultante sert de forme de décompression antérieure et donc diminue la

pression au niveau de l'apex orbitaire(16).

Les techniques endoscopiques de décompression du nerf optique dans les pathologies

tumorales, les neuropathies traumatiques, l’hypertension intracrânienne idiopathique ont

été largement décrites dans la littérature(43,54–57).

Cependant, très peu d’études traitent spécifiquement de la décompression de la portion

intra canalaire du nerf optique par voie endoscopique dans la neuropathie dysthyroïdienne

(

Tableau 4

).

L’originalité de la technique présentée dans notre étude est d’associer la résection

uniquement la paroi médiale de l’orbite à une décompression du nerf optique et enfin ouvrir

la péri orbite jusqu’à sa jonction avec la gaine durale du nerf optique.

Nous avons eu une double réflexion, anatomique et physiologique. Sur les différents

examens d’imagerie, on observe une compression de la tête du nerf optique à sa sortie du

canal optique au niveau de l’anneau tendineux (appelé tendon annulaire ou anciennement

anneau de Zinn). Cet effet compressif des muscles oculomoteurs perturbe sans doute la

vascularisation du nerf optique compte tenu des rapports anatomiques dans cette région

(Cf. Anatomie et Technique chirurgicale). Nous pensons par ailleurs que la décompression

osseuse du canal optique permet de lever l’angulation résultant d’une part de l’empreinte

de la cellule d’Onodi et d’autre part l’étirement du nerf secondaire à l’hypertrophie des

muscles oculomoteurs (figure ci-dessous). Flèches jaunes : rétablissement d’une trajectoire

moins angulée du nerf optique après ouverture du canal optique et de la paroi médiale de

l’orbite, comparée à l’angulation du nerf optique gauche avant décompression (flèche

verte).

Figure 16: Coupe axiale de TDM orbitaire montrant l’effet compressif sur le nerf optique par les muscles extra-oculaires et de la cellule d’Onodi

Notre hypothèse est qu’une résection limitée à la paroi médiale de l’orbite ne permet pas de

décomprimer de façon suffisante le nerf optique (

Figure 17

). Notre série comporte 5 patients

aux antécédents de décompression orbitaire sans libération du nerf optique avec une

persistance d’encombrement de l’apex orbitaire et neuropathie optique. Nous émettons

l’hypothèse qu’une décompression du nerf optique améliore de façon plus efficace l’effet

décompressif sur le nerf optique et rétablit une meilleure vascularisation du nerf. Ceci reste

à démontrer objectivement par la réalisation d’échographie doppler per op après

décompression de l’apex et avant et après décompression du canal optique.

Par ailleurs, la pérennisation de cette amélioration visuelle à long terme reste à mettre en

évidence car notre recul reste modeste.

Figure 17: IRM orbitaire préopératoire illustrant l'effet compressif des muscles oculomoteurs

hypertrophiés sur le nerf optique à sa sortie du canal optique, au-delà des limites de la paroi médiale de l’orbite.

Figure 18: TDM post opératoire mettant en évidence la résection du canal optique osseux et la paroi médiane de l'orbite droit

Tableau 4 : Résumé des séries publiées sur la décompression orbitaire par voie endoscopique endonasale dans l’orbitopathie basedowienne associée ou non à une neuropathie optique sur les 10 dernières années.

AV, acuité visuelle; BCVA, best corrected visual acuity; PIO, Pression intra oculaire; CV, champ visual, Exoph, exophtalmie

En préservant la paroi inférieure de l’orbite, nous réduisons le risque de diplopie

postopératoire, qui est la complication la plus fréquente dans les décompressions orbitaires

endoscopique dont la prévalence varie entre 17% et 80%. Ceci évite également, une hernie

de la graisse orbitaire dans le sinus maxillaire et les cavités ethmoïdales pouvant retarder

par obstruction le flux des sinus maxillaires et frontaux. Cette obstruction des sinus peut être

responsable de sinusite dans 4,6% à 20% des cas(58).

Nous n’avons pas constaté de complication postopératoire précoce (épistaxis, fuite de

liquide cérébrospinal) ni de complications tardive (sinusite).

Dans notre étude, cinq patients avaient un antécédent de chirurgie de décompression

orbitaire par abord haut ou par voie endoscopique ORL sans ouverture de l’apex orbitaire.

Parmi eux, nous avons constaté 3 échecs de la décompression avec des paramètres visuels

non améliorés en post opératoire. Du fait de leur antécédents, le délai entre le diagnostic de

neuropathie dysthyroïdienne et la décompression endoscopique du canal optique a été

nettement rallongé. Il est très probable que ce facteur ait influencé le résultat post

opératoire.

Parmi ces patients avec un antécédent de décompression orbitaire, nous avons constaté un

cas de rechute d’orbitopathie basedowienne avec récidive de neuropathie optique à 8 mois

d’une décompression bilatérale. Dans ce cas le taux sanguin de TRAK était très > 40 ui/l

Auteur /Année Nb patients (orbites) Nb NOD Complication Paroi orbitaire retirée Décompression Canal optique Amélioration visuelle AV PIO CV Exoph Goodstein & Kennedy, 1990 9 4 33% Diplopie Médiale & inférieure Non Global 75% (3/4)

Chu & al., 2009

5 (6) 5 Non Médiale Non AV 5/6

She & al., 2012 25 (42) 1 fuite LCR Médiale et inférieure Non Augmenté de 0,45 +/- 0,34 à 0,70 +/- 0,35 -4,38 +/- 0,80 -2,07 +/- 0,29 Gulati & al.,

2015 37 (66) Sinusite, diplopie 19%; aggravation diplopie 22%; perte abduction – élévation 54% Médiale et inférieure Non 21% BCVA passé de 0,8 à 1 -4 mm Notre etude en cours 17 (23) 23 17,6% Rhinite crouteuse 11,7% diplopies Paroi médiale et canal optique 23 69,5% -13,7% 82,6% -18,3%

contre 19 ui/l au début de la maladie. La TDM orbitaire montrait une hypertrophie des

muscles extra-oculaires avec des nerfs optiques libres au niveau des canaux optiques. Il donc

important de maintenir un contrôle de la maladie afin de maintenir l’efficacité de la

décompression. Ce cas nous amène à nous interroger sur nos connaissances de la

physiopathologie de la neuropathie optique basedowienne et qu’il ne s’agit pas uniquement

d’une neuropathie compressive. Il pourrait y avoir une participation immunitaire concernant

directement le nerf optique.

Nous avons, dans notre cohorte, un cas de décompensation aigue de la neuropathie optique

dysthyroïdienne par effort de vomissement (59). Notre hypothèse est que l’hyperpression

orbitaire causée par les efforts de vomissements a aggravé brutalement la compression du

nerf optique. La survenue d’éclipses visuelles d’origine positionnelle a déjà été rapportée

dans la littérature chez des patients atteints de neuropathie optique dysthyroïdienne par ce

même mécanisme (60).

Le nombre non négligeable de patients présentant de multiples antécédents de

décompression orbitaire avec une neuropathie optique chronique (> 6 mois) altère les

résultats postopératoires de notre étude. Certains paramètres visuels n’ont pu être

pleinement exploités dans nos résultats en raison de données manquantes pour quelques

patients. En standardisant le suivi ophtalmologique, nous pourrions étudier plus de

paramètres visuels comme l’ouverture palpébrale, la vision des couleurs, dans le cadre d’une

étude plus vaste et sur un temps de suivi plus important.

Documents relatifs