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Discussion des résultats et limites de l’étude

8.1 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS

L’échantillon retenu pour bâtir notre étude ne comporte aucun biais pour ce qui concerne le sexe, l’âge ou la sévérité de la dysarthrie et la ventilation dans les groupes. Mais, sa petite taille et sa composition hétérogène se caractérisant par des valeurs très dispersées pour un faible volume d’observations, nuisent à l’émergence de tendances et rend difficile la représentativité statistique. L’application de tests statistiques sur une population, qui, une fois ventilée entre les catégories affiche un cardinal <5, peut être discutée, mais offre néanmoins l’avantage de dessiner des tendances. Sur les 6 critères, les écarts-types représentent entre 2 et 88 fois la moyenne. En outre, en limitant nos observations à 10 séances, nous avons occulté les effets à moyen terme d’une prise en charge qui se déroule traditionnellement sur une longue période. Même si Duez et Tran ont démontré par la loi du T de Student l’influence du protocole LSVT sur le HNR et la richesse harmonique (2012)(21), ils n’ont pu confirmer que l’amélioration du HPR et de la variation du F0 ainsi que la régression des ruptures de voisement étaient liées à la rééducation.

L’hypothèse 1 peut être partiellement validée sur la base de l’amélioration du nombre d’indicateurs par patient et de l’analyse des questionnaires. Bien que l’étude des cas individuels mette en évidence des évolutions sur les 6 paramètres objectifs retenus que sont le TMP, l’intensité moyenne, les marqueurs d’instabilité et les ratios indicateurs de bruit ou de souffle dans la voix (Tableau 22), nous constatons l’absence d’une amélioration générale qui concernerait tous les patients. Les indicateurs affichant la plus grande sensibilité à la rééducation dans cette étude sont la durée phonatoire et le Shimmer qui s’améliorent pour 8 patients. Il est intéressant de souligner, à ce stade, que la dépendance relevée entre le Shimmer et la sévérité de la dysarthrie, tendrait à avancer qu’une amélioration du Shimmer marque un recul du trouble. Le critère le moins sensible semble être le HPR, reflétant la composante de souffle, avec 8 patients qui enregistrent des augmentations de leur niveau : 3 d’entre eux atteignent des niveaux pathologiques, tandis que 2 autres majorent leur trouble existant initialement.

La comparaison de l’analyse perceptive de la lecture avant/après ne correspond pas strictement aux améliorations enregistrées avec Praat durant les séances. D’une part, nous n’avons sollicité que deux professionnels pour effectuer ces analyses et d’autre part, cet écart pourrait s’expliquer par l’importance de l’inter-variabilité dans le jugement perceptif (Bonastre et coll., 2007)(9). Pourtant, l’étude menée par cet auteur conclut à un

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rapprochement des évaluations objectives et perceptives pour 80% des cas (2007), alors que dans notre étude, cette corrélation n’est que de 33,5%. La limite de la généralisation des effets de la rééducation s’explique aussi par le contexte neuro-dégénératif de la maladie qui empêche le maintien des améliorations. Mais, on peut également la relier à la fréquence des entraînements, corollaire incontournable de l’efficacité d’une prise en charge. La rééducation orthophonique de la dysarthrie exige un rythme intensif basé sur 2 à 4 séances hebdomadaires pendant quelques mois, adossé à un entraînement quotidien d’une dizaine de minutes (Rolland-Monnoury, 2007)(61), garantissant « une meilleure acquisition de l’habileté motrice consistant à produire un effort et une voix forte » (Frey et coll., 2012). Dans notre échantillon, seuls P7 et P12 ont bénéficié d’un entraînement intensif.

Même si la corrélation entre le VHI et la sévérité du trouble est moyenne (60%), selon Morsomme, cité par Frey et Senepin (2012)(28), il est intéressant de noter qu’à l’exception d’un patient, tous reconnaissent une minoration de leur niveau de handicap relatif à la dysarthrie dans le questionnaire du VHI établi avant/après le protocole.

Il n’a pas été possible de démontrer statistiquement une différence de résultats dans l’évolution des performances selon que les patients étaient pris en charge individuellement ou dans un groupe thérapeutique. Le Tableau 22 confirme la dispersion des évolutions des performances entre les patients. Même si 4 des plus fortes améliorations concernent des patients appartenant au groupe thérapeutique, il est exclu d’en conclure que cette forme de prise en charge revêt une efficacité plus grande que les séances individuelles, dans le cadre de cette étude. Les 32 améliorations constatées (+) se répartissent équitablement entre les patients du groupe thérapeutique et les autres Pcp. Pourtant l’analyse qualitative confirme que le climat de groupe favorise « la cohésion, l’engagement [de chacun] et l’investissement dans la thérapie » (Vedel, 2012)(70). Il initie la mise en œuvre des fonctions de soutien (holding) et de contenance (handling) qu’on observe lorsque l’un des participants confronté à une difficulté et une souffrance, reçoit le soutien et le réconfort des autres. Le groupe stimule « le processus empathique » (Marc et coll., 2014)(43). Le renforcement identitaire, l’observation par les autres, déclenchant « un mécanisme d’auto- centration […] qui fait que le sujet devient plus conscient […] de la manière dont il se perçoit » est également stimulé par les interactions entre les membres du groupe, et participe à la dynamique groupale (Marc et coll., 2014)(43). En outre, l’encouragement continu observé entre pairs, est un facteur d’adhésion du patient à la rééducation (Hogg, et coll., 2012)(33). Cette coopération intra-groupe semble nécessaire à l’émergence d’un

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sentiment d’efficacité, comme le précise une étude menée en classe de CE1 et CE2 par (Callebaut, 2013)(12). Nous avons effectivement observé une émulation intra-groupe, exprimée au travers d’encouragements, d’explications fournies entre les participants sur la respiration ou la posture, ou encore des messages d’empathie et de compassion, contribuant à créer une atmosphère dynamique et sereine.

