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4.1 Introduction

Les algorithmes d’inversion pour réaliser la tomographie nécessitent des observables (temps, amplitudes, angles ...) associées à un modèle théorique du milieu de propagation [Munk 1995]. Comme cela a été mentionné, cette extraction d’observables est rendue difficile en milieu petit fond par la propagation complexe. Une solution consiste alors à utiliser des antennes d’émission-réception et à réaliser un traitement d’antenne pour séparer les arrivées acoustiques et extraire les observables associées à chaque arrivée.

Dans ce chapitre, nous nous intéressons particulièrement à l’extraction de ces observables par deux nouvelles méthodes :

— la Double Formation de voies,

— la méthode Haute Résolution Double MUSICAL, Dispositif expérimental

Le dispositif expérimental est composé de deux antennes verticales : une antenne d’émetteurs et une antenne de récepteurs placées face à face schématisées sur la figure 4.1. Le principe est le suivant : au cours de la campagne, chacune des sources émet (l’une après l’autre) un signal qui se propage et est enregistré sur l’antenne de récepteurs. En supposant que le temps nécessaire pour réaliser l’ensemble de ces tirs est court par rapport à l’échelle temporelle de variation de l’océan, il est possible de regrouper ces signaux dans un cube de données constituant une "expérience", représentant l’état de l’océan à "un instant donné", et contenant l’ensemble des fonctions de transfert entre chaque source et chaque récepteur. Ce processus est ensuite répété, permettant d’avoir une nouvelle expérience, représentant l’état de l’océan à un instant ultérieur.

Pour une expérience donnée, nous avons à disposition un cube de données p(t, zr, ze) où t représente le temps, zr la profondeur du récepteur et ze la profondeur de la source. Chaque signalp(t, zr0, ze0) correspond au signal temporel reçu par le récepteur à la profondeur zr0 pour une émission de l’émetteur à la profondeur ze0 et l’ensemble des signaux représente le "cube de transfert" entre l’ensemble des sources et des récepteurs. La figure 4.2 montre un exemple de cube de données extrait d’une expérience petite échelle.

Eau

FOND (Roches, sable, ...)

Antenne de récepteurs

Figure 4.1 – Schéma d’une expérience double antenne [Iturbe 2010].

L’objectif de la tomographie sera donc d’estimer les perturbations des paramètres physiques (vitesse des ondes, densité, hauteur de la surface suivant la tomographie concernée) entre deux expériences, une expérience dite "de référence" et l’expérience "perturbée", c’est à dire entre deux cubes de données p0(t, zr, ze) et pp(t, zr, ze), où l’indice p signifie "dans le milieu perturbé". En répétant cela, nous pourrons alors imager la dynamique d’un phénomène de convection dans une tranche d’océan ou encore le passage d’une vague à la surface à partir d’une successions d’"expériences" (ou acquisitions). Pour donner un exemple, l’imagerie dynamique d’un phénomène de convection sera réalisé avec 500 acquisitions successives, permettant d’imager le milieu toutes les 0.1 secondes.

La première tâche consiste donc à extraire les observables d’intérêt sur un cube de données.

Difficultés rencontrées

Les guides d’ondes auxquels on s’intéresse ici produisent des propagations à trajets multiples, dues à la réfraction et aux réflexions du champ acoustique sur le fond et la surface de la mer. Ainsi, les différents trajets apportent des informations différentes, qui peuvent servir à améliorer la qualité de l’inversion. La propagation à trajets multiples est ainsi une source d’information importante, permettant d’améliorer la tomographie.

Malheureusement, cette propagation produit aussi un effet non désiré : les champs interfé-rants. En effet, les trajets ayant des temps de propagation similaires produisent des échos non séparés sur le champ enregistré. Celui-ci correspond ainsi à l’interférence de plusieurs ondes. On peut observer les arrivées acoustiques mélangées sur la figure4.2, chaque arrivée acoustique étant un plan dans le cube de données.

