• Aucun résultat trouvé

3. Impact rhéologique lié au développement des zones de cisaillement : approche expérimentale

3.3 Discussion et conclusion

Dans notre étude de cas expérimental, les matériaux de départ composés de plagioclase et de pyroxène ont délibérément été choisis pour être en déséquilibre aux conditions expérimentales de pression et de température. Ce déséquilibre permet de favoriser les réactions minérales. Néanmoins, nos expériences montrent qu’en l’absence de réactions minérales, les matériaux de départ (plagioclase et pyroxène) sont trop résistants pour être déformé par fluage dislocation à la vitesse de déformation appliquée. Ces observations sont cohérentes avec les études expérimentales sur la rhéologie du feldspath (e.g. Rybacki and Dresen, 2000; Dimanov et al., 2003), du pyroxène (e.g. Bystricky and Mackwell, 2001), et d’assemblages polyphasés à plagioclase et pyroxène (Dimanov and Dresen, 2005), qui démontrent que ces phases sont mécaniquement résistantes. De plus, ces observations s’avèrent également cohérentes avec des études

• Nos observations illustrent deux chemins très contrastés dans l’évolution des matériaux, selon les propriétés de la réaction : dans un cas (assemblages à Fe-Opx + Plag et Amph + Plag), les produits de réaction ont une granulométrie relativement importante et leurs nucléations n’entraînent pas d’affaiblissement significatif (principalement des amphiboles monophasées). Dans un tel cas, les produits de réaction ne sont que partiellement connectés, la résistance globale est stable et l’effet de rétroaction de la déformation sur la réaction est limité.

• Dans l’autre cas (assemblages à Mg-Opx + Plag et pure Amph), les produits de réaction à grains fins intensément mélangés sont beaucoup plus faibles que le matériau initial. Dans ce cas, la zone mécaniquement faible tend à former une zone interconnectée qui conduit à un affaiblissement macroscopique important, et l’augmentation drastique de la proportion des produits de réaction avec l’augmentation de la déformation suggère un effet de rétroaction important.

• Globalement, la valeur du pic de contrainte initial (qui détermine où la déformation se localise initialement) et l’affaiblissement important de la rhéologie associé au développement de zones mélangées à grains fins (qui détermine si les bandes de cisaillement s’épaississent ou non) semblent être largement contrôlés par les réactions minérales.

naturelles montrant qu’en dessous de ~700 °C, le plagioclase et le pyroxène n’exhibent pas de déformation plastique cristalline significative (e.g. Rutter and Brodie, 1985, 1992). Au contraire, dès l’apparition de réactions minérales, les échantillons sont déformés visqueusement et la résistance s’affaiblit. Similairement, la déformation des roches mafiques semble aussi dépendre des réactions minérales, qui peuvent induire la nucléation de phases rhéologiquement plus faibles, ou la formation d’agrégats à grains fins déformés par un fluage sensible à la taille des grains, ou les deux (e.g. Rutter and Brodie, 1992; Stünitz, 1993; Kenkmann and Dresen, 2002; Brander et al., 2012; Okudaira et al., 2017). Les résultats expérimentaux mettent en exergue que la capacité des matériaux à interagir a un impact significatif sur la résistance mécanique des assemblages soumis à de faibles contraintes cisaillantes. Notons d’ailleurs que cette résistance semble, du moins dans un premier temps, indépendante à la résistance intrinsèque des produits de réactions. En effet, bien que les assemblages à Fe-Opx + Plag favorisent la nucléation de phases relativement résistante (Amph) par rapport aux mélanges de phases à grains fins (Mg-Opx + Plag), ces assemblages se déforment à de plus faibles contraintes, car ils réagissent plus rapidement. Ces observations sont instructives, car elles mettent en évidence l’importance des réactions minérales dans le développement initial des zones de cisaillement, en déterminant tout simplement quelles portions de roches vont se déformer. Avec l’augmentation de la déformation, les assemblages déformés présentent des microstructures distinctes, avec dans un cas la formation d’agrégats monophasés à grains relativement grossiers et des bandes de cisaillement qui n’induisent pas d’adoucissement rhéologique significatif (assemblage à Fe-Opx + Plag), et dans l’autre cas, le développement de zones de mélange à grains fins fortement localisées et responsables d’un adoucissement rhéologique prononcé après le pic de contrainte (assemblage à Mg-Opx + Plag).

• Lorsqu’ils sont appliqués à des zones de cisaillement naturelles, nos résultats suggèrent que (1) les portions de roche qui se déforment sont grandement dépendantes de la capacité des minéraux à interagir, et que (2) de petites variations chimiques et minéralogiques peuvent modifier considérablement la résistance des assemblages déformés. La localisation conséquente de la déformation dans les échantillons fortement déformés montre que les zones de mélange à grains fins fortement connectées peuvent être considérablement plus faibles que les domaines monophasés partiellement connectés à grains relativement plus grossiers.

• Dans l’optique d’une meilleure compréhension du comportement rhéologique de la croûte inférieure, ces observations sont notables, car une grande proportion de domaines à grains fins permet de préserver le comportement adouci et faible à long terme d’une zone de cisaillement. En d’autres termes, l’affaiblissement n’est pas limité à la phase de réaction mais est acquis en permanence.

• Ces observations soulignent également l’importance du partitionnement de la déformation, de la réduction de la taille des grains et du degré d’interconnectivité des phases faibles comme principaux facteurs contrôlant la résistance de la lithosphère. L’interaction complexe entre les phases minérales au cours de la déformation suggère que la rhéologie des roches polyphasées, telles que les roches mafiques, qui constituent une grande partie de la croûte océanique et peuvent être l’une des principales composantes de la croûte continentale inférieure, ne peuvent difficilement pas être simplifiée au comportement rhéologique des matériaux monophasés. Les complexités structurelles régionales et leur évolution, ainsi que des lois rhéologiques d’affaiblissement de la viscosité doivent donc être prises en compte pour continuer à utiliser les modèles d’enveloppes rhéologiques comme outil prédictif de la rhéologie de la lithosphère.

CHAPTER I

Documents relatifs