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aux dirigeants et citoyens européens

Les participants au Colloque sur l’avenir de l’Union Européenne réunis le 1er juin 2018 à l’Université de Genève dans le cadre du Centre de compétences Dusan Sidjanski en études européennes sont convenus de lancer le présent appel.

Devant l’Italie qui bascule de l’euro-optimisme à l’euroscepticisme déjà installé en Hongrie et en Pologne ainsi que dans plusieurs États membres, il devient urgent de refonder l’Union Européenne sur la base de ses valeurs et de ses principes fonda-mentaux. Parmi ces principes, il est essentiel de sauver l’idéal de la solidarité mis à mal par les mesures d’austérité qui, depuis dix ans de crise, ont plongé nombre d’Européens dans la pauvreté, favorisé l’explosion des populismes et fait le lit des nationalismes et extrémismes.

Au début confinées surtout au groupe de Visegrád, ces poussées de lames de fond frappent désormais des démocraties stables comme en témoigne l’exemple italien avec l’arrivée au pouvoir par la voie des urnes d’une coalition entre la Ligue et le Mouvement Cinq Étoiles, sous le coup des politiques d’austérité et de l’incapacité de l’Europe à apporter des réponses communes aux pressions migratoires, aban-donnant l’Italie à son sort.

La coalition au pouvoir en Italie est pourtant loin d’être équilibrée entre un parti, la Lega, possédant une base doctrinaire et une stratégie définie d’une part, et d’autre part le Mouvement Cinq Étoiles, qui apparaît plutôt comme un magma de diverses tendances avec des orientations antisystème sur la question de l’Union Euro-péenne et de la politique sociale. La troisième économie de la Zone euro entre ainsi dans une période d’incertitudes au moment où l’UE a le plus besoin d’unité.

Par ailleurs, la plus grande économie de l’Union, de même que le couple franco-allemand, traversent une période de doute. À l’issue des dernières élections natio-nales, les deux partis allemands traditionnels sont sortis affaiblis alors que l’AfD a confirmé sa progression. Dès lors, ils cherchent à valoriser le symbole de la Mère patrie, die Heimat, pour ne pas laisser d’espace libre à l’AfD dont les thèmes de prédilection sont la lutte contre l’immigration et contre l’Union Européenne.

Face aux initiatives du Président Macron, la Chancelière temporise. Ces deux pi-liers de l’Union peuvent-ils continuer à danser longtemps sur des musiques aux rythmes différents sans que l’Union en souffre ? La marche pas à pas de l’Allemagne d’un côté, et l’Europe souveraine de Macron de l’autre, ont-ils la capa-cité de refonder l’Union ?

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Certes, les Conventions proposées par Macron, en ouvrant le débat public sur l’Europe, contribueraient, par la participation des citoyens, à la préparation des élections européennes de 2019 et à la prise de conscience de la crise politique qui a permis l’éclosion de coalitions gouvernementales comprenant une droite extrême désormais banalisée. Mais elles ne suffiront pas à sortir l’Europe de ses atermoie-ments, à un moment où celle-ci se trouve confrontée à une puissante vague de fond populiste, portée par le rejet de l’austérité imposée et par la crise migratoire, exposée de plus aux agressions de Trump contre l’ordre multilatéral et la paix mondiale.

Au moment où l’univers a le plus besoin d’une Europe unie, celle-ci souffre de ses fractures et plus encore de son incapacité à créer un noyau politique destiné à entraîner l’Union vers sa destinée commune, à protéger ses citoyens contre la globalisation sans loi et à répondre aux menaces qui pèsent simultanément sur l’Union et ses peuples. L’Union est plus que la somme de tous ses membres. Or, dans son état actuel elle est dépourvue ou insuffisamment dotée de pouvoirs réga-liens, seuls susceptibles de faire barrage aux périls qui tant à l’intérieur qu’à l’extérieur la rongent.

