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CHAPITRE 4 : CARACTERISATION DU FONCTIONNEMENT HYDROGEOLOGIQUE

4.6 Discussion et conclusion

Un bassin expérimental bien représentatif du milieu volcanique de type andésitique, en contexte tropical humide et insulaire, a ici fait l’objet d’une approche hydrologique pluridisciplinaire. Ce travail permet d’apporter des éléments sur la structure et sur les déterminants au fonctionnement hydrogéologique des systèmes volcaniques andésitiques. Le site étudié apparaît comme bien représentatif de ces environnements car il comprend les deux principaux types de formations géologiques existant en contexte andésitique : les laves et les pyroclastites.

Les résultats obtenus montrent l’importance du rôle des écoulements souterrains et des interactions eaux de surface / eaux souterraines dans un tel contexte. Au sein de formations géologiques relativement perméables telles que les nuées ardentes peu altérées, l’infiltration vers les aquifères concerne environ 60 % des pluies efficaces en année moyenne. Un schéma conceptuel cohérent de la structure et du fonctionnement hydrologique et hydrogéologique du site a été proposé. Il montre notamment que les sources Féfé ne peuvent pas être considérées comme l’exutoire représentatif du seul bassin versant souterrain des principales formations aquifères identifiées (laves et nuées ardentes), des pertes de la rivière Pérou constituant une part importante de leur débit. Par conséquent, il semble difficilement envisageable, compte tenu du facteur de dilution induit par ces pertes de la rivière Pérou, d’utiliser les sources Féfé pour procéder à des bilans de flux et de masse (dans le cas de polluants d’origine agricole par exemple), à l’échelle du site expérimental de Féfé. Ces travaux montrent par ailleurs le caractère relativement hétérogène, sur le plan hydrogéologique, des formations volcaniques de type andésitique. Cette hétérogénéité est mise en évidence à l’échelle locale, c'est-à-dire interne à une formation (caractère polyphasé de la mise en place d’une formation géologique), et à l’échelle du bassin du point de vue des différentes formations géologiques mises en place au sein de paléovallées emboîtées.

Sur le plan méthodologique, ce travail montre l’efficacité d’une méthode d’approche pluridisciplinaire, pour la caractérisation de la structure et du fonctionnement de ces systèmes. D’abord, il s’agit d’une reconnaissance géologique et hydrogéologique de terrain, s’appuyant notamment sur une approche géomorphologique et sur la définition du contexte hydrogéologique des principales émergences et la quantification des flux en étiage (débit aux émergences et au sein des ravines). La reconnaissance par forages constitue bien entendu un élément important de validation du modèle géologique, mais n’apparaît néanmoins pas indispensable en première approche compte tenu de l’existence d’affleurements en quantité suffisante dans ces contextes volcaniques à reliefs importants. Ensuite, les essais hydrauliques en forage et le traitement du signal appliqué aux séries temporelles de pluviométrie et de piézométrie permettent d’élaborer, sur la base de la structure géologique, un premier schéma de fonctionnement qui détermine la géométrie des compartiments hydrogéologiques et les principaux processus mis en jeu. Enfin, une approche hydrogéochimique, basée principalement sur des analyses des éléments majeurs et de quelques éléments traces, réalisées

sur des prélèvements effectués aux principaux points représentatifs (exutoires principalement), permet de renforcer le schéma conceptuel et de caractériser les connexions entre les compartiments mis en évidence.

Ce type d’approche peut être fortement recommandé, notamment dans des contextes à fortes variétés lithologiques, pour établir un schéma de fonctionnement hydrogéologique de bassin. Son application est également complémentaire d’une approche hydrologique de surface dans le cas de bassins versants sur substrats perméables pour lesquels le bilan global montre un fort déficit en souterrain.

CHAPITRE 5 : TRANSPORT D’UN NÉMATICIDE

DANS LES EAUX DE SURFACE ET DE NAPPES

SUR UN BASSIN VERSANT VOLCANIQUE

TROPICAL

RÉSUMÉ

L’objectif de cet article est d’identifier les mécanismes de contamination par le nématicide cadusafos [S,S-di-sec-butyl O-ethyl phosphorodithioate] des compartiments d’eau et de sol aux échelles du sous-bassin et du bassin versant. Le site d’étude est le petit bassin versant bananier de Féfé (17,8 ha) situé en Guadeloupe en région volcanique sous un climat tropical humide. La démarche est un suivi sur une centaine de jours des flux hydriques en surface et en souterrain et des concentrations dans les andosols et dans les eaux de surface à l’échelle d’une parcelle de 2 400 m² et à l’échelle du bassin versant, ainsi que dans les eaux de nappe. Deux campagnes d’épandage ont été réalisées en 2003 sur 40 % du bassin et en 2006 sur 12 %. Les résultats montrent à l’échelle de la parcelle que la forte rétention dans l’horizon A limite le transport du cadusafos par ruissellement, alors que la plus faible rétention de la molécule dans l’horizon B favorise la percolation vers la nappe superficielle. Le changement d’échelle de la parcelle au bassin révèle une forte ré-infiltration du nématicide dans le réseau hydrographique, ce qui tamponne les pics de concentration en ruissellement à l’exutoire du bassin. Deux périodes de contamination sont observées à l’exutoire du bassin correspondant à deux mécanismes de contamination distincts : une période à pics (de moins de 30 jours) où le transport est événementiel et lié aux épisodes pluvieux, et une période chronique où le transport est continu et issu du drainage de la nappe superficielle. Le bilan sur 80 jours indique que 2/3 des exportations de cadusafos se produisent lors de la période chronique. Finalement, la comparaison des taux de contamination durant les deux campagnes de 2003 et 2006 semble confirmer la forte variabilité des mécanismes de contamination en relation avec les hétérogénéités des processus hydrologiques au sein du système.

