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CHAPITRE II : MESURE EN TEMPS RÉEL ET EN CONTINU DE LA

II.3 Traitement en temps réel et en continu des comptages nucléaires

II.3.1 Discrimination en énergies par sélection de régions d’intérêts et

compensation dynamique du bruit de fond

L’objectif de cette méthode consiste à délimiter en énergies plusieurs régions d’intérêt (ou en anglais Region Of Interest, ROI). Ces ROI sont définies de façon à discriminer en énergie un ou plusieurs radionucléides. Les bornes des ROI sont fixées de manière dépendante de la géométrie source – détecteur. De la même façon, le nombre de ROI définie est dépendant des conditions de fonctionnement du CAM. Ainsi, à la fois le nombre de ROI et les bornes en énergies de ces dernières varient d’un CAM à l’autre (Hayes et al., 2003 ; Huibin et al., 2012). Dans le cas du CAM type ABPM203M, les ROI sont au nombre de trois et leurs bornes en énergie, ainsi que les radionucléides qui y sont majoritairement mesurés, sont mentionnés dans le tableau 12. Ces ROI sont situées à des plus basses énergies que celles qu’emportent les particules α au moment de leur désintégration afin de tenir compte de l’absorption en énergie (∆E) dans l’épaisseur d’air et de la fenêtre d’entrée du détecteur nucléaire (présentée à la section II.2.2.c.3).

Tableau 12 : Les radionucléides d’intérêt mesurés dans les ROI1, ROI2 et ROI3 de l’ABPM203M sont tabulés avec leur période radioactive (T1/2) et l’énergie des particules α (Eα) qu’ils émettent

lors de la désintégration (Laboratoire National Henri Becquerel, 2015)

Region of Interest (ROI) Gamme en énergies (keV) Radionucléides d’intérêt 1 2000 - 4400 Ar ti fi ci el s 239Pu (T1/2 = 24,1,103 a et Eα = 5156 keV) 241Am (T1/2 = 432,6 a et Eα = 5485 keV) 2 4400 - 5300 Na tur e ls 218Po (T1/2 = 3,071 min et Eα = 6002 keV) 212Bi (T1/2 = 60,54 min et Eα = 6051 keV) 3 5300 - 7200 214Po (T1/2 = 162,3 µs et Eα = 7686 keV)

A la figure 59, sont reportés deux spectres en énergies α mesurés en taux de comptage par le CAM ABPM203M, sur lesquels figurent les trois ROIs, soit la ROI1 dédiée à la mesure des α-artificiels et la ROI2 et ROI3 pour la mesure des descendants solides du radon 218Po et 214Po respectivement. Le spectre en noir est mesuré dans des conditions normatives IEC dont les caractéristiques ont été rappelées dans le tableau 9. Le spectre en rouge est, lui, mesuré dans la même condition d’activité α-naturels à laquelle est ajoutée une brève génération d’aérosols non-radioactifs, laquelle a conduit à l’accumulation d’une masse d’aérosol de type D de 3,59 mg sur le filtre du CAM. Dans les deux cas, la position et la FWHM des pics sont comparables. Effectivement, on l’a vu ce ne sont pas les critères pertinents pour caractériser la dégradation des spectres dans le cas des CAM. En revanche, la traîne des pics est significativement différente, elle est plus intense dans le cas où le CAM effectue sa mesure en conditions atypiques.

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Remarque : étant donné un taux de comptage plus faible pour le 218Po, on a l’impression que sa traîne en énergie est moins intense, ce n’est cependant pas le cas. En revanche, la résolution de la traine est effectivement plus faible due au faible taux de comptage pour ce radionucléide.

Dans les deux cas de figure, la traîne en énergie constitue un bruit de fond dans ROI1 qui contribue au comptage. Ainsi, elle est considérée en temps réel et en continu afin de conserver les comptages dus à l'aérosol radioactif α-artificiel et de soustraire du mieux possible ceux dus à l’aérosol radioactif α-naturel.

Figure 59 : Spectres en énergies α divisés en trois ROI, lesquelles permettent de discriminer en énergie un ou plusieurs radionucléides. Le spectre en noir est mesuré en conditions normatives IEC. Le spectre en rouge est mesuré dans la même condition d’activité α-naturels à laquelle est

ajoutée une brève génération d’aérosols non-radioactifs de type D (conditions atypiques)

En fonction des CAM, différentes méthodes de soustraction ou compensation du bruit de fond sont existantes. Deux principales méthodes sortent toutefois de l’ensemble :

- l’ajustement de pic et/ou traîne par modélisation dynamique pour ensuite déconvoluer le signal, dû à la radioactivité naturelle, et n’obtenir que celui dû à la radioactivité artificielle. Cette méthode est très efficace mais nécessite en revanche un comptage significatif, soit au moins 2000 coups pour ajuster un modèle de pic ou traîne aux données mesurées. Elle convient bien aux environnements où une forte activité en α-naturels est présente. Dans le cas des installations nucléaires, le taux de comptage est très faible (voir figure 59) et rend donc cette méthode inexploitable en temps réel et en continu.

