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Gruz RFF ; Directeur du projet de la branche Est Global A Lavallée Chambre de Commerce et d'Industrie du Territoire de Belfort ; Responsable du pôle développement durable Local

Rubrique thématique n°3 : La Métropole Rhin-Rhône (le début d’une réalité ?)

Encart 2 La grille d’analyse

S. Contini Communauté d’agglomération du Grand Dole ; Responsable des transports Local E Faivre Conseil général de la Haute Saône ; Directeur de cabinet et docteur en Géographie Global

X. Gruz RFF ; Directeur du projet de la branche Est Global A Lavallée Chambre de Commerce et d'Industrie du Territoire de Belfort ; Responsable du pôle développement durable Local

J-P.

Léandri Groupe La Poste Franche-Comté ; Délégué aux affaires territoriales Global P. Noblet AUTAB (Association des Usagers des Transports de l'Agglomération Bisontine) ; Président Local

F.

Toulouse Communauté d’agglomération du Grand Dijon ; Service aménagement et grandes infrastructures de transport Local

Si les discours opposent deux visions très différentes de la réalité territoriale de l’aire Rhin-Rhône, les cartes mentales mettent également en évidence deux conceptions distinctes de l’aire Rhin-Rhône.

b – Des divergences présentes dans les cartes mentales

Les différences de perceptions dans les discours, exprimées par les deux catégories d’acteurs, sont également visibles dans les représentations cartographiques. Pour identifier ces divergences, nous analysons la forme des portions d’espace tracées par les acteurs ainsi que la présence d’éléments significatifs tels les flèches ou autres symboles graphiques. Le choix de proposer deux fonds de cartes différents, l’un représentant le couloir de circulation européen, l’autre l’aire Rhin-Rhône, n’est pas concluant. En effet, il s’avère impossible de distinguer les deux catégories selon ce critère ; par exemple, seulement cinq acteurs appartenant à la deuxième catégorie (« Aire Rhin-Rhône avec dimension territoriale ») ont choisi le fond de carte de l’aire Rhin-Rhône.

Si les deux catégories d’acteurs ne se différencient pas dans le choix des cartes, elles se distinguent par des représentations cartographiques particulières.

Pour la première catégorie, trois traits spécifiques apparaissent (Fig. 1-50)265. Premièrement, si l’on se réfère à la carte réalisée par Y. Sauret, représentant de Gares et Connexions, la correspondance entre la description du « Rhin-Rhône », dans sa situation de couloir, et sa représentation graphique, est matérialisée par des lignes orientées. Cet acteur privilégie une logique d’ouverture vers la région parisienne, l’Allemagne, le Sud de la France et la Suisse. T. Zettel, secrétaire général de l’association « Trans Europe TGV Rhin Rhône Méditerranée », représente d’une manière différente le couloir de circulation, puisque les villes entourées mettent en évidence cette situation d’espace-support à l’échelle européenne. Il justifie d’ailleurs cette délimitation : « parce qu’il travaille sur un projet de liaison à grande vitesse sur un axe Rhin-Rhône Méditerranée ». Il convient de signaler à ce sujet que les cartes mentales dressées par les acteurs sont le reflet de leurs situations professionnelles. Ainsi, les représentants de la SNCF (M. Cormier, Y. Sauret) et de RFF (X. Gruz) sont les seuls à avoir choisi des représentations réticulaires, et les acteurs de la SNCF, font figurer sur les cartes le projet de LGV Rhin-Rhône dans son intégralité. Par exemple, M. Cormier reprend le tracé de la branche Est, indiquant par un trait continu, l’ensemble des villes qui seront directement reliées, ainsi que ses prolongements futurs en pointillés, car « la liaison vers Paris n’est pas une partie intégrante du projet. Le TGV Rhin-Rhône est provincial. C’est une première en France car il exclut la capitale. Pour les Dijonnais, ça ne change rien sauf en termes de fréquence même si les temps de parcours sont identiques266 ». Deux autres représentations-types, quelque peu différentes, celles de X. Gruz et L. Kammerer, matérialisent « un espace Rhin-Rhône » par une surface, prolongée par des lignes, simples ou orientées, symboles d’ouverture.

Ces représentations réticulaires, spécifiques aux acteurs du « monde » ferroviaire qui associent logiquement la LGV à l’expression « espace Rhin-Rhône », soulignent que la seule réalité que cette catégorie concède à l’aire Rhin-Rhône, est celle d’un maillon inscrit dans le couloir de circulation européen.

