1. Les discours du
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Introduction de la partie
Notre étude, pour être menée à bien, a nécessité de recourir à l’utilisation des outils
méthodologiques de recueil d’informations. Ainsi, nous avons requis l’observation pour
comprendre les relations que les acteurs entretiennent en situation de formation, dans le cadre
de situation de formation individualisée ou collective. L’observation apparaît comme une
prise de contact avec notre objet d’étude, pour se former une première représentation (1.1).
C’est aussi un moyen de comparaison. En effet, l’observation permet de comparer les données
recueillies et les discours des acteurs.
Dans le même sens, après avoir pris connaissance des actions relatives aux actants, nous
souhaitions comprendre leur motivation et leur appréhension de la situation de formation
(1.2). L’entretien était un moyen méthodologique pertinent pour accomplir une tâche de
recueil complémentaire à notre corpus, qui regroupe la documentation liée à notre objet
d’étude (production écrite des acteurs, discours analytique et commentaires) (1.3).
Il s’agit donc de trois aspects de notre recherche qui se veulent complémentaires pour la
compréhension des caractéristiques de notre objet d’étude. Ces différentes approches sont
liées les unes aux autres. A notre sens, l’enjeu de ce travail est la mise en relation de ces
diverses approches.
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1.1L’observation de notre sujet d’étude
L’objet de notre recherche est l’interaction entre média-trainer et média-trainé. En effet,
l’observation nous offre l’avantage de comprendre la manière dont les acteurs du
média-training interagissent entre eux, dans le cadre de la formation, afin d’atteindre leurs objectifs
respectifs. Il nous semblait impératif de nous confronter à la réalité de la pratique du
média-training. Nous avons fait le choix de nous focaliser sur l’aspect social de l’interaction. Ce
dernier point a, d’une part, structuré notre analyse et, d’autre part, il a permis la construction
de notre raisonnement autour de la question suivante : comment les média-trainers
diffusent-ils leurs messages auprès des acteurs politiques et économiques lors d’une séance de média
-training ?
Ainsi, la structuration du discours par les média-trainers et son appropriation sont les
fondements de notre observation. En effet, la mise en rapport avec notre objet d’étude, nous
semble fournir des informations complémentaires aux autres outils méthodologiques dans la
mesure où les points de vue des acteurs sont visibles, favorisant la compréhension de la
pratique du média-training dans le champ économique, politique et par voie de conséquence
médiatique. Nous avons constaté que notre étude ne pouvait pas se focaliser exclusivement
sur les discours promotionnels des média-trainers car cela nous conduirait àomettre
l’interaction humaine du fait que ces discours se veulent être la présentation d’une vision
construite de la part des média-trainers.
« L o se atio e situatio , o le e a plus loi , est u outil de ueillette de do es
exigeant (Becker, 2002). Elle implique au moins de remplir quatre tâches
incontournables. Premièrement, le chercheur est présent sur les lieux même du terrain et
il doit pa o s ue t s adapte au ilieu o se . Cette tâ he, plus fa ile à di e u à
fai e, de a de u e o e souplesse d esp it.
Deuxièmement, il faut observer le déroulement des événements ce qui pourra se faire de
différentes façons (nous y reviendrons) mais exige toujours une attention soutenue.
Troisièmement, le chercheur doit garder une trace de ses observations en les
e egist a t d u e a i e ou d u e aut e. Les moyens les plus couramment utilisés sont
la p ise de ote, l e egist e e t audio ou la aptatio id o. E fi , uat i e e t, il
faut e d e o pte de e ui a t o se afi d e p opose u e i te p tatio e ue
d au u s appelle t u e fi tio ationnelle ou une abstraction fondée; voir à sujet le
collectif dirigé par Affergan et paru en 1999). Cette dernière tâche correspond bien sûr à
l a outisse e t du p o essus, est la fi alit pou sui ie pa tout he heu , soit elle de
produire du nouveau savoir sur un objet. »(Martineau, 2004)
Pour mener à bien cette étude, nous reprenons la perspective de Stéphane Martineau.
Nous aborderons, dans premier temps,notre travail d’observation globalement c’est-à-dire
notre approche et la structure que nous avons choisie (1.1.1). Dans un second temps, nous
reviendrons sur les séances individuelles de média-training et de média-coaching pour
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terminer sur les séances de prise de parole en public (1.1.2). Enfin nous traiterons des séances
de média-training et de prise de parole en public que nous avons observées.