Ce champ très sensible aux variations du milieu est très difficilement interprétable, et donc très difficilement exploitable pour la tomographie. C’est dans ce contexte que le traitement de signal trouve sa place en tomographie : il doit proposer des méthodes pour extraire des données enregistrées, le plus grand nombre d’observables, et ceci avec la meilleure qualité possible. En effet, dans tout problème de tomographie, plus le nombre de rayons utilisés est important, meilleure est la résolution spatiale après l’inversion.

détec-4.1. Introduction 71

Figure 4.2 – Signal mesuré avec un système d’acquisition double-antenne (émission et réception) [Aulanier 2013a].

tion/estimation consiste à détecter les arrivées d’ondes, puis à estimer les observables associées ; (2) la tâche d’identification, consiste à associer ces observables au modèle théorique du milieu de propagation.

Lorsqu’on a une observable donnée pour laquelle les deux tâches ont été résolues, on parle d’observable résolue. Ces observables peuvent donc être utilisées dans l’algorithme d’inversion. Par contre si l’une des tâches n’a pas été réalisée correctement, on parle d’observable non ré-solue. Cette observable ne pourra pas être utilisée dans l’inversion. La qualité de la tomographie dépend fortement du nombre d’observables résolues.

Traitement d’antenne

Pour réaliser ces tâches, plusieurs méthodes ont été proposées dans la littérature et peuvent se diviser en deux groupes [Krim 1996] : les méthodes dites de séparation et les méthodes Haute Résolution. Un état de l’art sur ces méthodes est présenté dans [Iturbe 2010]. Parmi les méthodes classiquement utilisées, la Formation de voies à la réception (FV), appliquée sur une antenne de récepteurs enregistrant le signal émis par un unique émetteur, permet de séparer les rayons entre la source et un récepteur de référence à partir de leur angle de réception et de leur temps de propagation. Une revue des différentes méthodes de formation de voies est disponible dans [Veen 1988].

Nous nous plaçons ici dans la configuration plus complexe mais plus riche d’une antenne de récepteurs et d’une antenne d’émetteurs. Dans ce cadre, et sous certaines hypothèses (réciprocité spatiale et stationnarité du milieu pendant l’acquisition), nous proposons deux méthodes de traitement d’antenne : la double formation de voies (DFV) : en réception et en émission [Roux 2008, Nicolas 2008a] et une méthode Haute Résolution : Double MUSICAL [Le Touzé 2012].

Ces doubles transformations introduisent une nouvelle dimension angulaire et permettent de séparer les différents rayons, non seulement par rapport à leur temps de propagation et angle de réception, mais également par rapport à leur angle d’émission. De plus, nous possédons alors trois informations : temps, angle de réception, angle d’émission permettant

d’associer plus facilement le rayon extrait à un trajet théorique.

4.2 Double Formation de Voies

Principe

La double formation de voies (DFV), initialement proposée par P. Roux [Roux 2008] puis développée ensuite en collaboration entre Gipsa-lab (I. Iturbe et B. Nicolas) et ISterre (P. Roux) [Nicolas 2008a], est basée sur le principe de réciprocité spatiale entre un réseau émetteur et un réseau récepteur. L’idée est de réaliser une Double Formation de Voies (DFV), sur le réseau de réception mais également sur le réseau d’émission afin d’isoler chaque rayon acoustique par son temps de propagation, son angle d’émission et son angle de réception.

Pour réaliser cette double formation de voies (DFV) et aboutir à une meilleure séparation des rayons se propageant entre un émetteur donné et un récepteur donné (appelés ensuite émetteur de référence et récepteur de référence), deux étapes sont nécessaires ; à partir du cube initial de données p(t, zr, ze) :

1. On réalise une formation de voies classique sur chaque plan p(t, zr, zek) correspondant aux données émises par l’émetteurk et reçues sur la sous-antenne de réception (choisie en fonction du récepteur de référence considéré en zr0). Réalisant cette opération pour tous les k, on obtient un cube de données p(t, θr, ze) (figure4.3).

00000000000000 00000000000000 00000000000000 00000000000000 00000000000000 00000000000000 11111111111111 11111111111111 11111111111111 11111111111111 11111111111111 11111111111111 00000000000000 00000000000000 00000000000000 00000000000000 00000000000000 00000000000000 11111111111111 11111111111111 11111111111111 11111111111111 11111111111111 11111111111111 ze ze zr θr t t

Figure 4.3 – Première formation de voies : p(t, zr, ze)→ p(t, θr, ze) [Nicolas 2008a]. 2. L’hypothèse de réciprocité spatiale du milieu est alors utilisée [Morse 1953,Morse 1996].

