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Pour effectuer le test de mathématiques, nous nous sommes appuyés sur l'étude d'Ashcraft et Faust (1994) qui avait montré que les participants anxieux mettaient en moyenne trois fois plus de temps que les non-anxieux à réaliser les opérations comprenant une retenue et que ce type de calcul leur demandait par ailleurs plus d'efforts. Cette étude concluait que les anxieux étaient désavantagés lorsque les opérations arithmétiques à résoudre étaient compliquées. Le but d'avoir deux degrés de difficulté était donc de se rendre compte si ceux-ci désavantageaient davantage la population anxieuse, ce qui était une de nos hypothèses de base et allait dans le sens de l'étude d'Ashcraft et Faust (1994). Il est important à ce stade de relever que selon Faust et Fleck (1996), il n'y pas de corrélation simple entre anxiété et performance en mathématiques. En effet, il convient une fois de plus, de rejeter l'hypothèse simpliste qui consisterait à dire que les personnes anxieuses sont mauvaises en mathématiques. Dans leur étude, ils ont vérifié que la difficulté des tâches à réaliser désavantageait les sujets anxieux mais que sur la base de calculs simples il n'y avait pas de différence significative entre les deux populations dans les performances.

Par ailleurs, une autre étude nous a poussé vers ce constat: celle d'Hembree (1990) dans laquelle il a tenté d'agir sur l'anxiété d'individus anxieux vis-à-vis des mathématiques à l'aide d'un traitement sur les émotions. Après avoir retesté leurs performances après traitement, il a été établi que leurs résultats s'approchaient de ceux des groupes des non-anxieux. Ce résultat laisse donc supposer que l'exploitation du système cognitif est bien un facteur qui influence les résultats, puisque ce groupe a obtenu des performances plus élevées sans avoir suivi de cours de mathématiques supplémentaires. Il est donc légitime de penser que l'anxiété interfère sur les processus cognitifs et notamment sur la MT et que ceci provoque une baisse des performances. Il n'y aurait donc pas de lien direct entre degré d'anxiété et performances d'un individu, mais les interférences dues à l'anxiété d'un individu agiraient sur sa MT, ses résultats se dégraderaient à cause de l'allocation de sa MT à la gestion de son anxiété.

De nombreuses études montrent aujourd'hui que la performance en mathématiques dépend de la MT. Ce qui est particulièrement intéressant est de constater que la MT est justement affectée par l'anxiété, C'est ce que relève Aschcraft et Krause (2007). Dans cette étude, les résultats suggèrent que l'AM compromet le bon fonctionnement de la MT. Selon eux, l'AM

fonctionne comme une double tâche: d'un côté, elle agit en stressant le sujet (il doit affronter sa peur des mathématiques) et d'un autre côté, l'anxiété provoque une demande supplémentaire de ressources. En quelque sorte, les ressources attentionnelles sont réduites car l'individu est contraint d'en allouer une partie à la gestion de son anxiété, cela l'empêche de s'appliquer pleinement à la tâche mathématique. Les auteurs tentent aussi de comprendre comment les processus cognitifs sont influencés par l'AM. Ils relèvent par ailleurs qu'il est intéressant de déterminer (par le biais de la psychologie cognitive) comment cette AM se développe chez les individus. Ils émettent par exemple l'hypothèse que des facteurs tels que la faible capacité de MT ou les faibles capacités en mathématiques pourraient provoquer de l'anxiété vis-à-vis des mathématiques. Cette approche est très intéressante car elle montre, d'une certaine manière que les sujets initialement désavantagés pour les mathématiques (aptitude ou MT "faible" ou restreinte) seraient d'autant plus pénalisés car ils développeraient alors de l'anxiété qui, à son tour, les empêcheraient de réaliser de bonnes performances. Nous aurions donc une réaction cyclique qui agirait négativement sur les processus cognitifs. En résumé, on peut établir sur la base de ces études, et comme le suggère l'étude de Ashcraft, Hopko et Gute (1998) que l'anxiété provoque des dysfonctionnements du processus cognitif en perturbant la MT et en empêchant les individus de porter leur attention sur la tâche qui leur est demandée.

5.1 Validité de l'outil

Notre version simplifiée du RMARS est composée de deux dimensions: anxiété relative au test ou à la tâche. Nous obtenons des résultats non significatifs concernant une éventuelle différence d'anxiété entre les deux dimensions. En effet, Le T-Test de Student nous donne bien une valeur p > 0,05 (Annexe 1.2 A). Il n'y a donc pas de différence significative entre nos deux distributions, ce qui signifie que les sujets ne présentent pas plus d’anxiété aux tests qu’aux tâches. Ce résultat est surprenant car il diffère de ce que nous avions obtenus lors de notre Prétest avec des adultes. Par ailleurs, d'autres études ont été faites sur le sujet de l'anxiété aux tests, notamment celle de McDonald (2001) qui relève que l'anxiété aux examens et aux situations de tests est largement répandue chez les jeunes. Dans l'étude de Baloglu et Zelhart (2007) l'anxiété des mathématiques définie par le RMARS a une corrélation de 0,96 à

l'anxiété au test de mathématiques et 0,85 aux tâches mathématiques. Ces résultats nous avaient donc laissé penser qu'une différence pourrait apparaître entre les variables tâche et

test. En réalité, on remarque sur le tableau de fréquence (Annexe 1.2.B) que les résultats

obtenus sont très proches pour les deux variables. Les valeurs qui reflètent le peu de différence entre nos deux variables sont la médiane (4 pour les tests et 4 pour les tâches) et la moyenne (3,53 pour la variable test contre 3,50 pour la variable tâche, les écarts types étant respectivement de 1,447 et 1,416). Ce résultat peut s'expliquer de différentes façons: on peut dans un premier temps se demander si les questions (issues du RMARS) sont pertinentes relativement à nos variables, ou encore si la traduction et l'adaptation de l'outil auraient pu provoquer des erreurs. Hors, comme nous l'avons mentionné dans le début de cette section, lors du Prétest distribué parmi les étudiants adultes, nous obtenions des différences significatives entre les deux variables retenues, ce qui laisse supposer que notre questionnaire permet bien de différencier les deux dimensions.

