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Chapitre 4 : Résultats

4.4 Discussion

Macroscopiquement, les échantillons de forage ont été recouverts par une couche dure et blanche sous forme d’un revêtement qui cimente les grains de serpentine. Cette couche illustre le processus de carbonatation minérale qui se déroule en surface et en profondeur de la halde à résidus miniers de la mine Black Lake. D’après les résultats de mesures en carbone effectuées sur un échantillon prélevé directement du convoyeur après traitement en usine en 2004 et sur les 42 échantillons de forage, on observe une évolution très nette de la teneur en carbone depuis 2004 de 0,16% à des teneurs qui varient entre 0,5 et 0,71% avec une moyenne de 0,27 et un écart type de 0,1, pour la fraction fine <1 mm. Les échantillons prélevés à 37, 41, 51, 56, 64, 89 m ont enregistré les teneurs en carbone les plus élevées entre 0,30 et 0,71%.

La figure 24 regroupe les résultats obtenus de la mesure de la teneur en carbone dans le cadre de ce projet ainsi que les résultats obtenus par Huon en 2016 sur les mêmes échantillons en montrant que les concentrations en carbone varient entre 0 et 0,45% avec une moyenne de 0,17 et un écart type de 0,10 (Huon, 2016). Les deux résultats constituent un argument supplémentaire confirmant l’évolution de la teneur en carbone depuis 2004 et la séquestration du CO2 atmosphérique à l’intérieur de la pile à résidus miniers. Cependant, les concentrations en carbone ne sont pas assez représentatives pour déterminer les horizons potentiellement carbonatés puisqu’ils ne représentent quequelques échantillons prélevés dans un seul forage.

L'analyse des échantillons de forage par spectroscopie IRTF a révélé la présence du chrysotile et de la brucite ainsi que des carbonates de magnésium hydratés. En fait, les carbonates sont identifiés par des pics caractéristiques de faibles intensités qui permettent de distinguer la dypingite, l’hydromagnésite, la nesquehonite et l’artinite. De plus, l’analyse

Figure 24 : Comparaison entre le résultat global de la mesure en carbone en fonction de la profondeur.

SV-BL-1 : fraction <1 mm échantillon de résidus frais non consolidés, sortant directement du convoyeur de la mine Black Lake.

(Huon, 2016) (El Mansour, 2017)

L’hydromagnésite, nesquehoniteet artinite se présentent toutefois en faible quantité avec des valeurs d’absorbance qui varient respectivement entre : 0,011 et 0,043, 0,010 et 0,038, 0,009 et 0,046. En se basant sur cette analyse semi-quantitative, on peut apprécier une variation de la composition le long du forage qui varie de l’artinite à la nesquehonite à la dypingite qui constitue la phase majoritaire, et finalement à l’hydromagnésite. Cette composition chimique renseigne sur les conditions physico-chimiques des réactions de carbonatation minérale à l’intérieur de la halde à résidus miniers de la mine Black Lake. La présence de l’artinite suggère que les carbonates de Mg hydratés détectés dans les échantillons se sont formés à partir de la dissolution de la brucite (Sato, 2001). Dans le domaine de stabilité des carbonates de Mg hydratés, l’artinite est formée à partir d’une solution à pH=10,2, une faible pression partielle de CO2 et à des températures inférieures à 15°C (Königsberger et al., 1999; Sato et al., 2001). À des températures supérieures à 15°C, l’artinite devient instable et se transforme rapidement en nesquehonite.

La coexistence de la dypingite avec l’hydromagnésite dans les échantillons de forage indique que la dypingite est une phase intermédiaire qui s’est formée lors de la transformation de la nesquehonite en hydromagnésite. La prédominance de la dypingite le long du forage confirme sa stabilité à long terme sous les conditions climatiques et physico- chimiques qui contrôlent le processus de carbonatation minérale dans la halde à résidus miniers de la mine Black Lake. Selon Raade (1970) et Canterford (1984), la dypingite se trouve souvent en association avec l’hydromagnésite, généralement dans les climats les plus froids inférieurs à 20°C, car les températures élevées accélèrent la transformation de la dypingite en hydromagnésite. En effet, plusieurs facteurs peuvent entraver la progression de la transformation de la dypingite en hydromagnésite comme la disponibilité de CO2 dissout dans le fluide pour influencer le pHet la température de transition (Hopkinson et al., 2008).