La réciprocité spatiale consiste à dire que le champ de pression produit sur un point B par un signal s(t) émis d’un point A, est le même que le champ qui aurait été produit en A, si on avait émis s(t) de B. Sous cette hypothèse, on peut interpréter chaque plan p(t, θrk, ze) pour un angle de réception fixé θrkcomme étant l’enregistrement sur l’antenne d’émission, d’une onde partie du récepteur de référence avec l’angle θrk. On peut donc voir ces données comme correspondant à un enregistrement sur une antenne, et appliquer à nouveau la formation de voies sur une sous-antenne de l’antenne d’émission (choisie en fonction de l’émetteur de référence considéré en ze0 ). Le principe est schématisé sur la figure4.4.

Réalisant cette opération pour tous les angles de réception θrk , on obtient le cube p(t, θr, θe) contenant l’ensemble des rayons se propageant entre le couple émetteur-récepteur de référence.

Dans ce domaine final(t, θr, θe) on pourra séparer les rayons par leur temps de propagation t, leur angle de réception θr, et leur angle d’émission θe. On a ainsi ajouté un nouveau critère de séparation, qui est l’angle d’émission, dont on montrera l’intérêt dans la section suivante.

4.2. Double Formation de Voies 73

Figure 4.4 – Deuxième formation de voies : p(t, θr, ze)→ p(t, θr, θe) [Nicolas 2008a]. Expression mathématique

L’expression mathématique de la DFV est donnée par l’équation4.1 :

p(t, θr, θe) = 1 NeNr Nr X i=1 Ne X j=1 aibjp(t + τir) + τje), zri, zej) (4.1)

où Nr et Ne sont respectivement le nombre de récepteurs/émetteurs choisis pour réaliser la formation de voies (i.e. les tailles des sous-antenne d’émission et de réception), zri et zej, les profondeurs du i-ème récepteur et du j-ème émetteur, aibj le coefficient de pondération du signal émis par la source j et reçu sur le récepteur i. τi (resp.τj) est le retard, entre le récepteur i (resp. l’émetteur j) et le récepteur (resp. l’émetteur) de référence, d’une onde plane arrivant sur l’antenne avec un angle de réceptionθr (resp. d’émission θe).

Concernant les sous-antennes choisies pour réaliser le DFV dans le cadre d’un processus de tomographie, nous avons réalisé des études [Iturbe 2010, Marandet 2011a] montrant qu’il est nécessaire de réaliser un compromis entre le pouvoir de séparation de la DFV (avec des grandes sous antennes) et les amplitudes des variations mesurées (sous-antennes plus petites plus sensibles).Un exemple représentant un choix possible de sous-antenne est présenté sur la figure4.5.

Figure 4.5 – Choix des sous-antennes [Iturbe 2010]

Intéret de la Double Formation de Voies

Par ailleurs, nous avons étudié les avantages liés à la DFV. Ceux-ci sont doubles : (1) la DFV permet tout d’abord d’extraire sans ambiguïté des données un rayon acoustique et de suivre au cours du temps les observables (t, θr, θe) associés à celui-ci [Iturbe 2007, Nicolas 2008a] (pouvoir de séparation et d’identification des rayons) ; (2) le gain d’antenne dû à la DFV permet d’observer chaque rayon acoustique même pour un rapport signal à bruit très défavorable [Nicolas 2008a]. Ainsi, grâce au gain d’antenne, la puissance émise par l’antenne émettrice peut rester faible tout en préservant une parfaite extraction des rayons acoustiques.

Une illustration du pouvoir de séparation des rayons par DFV par rapport à la Formation de Voies en réception (FV) est présentée sur la figure4.6à partir de données réelles provenant de la campagne d’acquisition FAF03 réalisé en 2003 au large de l’île d’Elbe [Roux 2004]. Différentes études de ces signaux ont été réalisées pour montrer l’intérêt de la formation de voies. Nous présentons ici un unique exemple, issu de [Nicolas 2008a], pour lequel la FV classique ne permet pas la séparation de certains rayons alors que la DFV fournit des résultats satisfaisants en séparation et identification.