L’effet de la transdisciplinarité n’a pu être directement mesuré, même s’il semble, au vu des éléments qualitatifs du questionnaire que le travail postural axé sur le souffle et la relaxation génère des effets bénéfiques pour ces patients spécifiquement. Il existe très peu d’exemples d’études quantitatives de co-thérapie dans la littérature, comme le mentionne Tsakitzidis (2014), en raison de la difficulté à constituer un échantillon non randomisé. En effet, cette pratique demeure encore très souvent marginale dans les hôpitaux et difficile à mettre en place en structure libérale. Derlon précise que la co-thérapie entraîne une amélioration de la prosodie, de la coordination pneumo-phonique, de la projection vocale et de l’intelligibilité, sans qu’il ait été possible de d’effectuer une comparaison de 2 groupes distincts (2014)(20).

8.2 LES LIMITES ET LES SUITES DE L’ÉTUDE

La comparaison des différentes prises en charge orthophoniques n’a pas permis de déterminer statistiquement si l’intégration dans un groupe favorise l’amélioration des indicateurs objectifs et la dysarthrie des Pcp. Au-delà de la représentativité de notre échantillon, il est nécessaire de considérer d’autres facteurs influençant les effets de la rééducation. Au cours des séances, nous avons pu constater, sans le mesurer qu’il existe un impact réel du renforcement positif. L’encouragement du patient par le thérapeute génère souvent une production de meilleure qualité. De plus, l’importance de l’imitation dans un contexte pathologique où les patients perdent leurs repères proprioceptifs mérite d’être démontrée. En effet, certains Pcp ont eu besoin que le thérapeute leur fournisse le modèle, les indications sur les gestes à produire leur paraissant insuffisant. Enfin, le feed-back auditif et visuel représente un incontournable dans une rééducation de la dysarthrie. Il peut s’agir des commentaires du thérapeute rendant compte de la qualité de la voix ou de la parole ou d’utilisation de logiciels tels que Vocalab (Rolland-Monnoury, 2007)(61). Les enregistrements réalisés à l’aide d’un portable ont offert aux patients la possibilité de s’écouter et un visuel formalisant l’intensité de leur production. Tous ont apprécié ces options et tous ont utilisé le visuel comme un indicateur, une balise à dépasser. En outre,

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pour les Pcp souffrant d’un déficit de la boucle auditive, entendre la puissance de leur voix par un média externe participe activement à la prise de conscience de leur hypophonie.

Il aurait été intéressant d’étudier l’impact de l’entraînement de la puissance dans un contexte dysarthrique sur l’aggravation du forçage vocal, avec la méthode LSVT LOUD®. Au cours des séances, nous avons souvent interrompu une vocalisation qui débutait par un coup de glotte perceptible. En outre, la dégradation vocale marquée par l’augmentation du souffle et des bruits parasites (HNR et HPR) pourrait représenter l’indice de la mise en place d’une compensation inhérente à la nature de l’entraînement. Ce risque est également mentionné dans l’étude de Duez et coll. (2012)(21) qui relie la probabilité de l’émergence d’un forçage à l’augmentation des ruptures de voisement (voice breaks) calculée dans Praat lorsque l’intensité augmente. Actuellement, il n’existe pas d’étude étayée par des observations au laryngoscope permettant de vérifier l’intégrité des organes après une session intensive.

La motivation représente un élément fondamental dans une rééducation, d’autant plus lorsqu’elle exige un entrainement intensif, comme c’est le cas dans la dysarthrie hypokinétique. Selon Rolland-Monnoury, « l’anosognosie et l’absence de motivation seraient des freins à l’efficacité de la prise en charge » (2007)(61). Même si nous n’en avons pas tenu compte dans cette étude, l’implication du patient dans sa rééducation a naturellement pesé dans les résultats constatés.

Au cours des observations, la prise en charge collective a offert à des personnes en déficit de communication, un espace de partage dans lequel ils se sentaient intégrés et valorisés. La reconnaissance par leurs pairs revêt une valeur supérieure à celle du thérapeute soupçonné souvent d’une trop grande bienveillance. En cela, le groupe contribue plus à réduire l’anxiété du patient que la séance individuelle. Toutefois, le groupe peut parfois représenter une source d’angoisse en renvoyant à chaque patient l’image de ce qu’il est ou tend à devenir. Cette ambivalence n’a pas été abordée dans cette étude car elle exigeait l’appui d’un étayage psychologique, qui n’avait pas sa place dans un mémoire d’orthophonie.

Une autre piste à notre étude consisterait à s’appuyer sur l’identification des troubles de la marche et de la parole dans la MP, en collaboration avec des kinésithérapeutes, afin de déterminer l’existence ou non d’un lien mesurable entre ces signes. Lors de cette étude, nous avons observé une simultanéité des aggravations de la posture et de l’équilibre affligeant l’état général du patient et une détérioration de la parole et de la voix. Le bilan

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initial de P9 effectué lors de son arrivée à l’hôpital, s’est déroulé à un moment où les périodes « off » étaient fréquentes et massives. À l’inverse, P6, après avoir réalisé de nets progrès, a arbitré un compromis entre souffle et intensité, en raison de la dégradation de son état général qui se traduisait par des pertes d’équilibres pluri-quotidiennes et un affaissement postural généralisé. Quant à P10, il a mis en place des compensations nocives se traduisant par du forçage vocal lorsque son état général marqué par une grande fatigue ne lui a plus permis de maintenir son intensité vocale durant les séances.

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