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CHAPITRE 4 ELABORATION DE NANOCRISTAUX DE SILICIUM DANS UNE MATRICE A-SIN X PAR DEPOT

4.3 SPECTROSCOPIE DE PHOTOELECTRONS X : ETUDE DES INTERFACES NC-SI/NITRURE

4.3.5 Discussion sur les états Si 2+ présents à l’interface nc-Si/a-Si 3 N 4

Contrairement au cas d’une matrice de SiO2, il n’existe pas de travaux connus concernant la

structure des interfaces nc-Si/a-Si3N4. A partir d’une étude XPS résolue en angle, Higuchi et

Aratani démontrent la présence de liaisons Si-Si3H, Si-Si2NH, Si-Si3N (Si1+) et Si-Si2N2 (Si2+)

pour une interface plane entre une couche a-Si3N4 et un substrat de c-Si [69]. Toutefois, dans

notre cas, les échantillons sont exempts d’hydrogène après recuit comme le montre la spectroscopie IR. Les possibles liaisons pendantes du silicium à l’interface ne peuvent donc pas être passivées par l’hydrogène. De plus, en raison des précautions décrites précédemment pour éviter l’oxydation des couches, les mesures XPS montrent que la concentration d’oxygène dans les couches nanocomposites est très faible. De ce fait, seules les liaisons Si-Si et Si-N peuvent participer à la construction de l’interface nc-Si/a-Si3N4. Dans

ce contexte, nous discutons ici nos résultats en regard des études menées pour une matrice SiO2.

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Premièrement, la présence d’états Si2+ suggère que l’interface est composée majoritairement de ponts Si2-N-Si où un atome d’azote fait la connexion entre deux atomes

Si2+ à la surface des nc-Si et un atome Si4+ de la matrice a-Si3N4 (cf. Figure 4.18). Pour une

matrice SiO2, Hadjisavvas montre que des ponts Si-O-Si non connectés à la matrice se

forment à la surface des nc-Si et permettent ainsi la relaxation des contraintes de surface avec un coût énergétique moindre [163]. En revanche, la valence 3 de l’azote implique que l’atome d’azote dans la liaison Si2-N-Si soit connecté à la matrice a-Si3N4. On peut donc

s’attendre à ce que ces ponts soient beaucoup plus contraints dans le cas d’une matrice de nitrure, ce qui rejoint les conclusions précédentes concernant la forme du spectre Raman. Deuxièmement, des simulations ont montré que la densité de liaisons Si-O-Si en surface des nc-Si augmente avec la taille des nc-Si [162]. La distribution de ces ponts en surface est discontinue ; Des régions très denses sont séparées par de larges régions poreuses. Par ailleurs, dans une étude XPS similaire à nos mesures, Kim et al. montrent que la surface des nc-Si est constituée d’une coquille composée des différents états d’oxydation Si1+, Si2+ et Si3+ (similaires aux états nitrurés avec des atomes d’oxygène à la place des atomes d’azote), ce qui indique une transition non abrupte des nc-Si vers la matrice. Dans le cas d’une interface nc-Si/a-Si3N4, nous pouvons montrer en première approximation que la densité de ponts Si2-

N-Si présents à l’interface est élevée et sans porosité, et suggère une interface abrupte : en considérant des nc-Si sphériques ou facettés, on peut faire l’hypothèse que la surface des nc- Si est une combinaison de plans (111), (110) ou (100). Pour le silicium cristallin qui adopte une structure zinc blende et dont le paramètre de maille vaut 5,43 Å, la densité atomique surfacique est de 7,8 × 1014 cm-2, 9,6 × 1014 cm-2 et 6,8 × 1014 cm-2 pour les plans (111), (110) et (100) respectivement. Si l’on considère que ces plans sont distribués de façon égale à la surface des nc-Si, on trouve une densité atomique surfacique moyenne Ds = 8,1 × 1014 cm-2.

On sait par ailleurs que la densité atomique volumique du Si est Dv = 5 × 1022 cm-2. Pour

l’échantillon γ = 0,7 recuit, nous avons de plus estimé la taille moyenne des nc-Si à 4,6 nm à partir des mesures Raman et TEM précédentes. Nous pouvons alors calculer la concentration des atomes de Si en surface [Si]S à partir de la relation suivante :

 

   s nc Sis V nc Si D S Si 100 D V (4.11)

où Snc-Si et Vnc-Si représentent la surface et le volume des nc-Si. Nous considérons ici que les

atomes du volume contiennent également les atomes de surface.