La configuration expérimentale est composée de deux antennes verticales (une antenne d’émetteurs, et une de récepteurs) distantes de 8.6 km. La profondeur du milieu est d’environ 115 m. L’antenne d’émetteurs est composée de 29 émetteurs équi-distants (d = 2.78 m) couvrant une profondeur de 78 m. L’antenne de récepteurs est composée de 32 récepteurs équi-distants (d = 2 m) couvrant une profondeur de 62 m. La fréquence centrale des signaux enregistrés est de 3,4 kHz, avec une largeur de bande de 1kHz.

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000 100 50 0 Distance (m) Profondeur (m) (a) Rayons : ze0= 87,3 m, zr0= 39,3 m Temps (s) Angle (degre) 5.72 5.74 5.76 5.78 −10 −5 0 5 10 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1

(b) Résultat Simple Formation de Voies (c) Résultat Double Formation de Voies

Figure 4.6 – Resultats obtenus sur les données réelles de la campgne FAF03 : (a) Tracé théo-riques des rayons, (b) Résultat de la S-FV, (c) Résultat de la D-FV [Nicolas 2008a].

Étudions le cas de deux des rayons se propageant entre la source à ze0 = 87, 3 m et un récepteur de référence virtuel à zr0 = 39, 3 m (figure 4.6-a). La figure 4.6-b montre le résultat de la FV, deux croix indiquant les positions théoriques des deux rayons. On observe une unique "tache" due aux interférences des arrivées des deux rayons, il n’est donc pas possible de séparer ces rayons pour mesurer leur temps de trajet. Ce phénomène apparaît fréquemment pour des

4.3. Double MUSICAL 75

rayons ayant des angles de réception et des temps de propagation proches.

Une possibilité consiste alors à appliquer la DFV (figure 4.6-c), nous obtenons un cube p(t, θr, θe) dont nous observons des coupes à t fixé (pour une visualisation plus aisée). Dans l’espace (t, θr, θe), les deux rayons sont parfaitement séparés, grâce à leurs angles d’émission très différents. Il est alors possible de mesurer leur temps de trajet ainsi que les observables angles et amplitude et de les associer (étape d’identification) avec les rayons théoriques obtenus par simulation (représentés par des croix sur la figure4.6-c).

Pour préciser les ordres de grandeur du gain apporté par l’utilisation de la DFV en rempla-cement de la FV classique, le tableau 4.1 présente le pourcentage moyen d’arrivées acoustiques séparées et identifiées par les différentes approches : Point à Point (P-a-P, i.e. directement sur le signal temporel enregistré), FV classique en réception (FV) et DFV. Gràce à la DFV, 90 % des arrivées acoustiques sont séparées et identifiées permettant leur utilisation en tomographie acoustique océanique.

P-à-P FV DFV

Paramètres t θr,t θer,t

Gain RSB (dB) 0 20∗ log Nr 20∗ log Nr+ 20∗ log Ne

Ray. sep./ident. 15% 75% 90%

Coût calcul O(Nr) O(NrNe)

Table 4.1 – Comparaison des méthodes d’extraction d’observables : Point à Point (P-àP), For-mation de Voies (FV) et Double ForFor-mation de Voies (DFV) [Iturbe 2010].

Cependant, les premières arrivées acoustiques, correspondant aux trajets ayant eu le moins de réflexions sur la surface et sur le fond, restent généralement difficiles à séparer car elles ont des temps de propagation, angles d’émission et angles de réception proches. Ces ondes étant potentiellement riches en information pour la tomographie, nous avons proposé une méthode de traitement d’antenne Haute Résolution pour les séparer : Double MUSIC Actif Large bande (Double MUSICAL) [Le Touzé 2012].

4.3 Double MUSICAL

Double MUSIC Actif Large bande (Double MUSICAL) est une extension de l’algorithme MUSIC Active Large Bande [Gounon 1995] à trois dimensions. En parallèle de l’extension de dimension, la problématique du lissage de la matrice interspectrale a été abordée et nous avons proposé une nouvelle technique.