Ce constat nous a cependant fait nous questionner sur la cohérence des réponses de nos élèves

au test d'anxiété. Afin de s'assurer de la validité de ce dernier,nous avons donc décidé de faire

repasser le questionnaire aux élèves, il nous a permis de nous assurer à la fois de la cohérence de leurs réponses et de la fiabilité de notre questionnaire par le biais d'un Test-Retest. Nous avons alors pu établir un tableau de corrélation (Annexe 1.5). Il en ressort que nos résultats sont fiables puisque la corrélation est significative (r de Pearson, p < 0,05) pour chacune de nos questions et une corrélation totale de 0.69 (p < 0,000). Notre outil est donc bien valide et le fait qu'il n'y ait pas de différence entre les variables "tâche et test" n'est pas dû à une erreur mais bien au fait que les élèves de nos classes n'affichent pas plus d'anxiété pour l'une ou l'autre des variables. Une des hypothèses que nous retenons concernant la différence de résultat avec le Prétest est due au fait que notre population est plus jeune que les populations prétestées. On peut supposer qu'il est plus difficile pour de jeunes élèves de se projeter dans une situation d'auto-évaluation et de différencier leur comportement lors du passage d'une tâche ou d'un test et que les jeunes ont plus de difficultés que les adultes à analyser leurs émotions relativement à des situations stressantes. Ainsi, les jeunes ne différencieraient pas leur niveau d'anxiété en situation de tâche ou de test. En effet, leurs connaissances de leur propre fonctionnement, leurs capacités métacognitives et métaémotionnelles ne sont pas encore très développées. On peut donc imaginer que les adolescents développent moins que

les adultes un sentiment de peur de l'échec lorsqu'ils sont évalués. Ceci pourrait aussi être dû au fait, qu' à ce stade de leur vie, ils n'ont pas encore expérimenté l'échec et les conséquences négatives qui en découlent.

A noter qu’il n’y a pas le même nombre de questions relatives aux deux dimensions, il y a un biais dans l’analyse des résultats (fréquence totale de 741 pour la variable “tâche“ et de 456 pour la variable “test“). Il aurait été plus judicieux de mettre le même nombre de questions pour les deux variables afin de permettre une analyse plus fine. Toutefois, la fidélité de notre questionnaire est effective car les sujets tendent à répondre de façon similaire dans le temps (selon Test-Retest).

5.2 A propos des résultats

Les résultats obtenus confirment notre hypothèse, la surcharge de la MT péjorerait davantage les anxieux que les non-anxieux et l'anxiété serait un levier d'action pour améliorer les apprentissages. Mais ces résultats laissent aussi supposer que la surcharge de la MT ne permet plus aux sujets anxieux d'effectuer correctement la tâche et que cette difficulté augmente avec la complexité de celle-ci. En effet, celle-ci a une capacité de stockage limitée et la gestion de l'anxiété semble la diminuer ou l'occuper. On peut penser que ceci est dû aux ruminations, aux interférences sur la boucle phonologique ou encore à une mauvaise allocation de l'attention dûe à la gestion du stress.

5.3 A propos du genre

Notre hypothèse est que les différences de performances en fonction du genre seraient dues aux stéréotypes, en effet au vu de la différence dans les résultats entre filles et garçons, il y a lieu de se questionner sur l'origine de celles-ci. A notre avis, il est peu probable que l'on obtienne des différences si marquées entre sexes sans que les stéréotypes de genre ne jouent un rôle quelconque. Comme nous l'avons vu précédemment les filles n'obtiennent pas de mauvais résultats dans les calculs simples sans surcharge de la MT. On peut donc penser que les stéréotypes provoqueraient un manque de confiance chez les filles et que ce manque de confiance se traduirait tôt ou tard par de l'anxiété. Par la suite, cette anxiété agirait négativement sur leurs performances aux tâches sollicitant la MT. Il y aurait donc des succès

inégaux dans cette branche à connotation masculine mais probablement parce que la menace de stéréotypes provoquerait des perturbations du système de stockage de la MT, et non pas à cause d'une prétendue supériorité physiologique des garçons. Contrairement à l'étude réalisée par Beilock, Rydell et McConnell (2007) et selon nos résultats, nous émettons l'hypothèse que la menace de stéréotypes n'agirait pas directement sur la MT mais qu'elle amènerait nos sujets féminins à être anxieuse et que c'est l'anxiété provoquée par les stéréotypes qui réduirait les capacités cognitives des sujets et donc finalement, leurs performances aux tâches sollicitant la MT. Cependant nous n'avons pas mesuré l'adhérence aux stéréotypes et nous nous devons donc d'être prudent avec ces hypothèses. Beilock, Rydell et McConnell (2007) proposent que la menace de stéréotype agit directement sur la MT et non via une augmentation de l'anxiété. D'autres recherches comme celle de Cadinu, Maass, Rosabianca et Kiesner (2005) montrent des relations faibles entre une diminution des performances sous la menace de stéréotypes et l'anxiété.

Il convient de préciser à ce stade de notre analyse que l'enseignant des mathématiques dans les classes testées est un homme et que ce facteur pourrait lui aussi avoir facilité la transmission du stéréotype de genre.

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