La figure 24 illustre la distribution spatiale des produits de la réaction de carbonatation minérale détectés dans les échantillons de forage en fonction de la profondeur. En se basant sur cette figure, on peut remarquer une certaine corrélation entre les concentrations en artinite, nesquehonite, dypingite, hydromagnésite, la teneur en carbone, la résistivité électrique et la susceptibilité magnétique mesurée dans le forage par (Horswill et al., 2017).

miniers, provenant des roches ultramafiques de Thetford Mines, possèdent un fort contraste de cette propriété. Par contre, avec la présence des carbonates issus du processus de carbonatation minérale, les résultats de la susceptibilité magnétique devraient être très faibles voire même négatifs. Il est donc d’intérêt de définir la variabilité de la susceptibilité magnétique par rapport à la profondeur dans la halde à résidus le long du forage, ce qui peut aider à identifier les zones susceptibles à la précipitation des minéraux de carbonate de magnésium hydratés lors du processus de carbonatation minérale. De plus, la mesure de la résistivité électrique est une méthode géophysique extrêmement intéressante pour trouver les carbonates néoformés compte tenu du caractère résistif de ces derniers. Par ailleurs, le traitement et l’analyse des mesures de la résistivité électrique effectuées sur le forage, permetteront d’identifier les profondeurs où l’on a une résistivité électrique élevée et donc d’identifier les zones où le processus de carbonatation minérale est plus avancé au niveau de la pile à résidus miniers. De ce fait, la corrélation entre les résultats de la susceptibilité magnétique, la résistivité électrique et les données d’absorbance IRTF (figure 24), montre que les profondeurs qui ont une concentration élevée respectivement en dypingite, hydromagnésite, nesquehonite et artinite correspondent aux profondeurs où des valeurs de résistivité électrique élevée et de susceptibilité magnétique faible ont été enregistrées (figure24). Par conséquent, il semble envisageable de localiser quelques horizons présentant un fort potentiel de carbonatation minérale aux profondeurs de15-20 m, 24-29 m, 37-42 m, 57 m, 65-69 m, 80-84 m et à 89 m. Ces profondeurs sont des milieux réactionnels privilégiés de précipitation de carbonates de Mg hydratés. Par ailleurs, à 89 m la valeur d’absorbance attribuée à l’hydromagnésite est la plus élevée par rapport aux autres profondeurs (figure 24). Cette occurrence en concentration plus élevée de l’hydromagnésite à 89 m révèle que les réactions de transformation de l’artinite à la dypingite et la déshydratation de la dypingite pour former l’hydromagnésite sont accélérées à cette profondeur où le gradient géothermique moyen est d’environ 45°C/km (Beaudoin et al., 2017).

partie bibliographique, ces deux facteurs contrôlent grandement le mode d’écoulement et de transport des eaux chargées en CO2 à l’intérieur de la pile de résidus et la précipitation des carbonates de Mg hydratés. La halde à résidus miniers de la mine Black Lake est d’un point de vue granulométrique très hétérogène. Une forte variabilité granulométrique entraine une forte variabilité de la porosité et de la perméabilité. La variation de la concentration des carbonates de Mg hydratés est fortement liée avec la teneur en eau. La mesure de la teneur en eau réalisée dans les premiers 40 m du forage a permis de constater que la teneur en eau évolue très peu entre 0.05 et 0.20 m3/m3 (voir annexe figure 32) inférieure à la valeur déterminée expérimentalement nécessaire pour une carbonatation minérale idéale qui est entre 20 et 60% (J. Tremblay, 2013). Cela appuie le fait que dans le cas où la quantité d’eau initiale disponible est faible, cela peut limiter la progression de la réaction de carbonatation et par conséquent avoir un impact sur la précipitation des carbonates de Mg hydratés. Par ailleurs, les mesures de la porosité prises sur les particules fines <1 mm des résidus miniers de la mine Black Lake par (Horswill et al., 2017) montrent une variation de la porosité généralement entre 5 et 18% (voir annexe figure31). Ainsi, Lechat et al., (2011), avaient déjà mesuré la porosité pour les différentes fractions granulométriques de la pile à résidus miniers de la mine Black Lake. Ils ont démontré qu’en fonction de la variation granulométrique des résidus miniers [<0,5 mm, 1-0,5 mm, 9,5–1 mm, 19–9,5 mm et >19 mm], la porosité peut varier entre 6 et 32%. Les zones à faible quantité de carbonates de Mg hydratés correspondent aux zones à faible porosité. Notons bien que les profondeurs à forte porosité facilitent la circulation des fluides riches en CO2 dissout et donc ces zones apparaissent comme des milieux réactionnels particulièrement réactifs où la cinétique des réactions de dissolution/précipitation est accélérée.

Finalement, l’identification des bandes d’absorption par IRTF caractéristiques de la brucite dans les résidus miniers montre que ce minéral n’a pas réagi entièrement avec les eaux chargées en CO2. Cela pourrait s’expliquer par la précipitation d’une couche de passivation qui limite la dissolution de la brucite telle qu’observée par Assima et al., (2012). De plus, une faible teneur en eau peut laisser la surface minérale réactive insuffisamment saturée pour que des réactions de dissolution-précipitation se produisent (Harrison et al., 2014).

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