Principe des méthodes haute-résolution

Les méthodes de traitement d’antenne haute-résolution exploitent la décomposition du domaine d’observation en un sous-espace signal et un sous-espace bruit. Elles s’appuient sur la décomposition en éléments propres de la matrice interspectrale. La plus utilisée d’entre elles, MUSIC, part d’une modélisation en bande étroite sur une dimension, l’antenne de réception, et ne dépend que du paramètre à estimer angle de réception θr [Bienvenu 1980]. Des extensions de MUSIC au cas deux dimensions ont été proposées [Schmidt 1986]. Plus récemment, une estimation conjointe du temps de propagation T et de l’angle de réception θr a été proposée dans une configuration composée d’une antenne de réception et de signaux large bande (MUSIC

Active Large bande : MUSICAL) [Gounon 1995].

Nous avons proposé une extension de cette méthode dans le cas expérimental d’une double antenne d’émission-réception, permettant l’introduction d’une variable supplémentaire dans l’es-pace après traitement d’antenne : l’angle d’émission θe.

Contraintes expérimentale

Nous souhaitons réaliser la séparation des arrivées acoustiques et la mesure des observables pour un milieu évoluant dans le temps. Il est donc problématique d’enregistrer différentes réali-sations à différents instants car le milieu change entre deux réaliréali-sations. Par conséquent, nous ne pouvons considérer qu’une unique réalisation pour réaliser le traitement d’antenne permettant l’extraction d’observables. Cette contrainte doit absolument être prise en compte dans l’estima-tion de la matrice interspectrale.

Modèle de signal

Considérons la transformée de Fourier, par rapport au temps, du cube initial de données p(t, zr, ze) de taille Nt× Nr× Ne avec Nr le nombre récepteurs et Ne le nombre d’émetteurs, choisis pour réaliser le traitement d’antenne (i.e. autour des émetteurs et récepteurs de référence choisis). A la fréquence f , cette Transformée de Fourier X(m, n, f ) du signal reçu au récepteur m (situé à la profondeur zrm) provenant de l’émetteur n (situé à la profondeur zen) s’écrit :

X(f, zrm, zen) = S(f ) P X p=1 apexp(argp) + B(f, zrm, zen) (4.2) avec

(argp) =−2πif(Tp+ (m− mref)τ (θpr) + (n− nref)τ (θep)) (4.3) S(f ) est la transformée de Fourier du signal source à la fréquence f , B(f, zrm, zen) la transformée de Fourier du bruit additif aux coordonnées (m, n) et à la fréquence f et P est le nombre d’arrivées acoustiques (typiquement entre 10 et 20). On note X la transformée de Fourier dans cette partie (et non pas P ) pour éviter la confusion avec les arrivées acoustiques indicées par p.

Pour l’arrivée acoustiquep,

— ap est l’amplitude complexe de l’arrivée,

— Tp le temps de propagation de l’onde entre l’émetteur de référencenref et le récepteur de référencemref,

— θpr son angle de réception, — θpe son angle d’émission,

— τ (θrp) = D sin(θpr)/c et τ (θpe) = D sin(θep)/c les retards associés à ces angles (avec D la distance inter-capteurs et c la vitesse de propagation de l’onde dans l’eau au niveau des antennes)

En disposant lesX(f, zrm, zen) sous la forme d’un "long-vecteur" x de dimension Ne.Nr.F où F est le nombre de voies fréquentielles considérées, on peut réécrire l’équation 4.2sous la forme matricielle :

4.3. Double MUSICAL 77

où D est de taille Ne.Nr.F × P et contient les P vecteurs directionnels d(Tp, θpr, θpe), de taille Ne.Nr.F× 1, dépendant des paramètres (Tp, θpr, θep) que l’on souhaite estimer . Le vecteur direc-tionnel d(Tp, θpr, θpe) correspond à une onde parfaitement plane paramétrée avec (Tp, θpr, θep).

a, de taille P × 1, est le vecteur contenant les P amplitudes complexes des ondes et b, de taille Ne.Nr.F × 1 décrit le bruit.