- la soustraction dynamique et systématique de bruit de fond avec utilisation d’un ou plusieurs paramètres K. Ils sont caractéristiques des traînes en énergies des pics qui contribuent au bruit de fond. Cette méthode est utilisable quel que soit le taux comptage

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et c’est elle qui est généralement mise en œuvre dans les CAM dédiés à la mesure de faible taux de comptage.

Dans le cas des CAM de type ABM203M le bruit de fond dans la fenêtre des α-artificiels est considéré être essentiellement due à la traîne en énergies du 218Po. Ainsi, seul un paramètre de traîne est utilisé permettant de déterminer la valeur du bruit de fond dans la fenêtre des α-artificiels à partir des mesures effectuées dans la région dédiée au seul 218Po, soit ROI2. L’algorithme de calcul du CAM fonctionne en temps réel et en continu pour calculer à chaque pas de temps (3 secondes) la contribution de la traîne du pic 218Po au comptage dans ROI1. Cette contribution est calculée à l’aide de la relation 47.

BDF = K12N2, ( 47 )

avec :

- K12 : paramètre qui caractérise la traîne en énergie du pic 218Po dans la ROI1. Il correspond au ratio du comptage mesuré dans ROI1 à celui mesuré dans ROI2. La valeur du paramètre K12 est généralement déterminée sur de longues périodes de mesure (environ 8 heures) dans des conditions normatives (IEC 61578, 1997), il est ensuite fixé,

- N2 : comptage brut mesuré dans la ROI2.

Le comptage net (ROI1net) attribué aux aérosols radioactifs émetteurs d’α-artificiels dans ROI1 est ainsi déduit à l’aide de la relation 48, laquelle est une forme simplifiée de celle proposée par Huibin et al. (2012).

ROI1net= N1− BDF, ( 48 )

avec N1 le comptage brut mesuré dans la ROI1.

L’activité volumique α-artificiel est ensuite calculée à l’aide de la relation 49 en utilisant le résultat obtenu à la relation 48.

Aartificiel= ϵ ROI1net

absolueQVt1t2=ϵ ROI1net

absolueQVt2, ( 49 )

avec :

- εabsolue : efficacité de détection absolue, - QV : débit de prélèvement du CAM,

- t1 et t2 : respectivement le temps de prélèvement et le temps de mesure. On considère ici un temps identique pour la mesure et le prélèvement (t1 = t2 = t),

En dernière étape, l’activité volumique α-artificiel est comparée à une valeur seuil, telle que définie à l’équation 50 issue de Huibin et al. (2012). Ainsi, si Aartificiel est supérieure à Aseuil, une alarme alertant de la présence de radioactivité artificielle est déclenchée.

83 Aseuil= kα √ROI1net

ϵabsolueQVt2, ( 50 )

avec kα le nombre de fois l’écart-type d’une distribution normale. En fonction de sa valeur, une confiance en la mesure est accordée. Par exemple pour kα égal à 1,96, la confiance dans le résultat est de 95 %.

L’application de la méthode de compensation de bruit de fond, telle qu’elle a été introduite ci-dessus, prend toutefois une hypothèse forte qui concerne d’une part, une forme du spectre qui est fixe (c’est-à-dire constante dans le temps) et d’autre part, un comptage mesuré dans ROI2 qui est uniquement dû au pic 218Po. Cette hypothèse est entièrement justifiée dans des conditions normatives IEC, mais est fortement limitée dès lors que ces conditions ne sont plus représentées par celles des IEC. Effectivement, la mesure nucléaire en conditions atypiques est inévitablement plus dégradée due aux différents atténuateurs supplémentaires qui engendrent une absorption de l’énergie variable et corrélée avec les caractéristiques des aérosols non-radioactifs prélevés au même titre que les aérosols radioactifs naturels.

L’absorption conduit essentiellement à intensifier les traînes en énergies, qui de fait augmente d’une part, le bruit de fond dans la ROI1 due à la traîne du pic 218Po et d’autre part, le bruit de fond dans ROI2 et ROI1 (en faible proportion) due à la traîne en énergie du pic 214Po. Ces propos sont illustrés par le spectre en rouge à la figure 59, l’effet du 214Po dans la ROI1 n’est pas réellement visible sur la figure telle que représentée mais est mesurable.

En conséquence, l’utilisation du seul facteur K12 tel qu’il est actuellement défini conduit inévitablement à des mesures non attendues et donc des déclenchements d’alarme de type faux positif. Ainsi, il est nécessaire de définir à minima plusieurs valeurs de K qui puissent considérer le bruit de fond global dans ROI1 pour différentes conditions atypiques et/ou de définir trois valeurs de paramètre de traîne qui caractérisent les différentes contributions des pics 218Po et 214Po pour différentes conditions atypiques.