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La dimension humaine – Les travailleurs migrants sortent toujours perdants

Dans le document Migration, droits de l’homme et gouvernance (Page 182-185)

RESPECTER PROTÉGER INSTAURER

Encadré 5.13 La dimension humaine – Les travailleurs migrants sortent toujours perdants

Que ce soit dans leur pays d’origine ou leur pays de destination, les travailleurs migrants pakistanais connaissent très mal la loi. Ils n’assistent à aucune réunion de préparation au départ et ne reçoivent aucune information concernant l’aide qu’ils peuvent attendre de leur ambassade après leur arrivée sur place. De ce fait, ils sont la proie des agences d’emploi qui, parce qu’elles échappent en général à la réglementation, peuvent se laisser aller à des comportements peu scrupuleux.

« […] [M]ais j’avais payé pour un emploi de chauffeur automobile, qui m’avait été garanti » proteste Maqbool lorsque son employeur (Kafeel) lui explique, à son arrivée à Abou Dhabi, que c’est un troupeau de moutons qu’il conduira et non un véhicule.

« Il m’était impossible de rentrer chez moi, car mon employeur ne voulait pas me rendre mes titres de voyage ni signer mon permis de sortie » ajoute Maqbool, qui avait vendu les bijoux de sa mère, entre autres possessions, pour partir à l’étranger réaliser son rêve : gagner assez d’argent pour sortir sa famille de la misère dans laquelle elle croupit depuis des générations. […]

Noor Elahi, ingénieur en mécanique diplômé de l’Université d’ingénierie et de technologie (UET) de Lahore, a lui aussi été floué. « Pendant les deux premiers mois, j’ai reçu le salaire convenu dans le contrat, mais on m’a ensuite contraint à accepter 1 500 riyals seulement » [déclare‑t‑]il.

On lui avait garanti un salaire mensuel de 4 000 riyals en Arabie Saoudite. Il n’a toutefois pas remarqué que le permis de travail qui lui a été remis au moment de son départ mentionnait un niveau de qualification (travailleur manuel) nettement inférieur à celui auquel ses qualifications pouvaient lui permettre de prétendre.

« Mon employeur m’obligeait à accepter moins de la moitié du salaire convenu dans le contrat au motif que le titre d’ingénieur en mécanique ne figurait pas sur mon visa et que je devais me contenter du salaire d’un technicien. »

Il est rassérénant de constater que les pays de la région ont enfin commencé à réfléchir sérieusement aux solutions à apporter à cette problématique. Le gouvernement du Pendjab, soutenu par le Bureau de l’OIT au Pakistan, a récemment organisé en Asie du Sud une Conférence sur le travail de trois jours ayant permis aux représentants de tous les pays de l’ASACR de débattre, entre autres, de l’éventualité d’instaurer, grâce à l’assistance technique de l’Organisation internationale du Travail, une coopération régionale en matière de migration de main‑d’œuvre. […]

“Migrant workers get the short end of the stick”, Bureau de zone d’Islamabad de l’OIT, articles de fond, Bureau international du travail, 2014.

Comme indiqué ci‑dessus, la majeure partie de ces mesures peut et doit être imposée et façonnée par la législation. Dans les pays d’origine comme de destination, la législation et les politiques relatives à la migration de main‑d’œuvre doivent prévoir des mesures destinées à éviter les abus et à promouvoir l’emploi décent et productif des migrantes et des migrants dans des conditions de liberté, équité, sécurité et dignité humaine. Il est important que la législation, les politiques et les programmes tiennent compte des points communs et des différences caractérisant la condition des diverses catégories de migrantes et de migrants et tentent d’éradiquer toutes les formes de discrimination et les inégalités entre les sexes, tout en visant également les autres vulnérabilités, violations et leurs conséquences. Ils doivent aussi prendre en considération les risques accrus que courent les migrantes de se trouver en situation irrégulière, soit parce qu’elles travaillent dans des secteurs non réglementés de l’économie, soit parce qu’elles sont victimes de la traite et soumises à de nombreuses formes d’abus et de violence.