1.1.1 Le travail d’observation global
Il nous a semblé essentiel de penser l’observation en suivant une structure permettant d’établir
une trame. Nous avons donc créé le cadre favorisant la bonne conduite de l’observation, ce
qui a nécessité d’abord de se renseigner sur le déroulé d’une séance de média-training sur la
base des programmes de formation, présentés dans les plaquettes promotionnelles ou sur les
sites internet des média-trainers ou organismes de formation.A travers l’observation, il s’agit
d’étudier tout d’abord la transmission de connaissances lors des entretiens de la part des
média-trainers vers les acteurs économiques et politiques. C’est le cœur de cette thèse. Pour
réaliser notre étude, nous avons donc souhaité nous confronter à l’observation de cette
situation d’échanges et de travail entre ces deux acteurs. Nous avons ainsi réalisé quinze
observations dont deux observations de séances de média-training individuel (une séance de
média-training et une séance de média-coaching), et treize séances de média-training de
groupe (séance de prise de parole en public).
La récolte d’information pour l’objet d’étude est passée par l’observation d’une situation de
média-training et d’une situation de média-coaching. L’objectivité fut notre priorité. Toutefois
la situation d’observation participante a tendance à biaiser la pleine objectivité que nous
souhaitions adopter par rapport à notre objet de recherche. Lorsque nous avons constaté une
éventuelle subjectivité par rapport à notre objet, nous nous sommes interrogé sur les raisons et
la justification de ces choix. En revanche, nous avons été soucieux de ne pas adopter une
démarche de légitimation de notre discours. De plus, notre approche dans ces observations est
de type interactionniste dans la mesure où nous observons les comportements des acteurs et
les liens affectifs que la situation de travail peut induire dans une séance de média-training.
Nous avons donc observé des interactions comportementales et des interactions affectives.
Dans le même sens, nous avons, au préalable de notre observation, défini des points qui
étaient susceptibles d’attirer notre attention lors de l’observation. Ainsi, nous avons décidé de
prendre en compte : la structure de la séance (c’est-à-dire les diverses étapes identifiables
dans le déroulement de la séance), le type de séance(séance de training
média-coaching, prise de parole en public), la première interaction entre les acteurs, le lieu de
rencontre(les locaux de l’acteur politique ou économique ou les locaux du média-trainer), les
conditions de la rencontre(dans une situation de prise de parole immédiate, crise), le temps
passé ensemble.
Par ailleurs, la contrainte majeure de cette observation fut de ne pas pouvoir enregistrer les
séances, ce qui induit à notre sens une perte d’information. Toutefois nous avons eu la
possibilité de prendre des notes. Nous nous sommes donc basé sur notre mémoire des
évènements étudiés et nos notes. Dans le cas d’espèce, l’écrit s’est avéré être essentiel dans le
processus de recueil de l’information. En effet, il nous a facilité l’analyse approfondie de la
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séance et des échanges inter acteurs. Notre mise à l’écrit nous permet de décrire la situation et
d’étayer notre analyse.
Nous avons opté pour l’observation participante dans les séances de prise de parole en
public.L’avantage de cette technique d’observation est que nous avions la possibilité de rester
au contact du public observé sans les biais d’une observation non-participante, l’apport en
informations étant d’une complémentarité essentielle dans l’étude de l’objet. Les acteurs étant
soit des professionnelles de la communication, en l’espèce de la construction du discours, et
des apprenties à l’égard de cette pratique, il nous semblait pertinent de nous mettre en
situation afin de bénéficier de discours non officiels sans le contrôle des média-trainers. Les
média-trainers sont en charge de l’animation des séances et du suivi des média-trainés. De
plus, l’analyse par la participation aux séances permet également d’adopter le point de vue de
l’acteur et de comprendre sa perception du média-training dans le cadre de son champ
d’activité. En effet, le média-training prend la forme d’une formation dont le résultat vise à
l’acquisition de connaissances et de compétences communicationnelles. L’enjeu est donc
professionnel. Le point de vue d’observateur externe à la situation peut conduire à l’omission
d’informations d’ordre comportementales et /ou émotionnelles qui participent au cadrage de
la séance de média-training.
Cependant, la difficulté entraînée par cette voie est celle de la distanciation par rapport à son
objet d’étude. En effet, en participant aux séances et en interagissant en tant qu’acteur de la
séance, nous nous trouvions en complète immersion. L’activité en groupe peut amener à se
considérer durant la séance comme un membre à part entière du groupe. Cela nécessite
d’objectiver les ressentis pour les retranscrire et les interpréter afin de construire l’étude.
L’impératif d’être critique par rapport aux informations récoltées demeure à notre sens une
condition de la mise en valeur de cette immersion.
