• Aucun résultat trouvé

La dimension institutionnelle renseigne sur les règles et les conditions de participation des femmes au GÉF, sur les modalités de représentation et d’exercice du pouvoir. Elle indique aussi les moyens de communication du GÉF et ses rapports avec l’extérieur.

2.1. Les règles et conditions de participation au GÉF

À leur début, il n’y avait pas de conditions particulières à remplir pour participer aux activités de transformation de poisson au site de Pencum Sénégal. L’adhésion se faisait par cooptation et sur la base des liens de solidarité existant entre les membres et les candidates.

Depuis la création des deux GIE dans la même année, les femmes s’étaient fixées une cotisation de 2 500 FCFA par quinzaine (ou 5 000 FCFA par mois). Mais depuis qu’elles ont commencé à recevoir des financements, elles ont arrêté de cotiser. La somme réunie jusqu’à la période de l’arrêt appartenait aux premiers membres qui l’utilisaient en crédit rotatif entre elles.

Entre-temps, le site s’est développé. Devant la volonté manifeste de plusieurs autres femmes de faire partie du GÉF, et pour ne pas léser les plus anciennes dans le groupe, une décision a été prise concernant les frais d’adhésion d’une nouvelle membre, à partir d’un bilan d’étape faisant l’état des comptes. Ainsi, en tenant compte d’un certain nombre d’acquis, il a été décidé un montant de 15 000 FCFA pour toute nouvelle adhésion. Outre cette somme, la nouvelle adhérente doit s’acquitter d’une cotisation mensuelle ramenée à 1 000 FCFA.

Maintenant que les autorités ont réaménagé le site avec un investissement de 280 millions de FCFA, d’autres conditions vont être fixées pour une meilleure identification des membres du GÉF et aussi pour protéger le site et réguler sa fréquentation. Un comité de gestion sera chargé de gérer le site. La plupart des femmes membres rencontrées donnent leur accord à cette initiative. Celles-ci se basent sur le fait : « que l’activité de transformation au site de Pencum Sénégal est arrivée à un stade tel qu’on ne peut plus permettre à n’importe qui de venir faire partie du GÉF, de fréquenter et de se servir du site de façon anarchique ». Pour ce faire : « il y aura des conditions d’accès dans le site, l’idée de créer des badges pour identification des membres est lancée. Pour le moment, nous réfléchissons à cela. »

2.2. Les modalités de représentation et d’exercice du pouvoir

Au GÉF de Pencum Sénégal, le pouvoir est exercé dans les faits de façon formelle. Les décisions importantes se prennent en consensus et de façon démocratique. Formellement, le GÉF est bien structuré comme le montre l’Organigramme 1 à la partie « 1.4.1. Le GÉF ». C’est la présidente qui coordonne le groupement ; elle est entourée d’une équipe constituée en bureau exécutif. Lorsqu’il est question de chercher un financement ou de rencontrer les autorités administratives, les structures officielles du GÉF fonctionnent bien et les GIE, qui sont des groupements reconnus officiellement, prennent le dessus sur les mbaars.

Cependant, si l’exercice du pouvoir paraît formel et logique, il arrive que les membres du GÉF obéissent à un mode de fonctionnement tout à fait informel qui tient surtout compte des aspects sociaux et traditionnels. L’élection de la présidente et de certains membres en est l’illustration même. En effet, les modalités de représentation tiennent plus compte de la culture que des règles associatives légales. L’accession à un poste ne se fait pas selon les procédures habituelles, telles que les assemblées générales ou les élections. Elle est basée sur les principes de la tradition sociale, notamment sur l’exercice du droit d’aînesse et le degré d’implication des acteurs.

L’actuelle présidente, MBathio Niang, a été nommée pars paires sur la base de ses preuves dans le GÉF. En effet, elle s’est distinguée par son dévouement et son implication dans le groupe, mais surtout par sa loyauté auprès des anciennes mères qui participaient au GÉF. Et pour avoir beaucoup travaillé aux côtés de l’ancienne présidente, Awa Diaw, aujourdhui décédée, elle a été désignée, puis nommée, vu sa compétence et son implication dans le groupe. Depuis sa nomination il y a plus de 10 ans, elle continue à diriger le GÉF. Sous sa direction, le GÉF a gagné deux concours du Grand Prix du président de la République en 1996 et en 2000. Elle a été unanimement proposée pour être portée à la tête du récent comité de gestion mis sur pied par le GÉF lors d’une assemblée générale en 2003.

Les relations de pouvoir entre la direction et les membres sont au beau fixe. La hiérarchie est respectée dans le fonctionnement du GÉF pour la circulation de l’information, la prise de décision et la recherche de financement. Quant à l’exécution des tâches, chaque membre est libre de travailler selon ses moyens et selon son propre rythme et de façon autonome. Les règles de participation sont respectées.

2.3. Les moyens de communication et de résolution de conflits dans le GÉF

Quand l’information arrive, elle est reçue par la présidente, qui est chargée de la faire circuler à la base. Pour cela, il revient à la griotte (féminin de griot : conteur, musicien et poète) du GÉF de convoquer toutes les femmes en réunion. Les communications se font généralement de bouche à oreille par l’intermédiaire de la griotte, qui détient le rôle d’informer. Elle fait le tour des mbaars pour lancer l’information ou convoquer les membres en réunion. Elle peut aussi informer directement les boopu-mbarrs, qui auront ensuite la charge de faire circuler l’information auprès des membres de leurs groupes respectifs. Elle peut également profiter des moments de rassemblement naturel pour informer. L’un de ces meilleurs moments est sans doute celui qui correspond à l’arrivée des camions pour approvisionner en poisson et qui occasionne des attroupements de presque toutes les femmes.

Quant à la résolution des conflits, les femmes affirment être actuellement très unies et solidaires dans le GÉF. Du moment qu’elles se connaissent depuis longtemps et qu’elles évoluent ensemble dans le GÉF, elles se supportent mutuellement au travail et socialement lors des évènements dans leur maison respective. Mais comme dans tout regroupement, des petits conflits ne manquent pas. Ces conflits sont souvent perceptibles au moment de l’approvisionnement, quand les camions de poisson arrivent. On peut alors déceler quelques frictions entre femmes qui se bousculent pour avoir accès à la provision. Mais l’intervention des autres membres du groupe arrive à apaiser la situation et l’incident est vite clos.

2.4. Les rapports avec l’extérieur

Le GÉF est une organisation connue et très dynamique dans le secteur de la pêche. Il collabore avec les autres dans le cadre professionnel. C’est ainsi qu’il se retrouve avec eux dans les mêmes organisations professionnelles, telles que la FÉNAGIE/Pêche, la FÉNATRAMS et, à un niveau supérieur, dans le CONIPAS. Cette collaboration vise les échanges entre ces différents groupements pour l’avancement de leur activité professionnelle. L’implication du GÉF de Pencum Sénégal est très remarquée dans ces rapports avec les autres organisations à travers la personne de sa présidente qui, au nom du groupement, occupe le poste de trésorière de la FÉNATRAMS.

Par ailleurs, une forme de solidarité est développée entre les membres de ces différentes GÉF dans le cadre de l’approvisionnement en poisson. En cas de surplus de provision dans un site, des avis sont lancés pour informer les femmes des autres sites. Et au lieu de transporter les produits frais d’un site à un autre, avec l’accord des intéressées, le travail de transformation est fait sur place et c’est le produit fini qui est récupéré et la main-d’œuvre payée sur place.