Deuxièmement, cette catégorie d’acteurs se distingue par la forme et les figurés choisis. On retrouve la correspondance entre la présence dans les discours du couloir de circulation européen et la forme donnée sur les cartes. Par exemple, la délimitation de l’aire Rhin-Rhône correspond au couloir de la vallée du Doubs et à ses prolongements vers la vallée de la Saône et

265 Afin de rendre plus lisibles les représentations cartographiques, nous avons réalisé un document de synthèse à la

fin de ce paragraphe. Les figures originales sont ajoutées dans les annexes de la thèse.

la plaine d’Alsace (P. Chauvy). La situation d’espace-support de circulation est aussi matérialisée par le choix de figurés particuliers, les flèches et les ouvertures, que l’on retrouve sur plusieurs des représentations proposées.

Figure 1 - 50 Principales représentations de la première catégorie d’acteurs « Aire Rhin-Rhône

sans dimension territoriale »

Enfin, une autre distinction repose sur la représentation ou la mention des couloirs jugés concurrents de l’aire Rhin-Rhône. Le premier passe par la Suisse. Ainsi, pour C. Mordant, représentant du PRES Bourgogne-Franche-Comté, « si on ne modernise pas [l’aire Rhin-Rhône en tant qu’espace-support] au sens structurel du terme, la circulation se dérive par ailleurs, elle traverse le plateau suisse, elle passe par les Alpes, par le Brenner, elle traverse un peu plus loin et ne passe pas par notre pays ». Le deuxième couloir concurrent évoqué, « la variante par la Moselle », se situe cette fois au nord-est de l’aire Rhin-Rhône, pour L. Kammerer, représentant du service grandes infrastructures de transport à l’agglomération de Mulhouse.

Pour conclure sur les représentations de la première catégorie d’acteurs, nous pouvons reprendre les propos de L. Kammerer : « on n’est plus le seul axe. Tant qu’il y avait la petite Europe, on se prenait pour le seul axe. Maintenant que les Suisses créent, indépendamment de la grande Europe, de nouveaux axes vers la Méditerranée (Simplon, Gothard), ça fait des axes forts qui ne sont pas des axes naturels […] On avait l’habitude de considérer que l’axe Rhin-Rhône avec la Trouée de Belfort était un axe naturel ».

Pour la deuxième catégorie d’acteurs, qui prêtent une réalité territoriale à l’aire Rhin- Rhône, trois éléments se dégagent des représentations cartographiques ébauchées (Fig. 1-51).

D’abord, une partie de ces acteurs n’a pas différencié l’aire Rhin-Rhône de la Métropole Rhin-Rhône. La traduction graphique de ces discours est simple puisque les villes représentées correspondent aux villes membres de la Métropole (C. Contini, B. Garnier)267. Ensuite, les acteurs délimitent l’aire Rhin-Rhône par une ellipse fermée qui ne correspond pas au couloir naturel, à l’inverse des acteurs de la première catégorie. La dimension territoriale de l’aire Rhin-Rhône est ainsi mise en évidence En témoignent, les deux cartes de B. Garnier, qui représentent l’aire Rhin- Rhône sous la forme d’une ellipse regroupant les villes de la Métropole Rhin-Rhône au sein d’une même entité. De plus, à l’inverse des représentations de la première catégorie d’acteurs, les ouvertures sont absentes. La représentation par la fermeture qui donne une limite visible et bien définie, indique manifestement une existence territoriale, même si elle n’est que politique, de l’aire Rhin-Rhône.

Enfin, la dimension territoriale est soulignée par la présence des villes suisses. En dépassant la « barrière » du Jura, ces représentations donnent une envergure internationale à l’aire Rhin-Rhône même si parfois, cette dimension n’est pas clairement affirmée, comme en témoigne la représentation en « archipel » choisie par B. Chalumeau.

267 Nous avons également réalisé un document de synthèse en fin de paragraphe pour les représentations des acteurs

Figure 1 - 51 Principales représentations de l’aire Rhin-Rhône proches de la Métropole Rhin-

Rhône

Le lien entre représentations graphiques et discours des acteurs est évident dans la majeure partie des cas. L’importance marquée de la situation d’espace-support répond à une logique circulatoire à l’échelon européen, reconnue par les deux catégories d’acteurs. Néanmoins, leurs représentations de l’aire Rhin-Rhône divergent : certains acteurs la considèrent comme une aire de transit, d’autres comme une portion d’espace cohérente avec une dimension territoriale sous-jacente.

Après avoir analysé les deux représentations principales de l’aire Rhin-Rhône, il convient de s’intéresser non pas à sa situation d’aire de transit, mais d’adopter une lecture transversale de l’ensemble des entretiens pour appréhender la nature de l’aire Rhin-Rhône, et donc la dimension territoriale sous-jacente.