Notre point de vue personnel étant une partie intégrante de l’action, la participation aux
actions lors des séances s’oppose à une distanciation à l’objet dans la mesure où notre
participation influe sur l’appréhension de l’objet d’étude et des acteurs. Il est donc peu aisé
d’effectuer un retour complètement objectif par rapport à certains évènements observé dans
cette situation. Notre observation participante a pris deux aspects. Le premier aspect de notre
observation participante fut d’observer en tant que média-trainé. Nous avons assisté à deux
séances individuelles. Notre approche de ces observations a nécessité une préparation. Nous
avons contacté les acteurs pour les informer de notre démarche et de leur accord. Par ailleurs,
l’observation nécessite, selon nous, la capacité de s’immerger pour en comprendre les divers
aspects de ce terrain. Le terrain d’observation n’est pas aisé du fait que les acteurs sont
rompus à la communication et à la structuration de leur discours. Nous sommes donc dans une
situation où les observés sont prêts à la situation d’observation.Notons que dans le cas
d’observation de séances personnalisées ou individualisées nous avons constaté que les
observés adoptaient un comportement différent d’une situation que l’on pourrait qualifier de
classique.
Notre travail d’observation participante s’est limité à celui d’observateur complet (Gold,
1958) dans la mesure où nous nous sommesabstenu de prendre part à l’action et que
l’ensemble des acteurs étaient conscients du travail d’observation effectué. Cette technique
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était la plus appropriée car l’accès à une séance en tant que client peut ne pas être aussi
productif dans le cadre individuel que dans le cadre collectif.
Rappelons que la prise de note de ces séances s’est avérée être le seul support de réflexion. En
effet, l’enregistrement n’était pas une option dans le cas de ces séances dans la mesure où
nous avions pris l’engagement de conserver la confidentialité des propos échangés. De plus, le
biais engendré par la présence d’un magnétophone (ou tout autre élément de captation vidéo
ou audio) semblait nuire à la bonne conduite de l’observation. Néanmoins, il est vrai que ce
moyen offre un réel avantage en matière de précision dans l’observation.Nos notes furent
descriptives c’est-à-dire que nous avons relaté l’ensemble des éléments que nous avons
constaté lors de ces séances. Cela a nécessité de porter notre attention sur des caractéristiques
de la situation observée au prix de ne pas reprendre systématiquement ces caractéristiques
dans ce travail de recherche. C’est pour cela que nous avions établi une grille d’évaluation
complémentaire. Son rôle dans l’observation est de pointer certains aspects de la situation
pour aboutir à l’analyse. Elle ne constitue pas une source pour la construction d’un jugement.
C’est un moyen de préciser les éléments observables. Ces derniers présentés sous une forme
descriptive.
Nous sommes parti sur une base limitée à quatre critères présentés ci-après. Toutefois, nous
avons à cœur de rester ouvert aux données reçues par l’observation sans être contraints
d’adopter une lecture qui pourrait nous amener à la perte de données susceptibles de
contribuer à la compréhension de la situation. De plus, les critères ont été organisés en
fonction de l’ordre d’apparition dans une séance.
Les points constitutifs de notre grille d’évaluation furent :
les acteurs en présence : ce critères nous permet de définir la fonction de l’acteur
(média-trainer, acteur économique, politique, fonction exercée).
la structure de la séance : comment le média-trainer organise ses séances avec ses
clients ? Une co-construction de la séance est-elle possible ? Les points qui seront
évoqués pendant la séance.
le type d’échange entre les acteurs : quels est la dynamique de l’interaction ?
(unilatérale ou bilatérale), adaptation du discours en fonction du client ?
les outils du média-trainer : un inventaire des outils employés pour animer la séance.
Ce point est un indicateur des pratiques et de la méthode utilisée.
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1.1.2 Les séances individuelles de média-training et de média-coaching
Nous avons assisté à deux séances individuelles, à savoir une séance de média-training et une
séance de média-coaching. Ces séances eurent la particularité d’être animées par le même
acteur dans les mêmes locaux. Cela nous a permis de réaliser un comparatif entre les deux
séances portant sur deux aspects de notre sujet d’étude.
La séance de média-training
Lors de cette séance, les acteurs observés étaient le média-trainer et deux acteurs
économiques, à savoir le dirigeant d’une entreprise de grande taille opérant dans le secteur
automobile et son chargé de relations publiques. Ce dernier était présent pour accompagner le
dirigeant dans sa formation et surtout pour donner des informations sur la stratégie de
communication mise en place au média-trainer. Les critères d’observation pour la séance de
média-training étaient ceux posés dans la grille d’évaluation. Nous étions convenu avec le
média-trainer que nous adopterions une position d’observateur et que nous n’interviendrions
pas dans la séance de média-training. Toutefois, il est à noter que le média-trainer restait
ouvert à l’idée d’une intervention de notre part.