5.1 Introduction

En Amérique Latine, en Caraïbes ou encore à Hawaii, le contexte côtier et insulaire s’avère fragile du point de vue de l’impact environnemental des pollutions agricoles auxquelles sont attribuées les dégradations des ressources littorales telles que la qualité de l’eau, la flore et la faune (Kammerbauer et Moncada, 1998; Rawlins et al., 1998; Li et al., 2001; Castillo et al., 2006). Dans ces régions tropicales où les pluies sont abondantes et les sols très perméables, les plantations de banane sont à l’origine de nombreux problèmes sanitaires et de l’installation de pollutions chroniques sur les ressources en eau à l’échelle du bassin versant (Henriques et al., 1997; Castillo et al., 2000; Beaugendre et Edmond-Mariette, 2005). Dans ce contexte, l’étude de la dispersion des produits épandus nécessite alors de caractériser les mécanismes de contamination des différents compartiments d’eau de surface et souterraine, en relation avec les processus hydrologiques.

En zone tropicale, les pluies abondantes sous de fortes intensités génèrent des flux très importants au sein des systèmes hydrologiques. Les andosols majoritairement répartis sous ce climat tropical sont riches en matière organique et ont des propriétés physico-chimiques particulières (Dahlgren et al., 2004). Ils se caractérisent par une capacité d’échange cationique et anionique variable selon le pH (Wada et Okamura, 1980; Wada, 1989) qui influe sur la mobilisation des éléments solubles (Sansoulet, 2007). Ces sols appréciés pour leurs qualités agronomiques sont largement cultivés de manière intensive sous les tropiques. Dans ce contexte où peu d’études permettent d’appréhender les risques en matière de pollution du milieu, se pose la question des mécanismes de contamination du sol et des compartiments d’eau.

Pour ce faire, il faut travailler aux deux échelles de la parcelle agricole et du bassin versant. Les parcelles sont les unités d’application dans les exploitations agricoles et l’échelle du bassin est l’unité de gestion de la ressource et de l’étude de la dispersion des molécules dans l’environnement. Dans d’autres contextes pédoclimatiques, des travaux ont porté sur l’étude du transport de pesticides en changement d’échelle de la parcelle au bassin versant (Ng et al., 1995; Williams et al., 1995; Louchart

et al., 2001). Les résultats ont montré notamment la forte variabilité spatiale des processus de transport

et des quantités de molécules exportées dans les eaux de surface à l’échelle du bassin (Donald et al., 1998; Jaynes et al., 1999). Par ailleurs, d’autres études révèlent également que les interactions nappe-rivière peuvent être le moteur de pollutions chroniques des cours d’eau (Squillace et al., 1993; Wang et Squillace, 1994; Fenelon et Moore, 1998). Aussi, dans le but d’identifier la dispersion des pesticides au sein d’un agrosystème, il est nécessaire de réaliser un suivi sur toutes les composantes du cycle de l’eau : le ruissellement à la parcelle, à l’exutoire du bassin, ainsi que les nappes.

Dans ce contexte, l’objectif de cet article est d’identifier les mécanismes de contamination des compartiments de sol et d’eau sur un bassin versant agricole situé en région volcanique sous climat

tropical. Le suivi d’un nématicide, le cadusafos [S,S-di-sec-butyl O-ethyl phosphorodithioate], utilisé comme traceur va permettre également de mieux caractériser les chemins de l’eau au sein du système et d’identifier les déterminants de la pollution dans ce contexte. Le site d’étude est le bassin versant bananier de Féfé (17,8 ha), situé sur l’île volcanique de Basse-Terre en Guadeloupe. Les andosols qui couvrent le bassin sont très infiltrants (Cattan et al., 2006; Charlier et al., accepté) (voir Chapitre 3) et riches en matière organique assurant une forte adsorption (Sansoulet et al., 2007). Les propriétés d’échange de ces sols ont été déterminées pour le nématicide cadusafos par Lazrak (2006) qui a noté une adsorption supérieure dans l’horizon organique hA et une lixiviation plus importante dans l’horizon hB sous-jacent. En parcelles plantées en banane, le couvert de la plante redistribue la pluie au sol et modifie le partage ruissellement/infiltration à l’échelle locale. Ainsi, la forte concentration de la pluie au pied du bananier a deux effets concomitants : une augmentation des flux de percolation en aval du bananier (Cattan et al., 2007b) et une augmentation du ruissellement à l’échelle de la plante (Cattan et al., 2007a). Pour caractériser la variabilité spatiale et saisonnière des processus de contamination, deux campagnes de suivis de la concentration en cadusafos dans les sols et les eaux en 2003 et 2006 ont été réalisées. En septembre 2003, période humide, l’épandage a été réparti de manière éparse sur l’ensemble des exploitations du bassin, couvrant environ 40 % de la surface. En juillet 2006, période sèche, l’épandage a été localisé sur le relief en amont du bassin. Le suivi de la concentration est effectué dans les sols à deux profondeurs (hA et hB) et dans les eaux aux échelles de la parcelle (2400 m²) et du bassin versant (17,8 ha) ainsi que dans huit piézomètres à différentes profondeurs (de 1,5 à 30 m). L’étude se déroule en trois étapes : i) étude de la persistance du cadusafos dans les andosols, ii) étude du transport à l’échelle de la parcelle par ruissellement et par percolation vers la nappe, iii) étude du transport à l’échelle du bassin versant lors des périodes de pollution à pics et chronique.

5.2 Matériel et méthodes