3-2-3 L’aire Rhin-Rhône : un espace intermédiaire dépourvu de dimension territoriale Une majorité d’acteurs (17 sur 29), quelle que soit la catégorie dans laquelle nous les avons classées, se représente l’aire Rhin-Rhône comme une entité « non structurée, éclatée, polarisée ». Même les acteurs de la deuxième catégorie, qui reconnaissent que la Métropole Rhin- Rhône contribue à la cohérence de l’aire Rhin-Rhône, mentionnent également le caractère peu structuré de cette portion d’espace.

a – Une aire Rhin-Rhône multipolarisée…

L’inexistence de l’aire Rhin-Rhône tient à un autre facteur déjà évoqué dans le cadre de l’analyse des activités économiques : sa polarisation par les trois grands pôles français et européens qui l’encadrent : la région parisienne, la région lyonnaise et l’espace rhénan.

Il est difficile dans le cadre de cette thématique d’une aire « Rhin-Rhône » sans identité de dissocier complètement la fonction de support de circulation mentionnée précédemment, tant les infrastructures et les flux qui lui sont liés sont révélateurs, de cette polarisation. Cependant, cette logique circulatoire est dépendante d’autres facteurs de polarisation parmi lesquels figurent les activités économiques. La polarisation métropolitaine ne s’exerce pas, d’après les discours des acteurs, avec la même intensité. Si les discours soulignent l’attraction exercée par les trois sommets du triangle Paris-Lyon-Strasbourg, elle est d’intensité variable en fonction de la situation des agglomérations de l’aire Rhin-Rhône par rapport à ces pôles encadrants. Dans le cas de Dijon, elle est préférentielle en direction des régions parisienne et lyonnaise car comme le rappelle B. Chalumeau : « jusqu’à maintenant, Dijon était tournée vers le Rhône, le sud, Lyon et

vers Paris mais pas vraiment vers l’est et le Rhin ». L’agglomération de Mulhouse, quant à elle, est présentée comme le pendant symétrique de Dijon, mais vers l’est cette fois, puisqu’elle « regarde » en direction des pôles de l’espace rhénan : Bâle et Strasbourg. D. Asséo indique, à propos de la plaine d’Alsace, qu’elle « est tournée dans ses relations plus vers Bâle, vers l’Allemagne, ou en interne avec le bipôle Mulhouse-Strasbourg ». Propos également tenus par L. Kammerer qui met en évidence cette double appartenance au pôle mulhousien par la question suivante : « Est-ce que dans le cadre de la nouvelle loi sur les pôles métropolitains et la réforme des collectivités territoriales, Mulhouse va s’allier avec Strasbourg autrement que par les alliances formelles ou rester dans la Métropole Rhin-Rhône, qui pour l’instant n’a qu’un statut associatif ? ».

La région Franche-Comté, au centre de l’aire Rhin-Rhône, subit, quant à elle, différentes influences. Comme l’indique X. Gruz, « pour certaines agglomérations comme Lons-le-Saunier, on est dans la zone d’influence de Lyon [et] pour d’autres plus au nord, on passe plus vers l’Alsace ». Ainsi, les pôles de Belfort et de Montbéliard, à l’est de la Franche-Comté, semblent davantage « tournés » vers l’Alsace, et plus particulièrement vers le secteur de Mulhouse-Bâle.

Cette polarisation multiple subie par l’aire Rhin-Rhône constitue un des facteurs explicatifs du fractionnement de cette entité, telle qu’elle a été présentée par les acteurs.

b – … et multipolaire

À l’échelon de l’aire Rhin-Rhône, la région Franche-Comté se situe idéalement au centre. Mais comment envisager cette situation centrale ? À première vue, les discours des acteurs sont pessimistes parce que ce centre, au sens géométrique du terme, semble « tiraillé », entre les voisins dijonnais et mulhousiens. En effet, nombreux sont les acteurs à considérer la Franche- Comté comme une région soumise à une forte attraction des agglomérations de Dijon et Mulhouse. C. Mordant indique au sujet de ces forces centrifuges qu’il faut « qu’il y ait une forme de cœur et pour le moment on n’a que des périphéries […] On a le point de départ et le point d’arrivée mais on n’a pas le milieu ». Dans le même ordre d’idée, certains acteurs cristallisent leurs espoirs dans la Métropole Rhin-Rhône qui a pour fonction de faire converger l’ensemble des agglomérations et de donner une place centrale à cette région. B. Garnier, en tant que président du club TGV de Besançon, fait part de ces enjeux: « si les choses se font aux extrémités, c’est la dislocation de ce qu’on connaît aujourd’hui comme étant la région Franche-Comté. Si la Métropole Rhin-Rhône fonctionne, on est au milieu, dans le cas contraire, on explose à l’échelle de 20 ou 30 ans ». Cette dernière citation souligne bien le risque de fractionnement du centre de l’aire Rhin-Rhône et les multiples enjeux liés à la mise en place concomitante de la Métropole Rhin-Rhône et de la branche Est.