A l’instar des pays de destination, il est essentiel d’instaurer et de mettre en œuvre un cadre d’action complet qui doit tenir compte des sujets d’inquiétude de diverses parties prenantes, notamment le gouvernement, les organisations d’employeurs et de travailleurs (partenaires sociaux) et les autres acteurs de la société civile et s’en faire l’écho. Le ministère du Travail étant le ministère qui assume la plus grande part de responsabilité en matière d’emploi, et les organisations d’employeurs et de travailleurs étant en première ligne de l’économie réelle, il convient de donner au dialogue social la part qui lui revient dans la formulation et la mise en œuvre de la politique relative

à la migration de main‑d’œuvre. Comme indiqué au chapitre 2, les normes de l’OIT se rapportant directement à la protection des travailleurs migrants et à la gouvernance de la migration de main-d’œuvre reconnaissent spécifiquement le rôle important joué par les organisations d’employeurs et de travailleurs à cet égard. Une telle politique doit normalement comporter les éléments mentionnés ci‑dessus et établir un lien explicite entre l’émigration et l’immigration de main‑d’œuvre et de compétences, d’une part, et le fonctionnement du marché national du travail et l’incidence sur le développement économique et social, d’autre part.

Il est indispensable de prévoir des arrangements institutionnels encadrant la préparation au départ, l’arrivée dans le pays de destination et la prise d’emploi à l’étranger. Un nombre croissant de pays d’origine disposent d’un bureau chargé des travailleurs à l’étranger, dont les fonctions sont les suivantes :

• surveillance des agences de recrutement afin de bannir les pratiques abusives et frauduleuses;

• fixation de minima en matière de rémunération et de conditions de travail à l’étranger;

• négociation avec les pays hôtes dans le but qu’ils étendent leur législation du travail, entre autres, à toutes les catégories de travailleurs migrants;

• aide à l’émigration;

• règlement des différends opposant des migrants à leurs recruteurs;

• collecte d’informations concernant les perspectives d’emploi et étude des perspectives d’emploi futures à l’étranger;

• compilation de statistiques et activités de recherche dans le domaine de la migration de main-d’œuvre afin d’élargir la base de connaissances et de disposer des éléments d’information requis pour l’élaboration des politiques.

Le cas échéant, ces agences ou ces instances doivent dépendre du ministère du Travail, afin de respecter les priorités en matière d’emploi, de formation et de qualifications fixées pour l’ensemble du marché national de l’emploi.

5.4.2 Pays de destination

Le marché du travail des pays de destination, où résident et travaillent les migrants, doit être réglementé à des fins de cohérence, mais aussi pour garantir l’emploi productif des ressortissants nationaux comme des travailleurs étrangers, ainsi que la protection des travailleurs et la cohésion sociale. Il est en général nécessaire de prendre des mesures liées entre elles dans six domaines :

• réglementation du marché du travail, notamment accès à l’emploi, mobilité des travailleurs et reconnaissance des qualifications;

• protection des migrants et des ressortissants nationaux dans le contexte professionnel : liberté syndicale et droit à la négociation collective, égalité de

traitement et non‑discrimination du point de vue des conditions de travail et d’emploi, de la rémunération et de la sécurité et la santé au travail et accès à la formation

professionnelle, ainsi qu’à des cours de langue et à une prise en charge favorisant l’intégration;

• promotion de la cohésion sociale par le biais de mesures visant à lutter contre la discrimination et la xénophobie, ainsi qu’à faciliter le regroupement familial et l’intégration;

• protection sociale, notamment soins de santé, éducation, logement et organisation communautaire;

• dispositions visant à assurer la couverture en matière de sécurité sociale et la portabilité des prestations;

• lutte contre la criminalisation des migrants et leur mise en détention (voire le chapitre 4).

La cohérence du marché du travail et l’utilisation productive des compétences et de la force de travail de la main‑d’œuvre étrangère sont indispensables pour garantir aux travailleurs migrants la protection minimale que leur accordent, dans le pays de destination, le droit international relatif aux droits de l’homme et les normes internationales du travail. Le meilleur moyen de protéger les travailleurs migrants dans les pays de destination consiste à légiférer, que ce soit dans le cadre du code du travail, de la législation relative à l’emploi, du droit relatif aux droits de l’homme ou des autres dispositions garantissant la protection des étrangers sur le territoire national. Il convient de consacrer une attention particulière à la protection des travailleurs migrants employés dans un cadre temporaire (ou circulaire).

Encadré 5.14 Analyser et améliorer la migration circulaire en Suède

Dans le document Migration, droits de l’homme et gouvernance (Page 182-185)

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