Au préalable de cette observation, le média-trainer a informé son client de notre présence et
des raisons de celle-ci. Les raisons évoquées étaient l’observation d’une séance de média
-training. Nous avons aussi rédigé un mail qui fut retransmis par le média-trainer aux clients
dans lequel nous évoquons notre travail de recherche sur le média-training. Nous n’avons pas
développé les divers axes de la recherche pour ne pas biaiser l’observation.En d’autres termes,
nous avons veillé à transmettre l’essentiel sur notre démarche.
Par ailleurs, nous nous sommes engagés à garder les diverses informationsconfidentielles,
relatives à l’identité des clients et au nom de l’entreprise à laquelle ils appartiennent, ainsi que
les élémentsconcernant la stratégie de communication et le contenu informationnel de la
séance. Nous nous sommes donc placé à l’écart des acteurs de la séance (au fond de la salle
dans un angle derrière le client). En effet, nous voulions réduire le mieux possible le biais que
notre présence et ses raisons ont induit à la conduite de la séance, c’est-à-dire dans le
comportement adopté par les acteurs économiques et également celui du média-trainer. Nous
avons même veillé à restreindre les signes révélateurs de notre état d’esprit et tous les
éléments susceptibles d’indiquer notre avis sur les acteurs ou sur le déroulé de la séance, du
fait que nous considérons que la neutralité de l’observateur favorise la spontanéité des acteurs
dans la situation d’observation.
De plus, nous avons ajouté à notre grille d’évaluation des informations qui furent les fruits de
la séance. Nous avons également convenu avec le média-trainer de l’observation d’une autre
séance de média-coaching. L’objectif était d’observer les différences en matière d’interaction
entre les acteurs et les méthodes utilisés. A la fin de la séance, le média-trainer, nous a donné
la possibilité de réaliser un entretien avec les acteurs économiques.
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La séance individuelle de média-coaching
Pour cette séance nous avons posé les mêmes critères que pour une séance de média-training
classique. La différence fut que nous avons accru notre attention sur les points distinctifs
évoqués par les média-trainers à savoir les caractéristiques en matière de coaching. En effet,
l’observation visait à bénéficier d’une situation concrète de média-coaching et à constater la
corrélation entre les discours des média-trainers et les faits. L’avantage de cette séance fut que
l’ensemble des éléments structurels demeura similaire à la séance de média-training. A titre
d’exemple pour clarifier notre propos ; notre observation s’est déroulée dans le même cadre à
savoir les locaux du média-trainers et dans la même configuration (durée de la séance,
placement choisi pour observer la situation de formation). Néanmoins, notre démarche étant
qualitative, nous avons pris en compte ces éléments en se concentrant sur les points de
divergences entre la pratique du média-training et la pratique de média-coaching. L’idée était
d’observer si le niveau d’implication dans la construction de la stratégie de communication est
plus important que dans le média-training classique.
L’observé, dans cette séance de média-coaching, fut un acteur économique à savoir un cadre
dirigeant dans le secteur de l’audiovisuel qui revenait pour discuter des effets des conseils
prodigués par le média-trainer et il souhaitait d’autres conseils pour un évènement
professionnel. La séance se déroula le matin durant une heure et demie (9h30-11h). Il est à
noter que comme pour la séance de média-training, nous avons pu réaliser un entretien avec
l’acteur économique.
Malgré l’ensemble des mesures que nous avons mis en place pour réduire les biais induit par
notre présence, nous avons été confronté aux limites de cette méthode d’observation. Les
acteurs, selon les questions traitées avec le média-trainer, perdaient de leur spontanéité dans
leurs actions. Certains ont eu besoin d’un temps d’adaptation d’environ une dizaine de
minutespour complètement s’immerger dans la séance. Bien que nous ayons opté pour une
position en retrait, notre position dans la séance et notre regard sur la situation impacte le
processus d’interaction et par voie de conséquence le bon déroulement de la séance. Il est vrai
que lors de nos échanges, le média-trainer considérait que notre présence était un apport dans
la séance de média-training du fait que les acteurs économiques soient confrontés au regard
d’un public (de surcroît non familier) et à la situation de stress associée afin de crédibiliser les
simulations de prise de parole dans les médias.
Fort de ce constat pour bénéficier d’informations complémentaires sur la structure d’une
séance et les échanges entre les acteurs, nous avons opté pour des séances de prise de parole
en public en tant que participant.
20
1.1.3 Les séances de média-training et de prise de parole en public
Notre étude du média-training, nous a conduit au fait que les entraînements de prise de parole
en public demeurent liés au média-training. Nous avons donc entrepris d’organiser des
sessions d’observation sur la période 2014/2015, dans le cadre de séances libres c’est-à-dire
Dans le document
Le média-training : perspectives et enjeux politiques et économiques
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