Estimateur D-MUSICAL

La méthode développée, appelée Double MUSIC Active Large Bande (D-MUSICAL), suit la même démarche que les méthodes de type MUSIC et a été proposée dans le cadre du post-doc de G. Le Touzé dans l’ANR JCJC TOTS.

Elle consiste à estimer la matrice interspectrale R = E{xx} puis à diviser l’espace d’ob-servation en un sous-espace signal et un sous-espace bruit. Cette division est réalisée à l’aide d’une décomposition en valeurs propres en ne conservant, dans l’espace signal, que les L vecteurs directeurs associés au L plus grandes valeurs propres de R. L’estimateur consiste alors, pour chaque paramétrage donné (T, θr, θe) en l’inverse de la projection du vecteur directionnel associé à ce paramétrage sur le sous-espace bruit :

D-MUSICAL(T, θr, θe) = 1

d(T, θr, θe)HΠˆbd(T, θr, θe) (4.5) avec ˆΠb le projecteur sur le sous-espace bruit, construit à partir de la matrice interspectrale estimée ˆR. Les P estimées ( ˆTp, ˆθpr, ˆθep) sont les maxima de cet estimateur dans l’espace paramé-tré (T, θr, θe). Notons que des méthodes de type MUSIC à trois dimensions ont été proposées dans le cas de signaux multicomposantes (en sismique notamment) [Paulus 2012]. Cependant, la dimension ajoutée ne répond pas aux mêmes problématiques et il n’est par conséquent pas proposé d’estimation du paramètre θe.

Estimation de la matrice interspectrale et lissage

Classiquement, les méthodes de type MUSIC nécessitent que les sources soient décorélées, autrement dit que la matrice des amplitudesE{aa} soit de rang plein. En pratique, on parvient à construire une telle matrice grâce aux différentes réalisations du processus. Comme cela a été mentionné auparavant, dans notre configuration expérimentale, on ne possède qu’une seule réalisation et les sources se retrouvent de ce fait totalement corrélées. La matrice interspectrale estimée est alors de rang 1. La méthode proposée est alors équivalente à la réalisation d’une simple formation de voies. Afin de contourner ce problème, on emploie des techniques de lissage. Si les techniques de lissage spatial sont classiques [Shan 1985], la problématique du lissage fréquentiel est plus délicate du fait de la présence de la source dans le modèle (cf. équation 4.2). Une technique de lissage fréquentiel a été proposée dans le cadre de MUSICAL [Goncalves 1998] proposant un blanchiment des signaux avant d’effectuer le lissage ce qui rend la problématique identique à celle du lissage spatial mais peut poser problème dans la pratique en présence de bruit. Nous étendons cette technique de lissage à la troisième dimension. Ainsi la matrice interspectrale finale est la somme des matrices interspectrales calculées sur les différentes sous-antennes formées dans les trois dimensions d’enregistrement (antenne d’émission/antenne de réception/fréquence). Si l’on noteKf ,KeetKrles coefficients de lissage respectivement dans les dimensions fréquence, antenne d’émission, antenne de réception, chaque sous-antenne à trois dimensions donne lieu à un long-vecteur de donnéesxk. La matrice interspectrale estimée est alors la moyenne des matrices interspectrales ˆRk de chacune des sous-antennes et s’écrit :

ˆ R = 1 Ke.Kr.Kf Ke.Kr.Kf X k=1 ˆ Rk= 1 Ke.Kr.Kf Ke.Kr.Kf X k=1 xkxkH (4.6)

Le rang de la matrice ainsi formée est inférieur ou égal au nombre de sous-antennes et strictement supérieur à 1. Dans la pratique, on prendra un nombre de sous-antennes largement supérieur à celui du nombre d’arrivées à détecter. Notons que le terme "sous-antenne" ne réfère pas ici à la même chose que pour la DFV. Il s’agissait alors simplement des emetteurs-récepteurs considérés sur lesquels on appliquait la DFV et qui définissaient donc un "cube à traiter". Il s’agit ici de sous-ensembles pris dans le cube à traiter pour réaliser l’estimation de la matrice interspectrale (toujours pour un couple de référence fixé).

Illustration

La méthode proposée a été validée sur des simulation réalistes et ses performances ont été