La refondation appuyée par la participation des citoyens est un des moyens à mettre en œuvre, mais elle exige une démarche de longue durée en regard de la rapidité du processus de délitement qui nécessite une réplique urgente. Dans l’immédiat, le Traité de Lisbonne offre deux voies rapides : d’une part, la « coopéra-tion renforcée » qui suppose l’engagement d’au moins neuf États membres. Elle permettrait de relancer la dynamique au sein de l’Union et de retrouver confiance et solidarité au bénéfice de tous les membres, notamment en initiant des projets in-dustriels ambitieux en vue de faire entrer l’Europe dans la « transition écologique ».

D’autre part, si assurer une défense commune peut se construire par des tions entre un minimum de cinq États membres décidés à recourir à la « coopéra-tion structurée », la défense de l’Europe ne pourra se faire dans le long terme sans la Grande-Bretagne. L’Union devra s’assurer que celle-ci n’est pas laissée à son destin insulaire, car si le « Brexit » est à l’heure des négociations aujourd’hui, il ne faut pas hypothéquer l’avenir mais au contraire laisser ouverte la possibilité qu’une nouvelle génération de citoyens britanniques puisse demander à revenir dans l’Union quand telle sera leur volonté.

Enfin, un véritable débat sur les moyens de relancer les économies sinistrées, comme la Grèce, devrait être engagé, sans tabou, ni esprit de revanche, mais avec pour seul souci l’idéal de solidarité. Dans tous les cas, cette relance implique une vision globale s’appuyant sur l’acceptation d’un noyau de souveraineté partagée.

Le temps joue en faveur des eurosceptiques et des forces destructrices de l’Union.

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Européennes, Européens ! Sonne le réveil des dirigeants à tous niveaux pour qu’une Europe forte renaisse des bouleversements qui mettent en péril le rayon-nement de sa culture et la survie de sa civilisation porteuse d’espoir et de paix, pas simplement pour elle mais pour le monde !

Signataires :

Hasni Abidi, Chargé de cours au Global Studies Institute de l’Université de Ge-nève, Directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditer-ranéen à Genève et professeur invité à l’Université Paris XIII ; Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre français et Ministre des Affaires étrangères et du dévelop-pement international, Professeur invité au Centre de compétences Dusan Sidjanski en études européennes ; Gilbert Casasus, Professeur en Études européennes auprès de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Fri-bourg ; Anne Dardelet, Référente territoriale Suisse et Liechtenstein de La Répu-blique en Marche!; Jérôme Duberry, post-doc chercheur au Centre de compé-tences Dusan Sidjanski en études européennes ; Dragana Filipovic, ancienne Ambassadrice de la République de Serbie auprès du Conseil de l’Europe ; Chris-takis Georgiou, post-doc chercheur au Centre de compétences Dusan Sidjanski en études européennes ; Sandro Gozi, ancien Secrétaire d’État italien aux Affaires européennes ; Guillaume Klossa, ancien Sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen), directeur Union européenne de Radio-Télévision (2013-2018), professeur à Sciences-Po Paris et fondateur de Civico Europa ; Nicolas Levrat, Professeur à la Faculté de droit de l’Université de Ge-nève, Directeur du Département de Droit international public et Organisation inter-nationale, membre du Comité de direction du Centre de compétences Dusan Sid-janski en études européennes ; Grégoire Mallard, Professeur d’Anthropologie et de Sociologie à l’Institut des Hautes Études Internationales et du Développement de Genève ; Charles Méla, Professeur émérite de l’Université de Genève, Prési-dent du Centre européen de la culture ; Bernard Reber, Directeur de recherche au CNRS, Centre de recherches politiques de Sciences Po, Paris ; François Saint-Ouen, Chargé de cours au Global Studies Institute de l’Université de Genève, Se-crétaire général du Centre européen de la culture, collaborateur scientifique au Centre de compétences Dusan Sidjanski en études européennes ; René Schwok, Professeur au Département de science politique et relations internationales de l’Université de Genève, Directeur du Global Studies Institute, Président du Comité de direction du Centre de compétences Dusan Sidjanski en études européennes ; Dusan Sidjanski, Professeur émérite de l’Université de Genève, Fondateur du Département de science politique, Président d’honneur du Centre européen de la culture, ancien Conseiller spécial du Président de la Commission européenne.

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