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Christian WALTER (UMR SAS, ENSA-INRA Rennes)

A. McBRATNEY et R VISCARRA-ROSSEL (Université de Sydney, Australie)

E.3 Discussion-Conclusion

Une approche modulaire de simulation a été développée pour construire un pédopaysage virtuel et dynamique, qui intègre différentes caractéristiques similaires à celles observées dans les paysages réels du Massif armoricain. Ce pédopaysage possède plusieurs échelles de variabilité spatiale, résultant de processus naturels ou anthropiques qui sous-tendent les données analysées. Il contient des zones qui font l’objet d’une gestion uniforme et qui traduisent l’occupation du sol et les variations topographiques. Ces zones sont identifiées dans l’espace par des parcelles de superficie variable qui peuvent présenter une variabilité des teneurs en matière organique et de l’engorgement en eau. Enfin, des évolutions de l’occupation des sols peuvent être simulées sur plusieurs décennies, modifiant les structures spatiales des teneurs en carbone organique, à la fois à l’échelle locale et à l’échelle régionale.

1. l’état initial de la variabilité spatiale d’une propriété du sol peut être décrit comme un simple modèle additif de deux composantes stochastiques dérivant de l’analyse variographique de jeux de données existants, et d’une composante déterministe attribuée à l’influence de l’hydromorphie des sols sur le cycle du carbone. Ce simple modèle additif néglige les interactions éventuelles entre les différentes composantes mais permet de combiner des processus spatiaux présentant des portées différentes.

2. l’état initial peut être défini de façon indépendante de la phase de modélisation de l’évolution temporelle. Cette hypothèse est pour l’heure indispensable car les jeux de données existants analysent de façon disjointe les variations temporelles et spatiales des propriétés des sols, et non de façon conjointe. Cependant, certaines des évolutions très rapides observées, en particulier la décroissance brusque des semi-variances en début de simulation (Figure E. 11), peuvent être clairement attribuées à cette représentation simplifiée du système.

La modélisation a pour objet de prendre en compte les caractéristiques essentielles d’un système et néglige ce qui est considéré comme secondaire ou peu important. Dans une procédure de modélisation classique, l’exactitude de la modélisation devrait être validée en comparant les prédictions qui en sont issues à des données expérimentales. Néanmoins, dans le cas étudié ici, la validation de l’évolution des teneurs en carbone organique à l’échelle du paysage est pratiquement impossible dans son ensemble et seules des parties du modèle peuvent être comparées à des données expérimentales. Par exemple, le suivi de différentes parcelles au cours du temps permettrait de valider l’apparente réduction de la variabilité spatiale au cours du temps résultant de la gestion uniforme à l’échelle des parcelles. De même, la comparaison de sites différant par la proportion de sols hydromorphes, permettrait de tester l’importance de l’hydromorphie des sols sur la variabilité spatiale du carbone dans le paysage. Les procédures développées dans ce travail ont ainsi pour objet de simuler certains processus du bilan de carbone dans une région, en cherchant à reproduire des structures spatiales et des évolutions temporelles analogues à celles se produisant dans la réalité.

Nous avons montré qu’une application pratique de ces simulations spatio-temporelles résidait dans l’évaluation de la performance des stratégies d’échantillonnage, quant à leur aptitude à détecter l’évolution des sols au cours du temps sans biais et avec une erreur d’estimation minimale. Une telle évaluation est particulièrement utile à l’heure où de tels réseaux de surveillance des sols se mettent effectivement en place dans plusieurs pays (Mol et al., 1998 ; McKenzie et al., 2002). Nous avons montré que plusieurs configurations de réseaux de surveillance pouvaient être aisément simulées et que les valeurs estimées à partir de ces réseaux pouvaient être comparées aux « vraies » valeurs du pédopaysage virtuel. On peut ainsi juger de l’efficacité probable d’un réseau avant son installation effective. Ces travaux devront néanmoins être prolongés pour faire une évaluation complète des différentes stratégies d’échantillonnage, en particulier pour analyser l’incidence des scénarios d’évolution que l’on fixe en entrée de la simulation. De même, l’incidence de la fréquence du suivi n’a pas été analysée. Les résultats obtenus dans cette étude, indiquant de meilleures performances pour des réseaux systématiques ou stratifiés par

l’occupation du sol, sont donc à relativiser, l’évaluation faite ne prenant pas en compte un nombre de scénarios suffisants. Il apparaît néanmoins clairement qu’il existe un risque important que des réseaux de surveillance, fondés sur des stratégies d’échantillonnage inadéquates ou avec des densités insuffisantes, traduisent de façon biaisée ou avec une incertitude importante l’évolution effective des paysages qu’ils sont censés représenter.

Un dernier intérêt de ces méthodes de simulation à l’échelle du paysage est d’évaluer les effets probables de pratiques de gestion. Des gestions différentes peuvent être analysées quant à leur impact potentiel à la fois aux échelles locales et régionales en intégrant les évolutions à l’échelle de quelques décennies. Une étude en cours examine, cette fois dans le contexte australien, différentes stratégies de séquestration de carbone dans les sols, en incluant dans la comparaison des approches de type « agriculture de précision » qui prend en compte la variabilité intra-parcellaire, et des approches de gestion uniforme au sein d’une même parcelle. De même, dans un travail de thèse qui débute et cherche à évaluer l’effet du bocage sur les sols et leurs stocks de carbone, une procédure de simulation s’inspirant du travail présenté ici, va être développée pour prédire à moyen terme l’évaluation des stocks de carbone selon différents scénarios de maintien, régression ou développement du bocage.

DISCUSSION