De même, d’après la déconvolution du spectre Si 2p, on sait que les contributions Si0 représentent les atomes de Si dans le volume des nc-Si, alors que la contribution Si2+ représente les atomes de Si en surface. On a alors une concentration d’atomes Si de surface également définie par :

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 

          2 s 2 0 Si Si * 100 Si Si (4.12)

A partir de la relation 4.11, nous calculons une concentration [Si]S = 21 % pour des nc-Si de

diamètre 4,6 nm. La relation 4.12 et les concentrations des différentes contributions indiquées dans le Tableau 4.4 donnent une concentration [Si]S = 18,5 %. Ces valeurs

similaires suggèrent que l’interface nc-Si/a-Si3N4 est constituée d’une densité élevée d’états

Si2+ (de ponts Si2-N-Si). On peut ainsi faire l’hypothèse d’une interface abrupte qui serait due

à une monocouche d’atomes de Si en configuration Si2+ à la surface des nc-Si.

4.4 Conclusion

Ce chapitre concerne la réalisation de couches minces de nitrure de silicium contenant des nanocristaux de silicium par la technique dite de « précipitation du silicium en excès », ainsi que la caractérisation des propriétés structurales de ces couches. Dans une première partie, nous avons montré le dépôt d’une large gamme d’alliages a-SiNx:H obtenus dans un mélange

SiH4/NH3/He à partir du procédé PPECVD. En particulier, des couches minces a-SiNx:H riches

en Si (x < 1,33) sont élaborées, ce qui est une condition nécessaire pour obtenir des nc-Si lors du recuit. Les caractérisations en ellipsométrie et FTIR des couches telles que déposées montrent de façon générale que la structure des couches minces est étroitement liée aux conditions opératoires du dépôt, et particulièrement au rapport [NH3]/[SiH4].

Lors d’un recuit à 1100°C, la spectroscopie infrarouge en transmission indique un processus de déshydrogénation ainsi qu’un réarrangement chimique des couches qui conduisent à la création de nouvelles liaisons Si-N dans un environnement proche de Si3N4. La formation de

nc-Si dans les alliages a-SiNx:H comportant un excès de Si est mise en évidence par

différentes techniques, à savoir la microscopie électronique en transmission, la diffraction des rayons X et la spectroscopie Raman. Dans une étude plus approfondie des spectres Raman, nous avons montré qu’il est possible de modéliser la forme et la position du pic correspondant au premier ordre du Si cristallin dans le but d’estimer la taille et la dispersion en taille des nc-Si pour les différents échantillons. Le diamètre moyen des nanostructures de Si ne varie que très légèrement. Il diminue de 4,6 nm à 3,8 nm lorsque le rapport γ = [NH3]/[SiH4] passe de 0,7 à 1,7 (c'est-à-dire un excès de Si qui diminue de 44 % à 17 %).

L’épaulement observé sur les spectres Raman vers 494 cm-1 est attribué ici à un effet de surface plutôt qu’à la présence de silicium amorphe comme habituellement admis dans la littérature.

Enfin des analyses de spectroscopie de photoélectron X nous ont permis de comprendre le processus de formation des nc-Si lors du recuit et d’obtenir des informations sur la structure des interfaces nc-Si/matrice. Dans un premier temps, nous avons montré que le dépôt d’une couche barrière Si3N4 permet d’éviter l’oxydation des nc-Si dans la couche riche en Si et

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pour la déconvolution des pics Si 2p. Les résultats de la déconvolution à partir des différents états nitrurés du silicium indiquent que des domaines de Si sont formés directement pendant le dépôt plasma. Lors du recuit, les atomes de Si en excès dans la matrice sont incorporés aux nanoparticules de Si préexistantes, en cours de cristallisation, jusqu’à obtenir un matériau biphasé composé de nc-Si dans une matrice Si3N4. La déconvolution des pics Si

2p nous a également permis de déduire que des états Si2+ sont présents aux interfaces nc- Si/Si3N4 et permettent de faire la transition de la phase cristalline vers la phase amorphe.

Nous avons suggéré que ces états Si2+ sont dus à des ponts Si2-N-Si en densité importante à

la surface des nc-Si, reliant deux atomes de Si de la phase cristalline et un atome de Si de la phase amorphe. L’effet de surface observé sur les spectres Raman peut alors être expliqué par ces ponts azotés qui contraignent les liaisons Si-Si en surface des nc-Si.

Ces résultats nous ont permis de mieux comprendre les propriétés structurales des couches nanocomposites ainsi que le processus de formation des nc-Si. Pour les applications envisagées décrites dans le chapitre 1, et en particulier les applications photovoltaïques telles que les cellules tandem à base de nc-Si, il est maintenant nécessaire de caractériser les propriétés optiques de ces matériaux. Cette étude est l’objet du chapitre suivant.

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